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vendredi 31 décembre 2010

Une lecture à mettre entre toutes les mains

Les relations publiques, une profession en devenir

Michel Dumas
Presses de l’Université du Québec, 2010

Étudiants, relationnistes débutants ou chevronnés, employeurs ou professeurs, quiconque considère les relations publiques davantage comme une profession que comme une simple occupation ou un métier, doit lire le livre de Michel Dumas.

On ressort de cette lecture de 160 pages (en incluant les annexes, elles-mêmes d’une grande pertinence) avec la conviction que les relationnistes ont aujourd’hui tous les atouts qui leur permettraient de travailler activement à l’obtention d’un statut professionnel reconnu par la société, si tant est qu’ils le souhaitent.

Le défi des relationnistes demeure le même depuis les premières initiatives de regroupement qui remontent au milieu du XXe siècle : faire la démonstration qu’ils appartiennent à une profession dotée d’un savoir et d’un savoir-faire résultant d’un apprentissage sérieux, et d’un solide code d’éthique où ils se reconnaissent des obligations envers la société, aussi bien qu’envers leurs employeurs et clients.

Michel Dumas retrace et documente l’évolution du corpus de connaissances, de la formation et de la recherche, les contours de la pratique elle-même. Il s’attarde à l’importance du développement professionnel en cours de carrière, au caractère essentiel de l’éthique professionnelle. Se tournant vers l’avenir, il prend résolument partie pour l’obtention d’un statut professionnel et décrit les étapes à franchir pour y parvenir.

L’ouvrage jette aussi des ponts entre la réalité québécoise et canadienne, l’expérience américaine qui a été si déterminante depuis un siècle, et la situation des autres régions du globe. Il ouvre une fenêtre sur les pays où les relations publiques ont acquis un véritable statut de profession. Il soulève la question des différences culturelles qui influencent la pratique sous différents régimes, pour mieux faire ressortir le caractère universel des grands principes qui unissent les professionnels des relations publiques de partout.

Il faut avoir été formé par un grand maître, avoir pratiqué durant plusieurs décennies dans des contextes variés, avoir été actif au sein d’associations professionnelles aussi bien ici qu’à l’international, et avoir pris le temps de réfléchir, avant de pouvoir produire un bilan aussi complet et aussi concis que celui-là, rédigé par surcroit dans une langue d’une grande clarté. Certes, rien n’est parfait. On aurait aimé par exemple un paragraphe ou deux sur la réflexion ayant accompagné la transformation récente de la SRQ en SQPRP. De même, les ponts de plus en plus nombreux entre le domaine de la responsabilité sociale des entreprises et les relations publiques auraient pu être explorés davantage. Mais ces déceptions demeurent très marginales relativement à la qualité tout simplement remarquable de cet ouvrage.

À mettre entre toutes les mains, vraiment.

dimanche 26 décembre 2010

Les relations publiques autrement

Quelques réflexions personnelles découlant du livre de Matthieu Sauvé


Les relations publiques autrement - Vers un nouveau modèle de pratique
Matthieu Sauvé, M.A. ARP, FSCRP
Presses de l'Université du Québec, 2010

Les relations publiques évoluent en parallèle avec les organisations auxquelles elles appartiennent. Tournées essentiellement vers la propagande il y a un siècle, elles ont graduellement déplacée leur attention vers la création de relations avec les publics, parfois avec l’intention de vendre, de convaincre ou d’imposer, et parfois avec l’intention de favoriser la compréhension mutuelle et le rapprochement. Mais il serait plus juste de dire que les définitions se sont additionnées plutôt que de se succéder. Tant et si bien qu’aujourd’hui, il en existe des centaines. Alors que le marketing, qui a émergé durant la même période et à partir des mêmes savoirs, s’est trouvé un centre, les relations publiques ont éclatées dans toutes les directions. Qui sommes-nous ?

De cette multitude de définitions, une conception dominante des relations publiques s’est tout de même imposée, celle du modèle managérial. Les relations publiques seraient une fonction de gestion, dont le rôle consiste à favoriser l’atteinte des objectifs de l’organisation par la création et le maintien de relations avec ses divers publics. La plupart des définitions contemporaines incluent aussi une forme ou une autre de responsabilité sociale, ou de respect de l’intérêt public. Mais voilà que surgissent les questions : Est-il possible de défendre à la fois l’intérêt particulier d’une organisation et l’intérêt public de la société dans laquelle elle agit? Est-il possible d’aspirer à un dialogue authentique avec les parties prenantes dans le cadre d’une pratique fondée sur le concept de messages clés auxquels il faut se tenir? Pouvons-nous réellement prétendre au rôle de fonction de gestion alors que les organisations qui nous emploient nous relèguent plus souvent qu’autrement à des fonctions techniques?

À partir de ces préoccupations fondamentales, Matthieu Sauvé questionne les prémices mêmes de la conception moderne des RP. L’ouvrage est plutôt technique mais à force d’éplucher les contours théoriques de la profession, il esquisse graduellement le pacte Faustien que les relationnistes ont scellé en acceptant le modèle managérial : En retour de notre siège à la table de la coalition dominante, nous acceptons de subordonner l’intérêt public à l’intérêt particulier de l’organisation, tout en essayant tant bien que mal de maintenir notre cohérence intellectuelle.

L’illusion est assurée par la multiplicité des définitions de ce qu’est l’intérêt public, concept fourre-tout s’il en est, que l’on utilise pour servir nos propres intérêts de diverses manières. Pour certains, l’intérêt public désigne la somme des intérêts particuliers; toute fin devient alors légitime. On peut aussi invoquer une forme de darwinisme social : laissons tous les acteurs s’exprimer et les plus vigoureux l’emporteront. Mais la plupart du temps, nous résolvons le dilemme moral en affirmant tout simplement que le but poursuivi par notre organisation est d’intérêt public et nous développons une argumentation en ce sens. Cette posture morale est devenue tellement commune et répandue que, comme l’air que l’on respire, nous n’en avons plus conscience.

Matthieu Sauvé nous propose une autre vision des relations publiques, selon laquelle ce n’est pas ce que font les relationnistes qui changerait, mais les raisons pour lesquels ils le font. Ils demeureront des facilitateurs dans la rencontre des parties, mais plutôt que de viser l’atteinte des objectifs de l’organisation, leur objectif serait «d’apporter un niveau de satisfaction équitable aux attentes ou aux besoins de tous les acteurs en présence».

Cette vision, on l’aura compris, ne pourra devenir réalité que le jour où les organisations elles-mêmes accepteront d’endosser un rôle et une responsabilité sociale qui tienne compte des trois dimensions politiques, sociales et économiques qui caractérisent leur insertion dans la société.

Utopique? Peut-être pas tant que cela. Car les organisations, mêmes les plus puissantes, sont elles aussi condamnées à évoluer. Rappelons-nous le chemin parcouru depuis les années 1950, où la grande entreprise imposait à tous ses seuls objectifs économiques : «Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique» pouvait déclarer son PDG, et toute l'Amérique l'applaudissait. L’action incessante des groupes militants dans les domaines des droits humains, du travail et de l’environnement, l’impasse planétaire qui menace alors que nous voyons nos ressources s’épuiser et notre environnement se dégrader, les insuffisances manifestes de la pensée économiste à régler les problèmes sociaux et politiques issus de déséquilibre dans le partage de la richesse, l’émergence d’une nouvelle génération de gestionnaires formés à l’internationalisme et aux enjeux de Bruntland, concourent puissamment à redéfinir la société et les organisations qui la composent.

Naguère centrées sur elles-mêmes, les grandes entreprises s’ouvrent graduellement à leur environnement et constatent la réalité des interdépendances. Hier, elles avaient le pouvoir d’imposer leur volonté. Aujourd’hui, elles doivent négocier. Voilà pourquoi je conclus que, bien que son occurrence demeure exceptionnelle dans le monde d’aujourd’hui, le modèle proposé par Matthieu Sauvé s’inscrit clairement dans l’avenir des relations publiques.

vendredi 17 décembre 2010

Grands projets: la démocratie ne peut faire l'économie de la discussion

Le texte suivant a été adopté par le conseil d'administration de la SQPRP en 2006.  À ma connaissance, il représente encore la position officielle de notre société professionnelle sur la question des relations publiques en relation avec les grands projets.  
 
Au cours des derniers mois, plusieurs projets hautement médiatisés ont dû être abandonnés ou encore, être réalisés dans la controverse, à la suite de débats publics houleux. Aujourd’hui, plusieurs se demandent si le Québec est affligé d’immobilisme et s’il est encore possible de mettre de l’avant de grands projets structurants. D’autres dénoncent l’influence des groupes de pression, qu’ils perçoivent comme exerçant une influence disproportionnée à leur véritable représentativité. Certains suggèrent même de limiter le débat, par exemple en ne considérant que les aspects économiques d’un dossier ou en excluant des individus ou des groupes perçus comme n’étant pas suffisamment représentatifs.
 
POSITION DE LA SQPRP
 
Les grands projets structurants comportent toujours des impacts non seulement économiques mais aussi sociaux et environnementaux. Ces impacts peuvent être localisés et toucher peu de personnes ou, au contraire, être ressentis sur un grand territoire par une population nombreuse. Il est non seulement légitime mais socialement nécessaire de les évaluer à la lumière des intérêts de l’ensemble de la société.
 
Les grands projets structurants touchent toujours des publics nombreux et variés. Ils intéressent aussi des groupes qui, bien qu’ils ne soient nullement affectés par le projet, s’investissent d’une mission et décident de faire valoir leur opinion, dans le cadre de la libre circulation des idées et des opinions caractéristique d’une démocratie comme la nôtre. Dans la mesure où elles sont exprimées avec sincérité, toutes les opinions doivent être reçues et considérées. Il revient aux intervenants et aux médias d’en évaluer la valeur, selon la solidité et la profondeur des faits et de la réflexion qui les sous-tendent. Cette appréciation peut varier selon le point de vue et les valeurs de chacun.
 
Il est illusoire et contreproductif de penser restreindre ou court-circuiter pareil débat. La communication véritable est essentielle à toute société démocratique. Les médias d’information y jouent un rôle fondamental. Les organismes constituant la société civile, par leur engagement, contribuent à l’édification d’une société vigoureuse. L’examen de l’ensemble des idées et un débat ouvert permettent d’identifier l’ensemble des solutions possibles et d’en soupeser les avantages et les inconvénients.
 
Dans cette perspective, les professionnels en relations publiques affirment que :
 
  • Les promoteurs de tout projet majeur doivent se donner les moyens de respecter les exigences d'une communication efficace. Ils doivent notamment, en collaboration avec les professionnels en relations publiques, incorporer les préoccupations suivantes dès la phase de conception des projets et tout au long de leur implantation :
    • identification de tous les groupes susceptibles d’être touchés par le projet, ainsi que des groupes susceptibles de vouloir l’influencer;
    • identification claire non seulement des avantages et des inconvénients directs du projet, mais aussi de l’ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux;

  • Les professionnels en relations publiques doivent de plus mettre en place des stratégies et des moyens de communication poursuivant les objectifs généraux suivants :
    • comprendre les intérêts, les opinions, les valeurs de toutes les parties prenantes susceptibles d’être touchés ou intéressés par le projet et en informer le promoteur
    • renseigner adéquatement l’ensemble des parties prenantes, c’est-à-dire leur procurer en temps utile une information complète et exacte, présentée et/ou rédigée d’une manière adaptée à chaque public afin d’en faciliter la compréhension
    • entreprendre un dialogue entre le promoteur et les parties prenantes afin d’assurer une communication la plus efficace possible;

  • Le débat public autour d’un projet majeur doit poursuivre les objectifs suivants :
    • identifier clairement les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux de court et de long terme escomptés de la réalisation du projet
    • identifier clairement les difficultés posées par le projet et ce, sur les plans économique, social et environnemental
    • déterminer les conditions minimales qui permettront la création d’un consensus raisonnable à partir duquel l’autorité dûment constituée décidera de procéder ou non.
L’unanimité est impossible. Il revient à l’autorité constituée, quelle qu’elle soit, de décider. Habituellement, la décision mécontentera à divers degrés certains intervenants. Toutefois, si elle a été prise au terme d’un réel débat public, les chances de réussite du projet sont nettement plus grandes. D’une part, l’ensemble des idées ayant été débattues publiquement, la probabilité d’une bonne décision est plus grande. D’autre part, le débat aura permis d’identifier les inconvénients que peut receler le projet et d’y apporter des mesures d’atténuation ou de compensation.
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mardi 16 novembre 2010

Relire ses classiques: PROPAGANDA, d'hier à aujourd'hui

PROPAGANDA
Edward Bernays, publié en 1928
Réédité en français en 2007 par LUX éditeur

Notre confrère André Valiquette a lu et commenté ce livre dans un texte paru le 27 novembre 2008 sur le site web de la SQPRP (et encore disponible dans les archives de Regards RP). J’ai eu la curiosité à mon tour de lire ce grand classique. Je voudrais ajouter quelques remarques à celles d’André.  Je commenterai sur trois aspects auxquels il me semble particulièrement utile de réfléchir aujourd’hui.


Premièrement, le caractère intemporel de l'oeuvre. On croirait que l’évolution des dernières décennies aurait rendues caduques ces analyses vieilles de trois générations humaines et de dix révolutions technologiques mais il n’en est rien. Car au-delà de l’illusion de la toute-puissance de la technologie, on comprend à la lecture de cet ouvrage à quel point l’efficacité de tout ce qui touche à la communication, incluant les relations publiques, repose d’abord et avant tout sur une bonne compréhension de l’humain.

Ainsi, l’extrait suivant préfigure exactement le modèle bidirectionnel symétrique de Grunig : «(le travail des relations publiques) consiste à amener le commanditaire à comprendre ce que souhaite l’opinion et, dans l’autre sens, à expliciter pour l’opinion les objectifs du commanditaire… l’idéal est de faciliter la compréhension entre enseignants et enseignés, enrte le gouvernement et le peuple, entre les institutions charitables et leurs donateurs, entre les nations.» Bernays multiplie les exemples où divers types d’organisation doivent, pour atteindre leurs objectifs, en arriver à une forme ou une autre d’entente mutuellement satisfaisante avec ses publics. Point de manipulation ici, mais beaucoup de compréhension réciproque. «Le grand public n’est pas une masse amorphe modelable à volonté, écrit-il encore, il a sa propre personnalité, comme l’entreprise a la sienne, et l’enjeu consiste justement à les amener sur un terrain d’entente.»

Deuxièmement, la lecture de Propaganda nous ramène à nos origines communes avec le marketing. Cette discipline ne s’est véritablement constituée dans sa forme moderne que vers le milieu du siècle, lorsque furent conceptualisés les «4 P» (Produit, Prix, Promotion, Place). Avant cela, elle se fondait avec les relations publiques. Ainsi, Bernays établit les bases de la différentiation et du positionnement marketing lorsqu’il propose aux fabricants de trouver d’autres arguments de vente que celui du moindre prix, de doter leur produit «d’un attrait particulier, d’une qualité qui le rendra légèrement différent, d’un trait d’originalité qui le distinguera des marchandises comparables.» Il a aussi très bien compris l’importance de la propagande pour permettre aux grands manufacturiers de créer la demande pour leurs produits.

Troisièmement, je me dois de revenir à l’introduction de Normand Baillargeon, qui condamne sans appel la pratique des relations publiques comme contraire à la démocratie. Il faut regretter cette attitude qui repose sur une vision unilatérale et réductrice de la propagande. Celle-cia toujours eu une bien mauvaise presse. Nous nous méfions tous instinctivement de ce savoir par lequel il serait possible de nous manipuler. Il faut aussi constater qu’il a engendré, par l’usage abusif qu’on en a fait, les pires traumatismes enregistrés par l’humanité au XXe siècle, notamment l’horreur Nazi et les massacres, pogroms et autres génocides qui sont toujours précédés d’une campagne de conditionnement de l’opinion.  Mais doit-on pour autant condamner l’outil sans appel, ou, plutôt éduquer les populations à en reconnaître les bonnes et les mauvaises utilisations? Car ce sont les mêmes techniques de persuasion qui convaincront les populations d’adopter de meilleures habitudes de vie ou de ne plus tolérer la violence envers les faibles, ou d’assassiner son voisin à la machette. Le véritable progrès n’a jamais été de bannir un savoir potentiellement dangereux, mais d’apprendre à bien l’utiliser.

La notion de propagande a continué à évoluer depuis l’époque de Bernays, ce que semblent oublier ses détracteurs. Je cite ici l’ouvrage de Danielle Maisonneuve, «Le syndrome de la cage de Faraday», pages 42 et 43 où, citant plusieurs auteurs contemporains, elle situe la propagande dans le double contexte de la quête de sens perpétuelle des individus, qui réclament des interprétations logiques de la réalité dans laquelle ils évoluent, et des organisations qui veulent légitimement leur proposer de telles interprétations sous forme d’une vision cohérente faisant appel à certains faits sélectionnés. La propagande sera «noire» si elle repose sur une distorsion volontaire des faits ou sur la diffusion de faits que l’on sait erronés; elle sera «blanche» si elle retient uniquement des faits véridiques. Tous les relationnistes professionnels savent que leur code d’éthique leur interdit formellement la première. Et la seconde ne représente rien d’autre qu’une variante de la liberté de presse. Peut-on reprocher à une organisation de faire valoir son interprétation de la réalité, dès lors qu’elle le fait honnêtement?

Mais encore ici, ces notions sont-elles réellement nouvelles? Bernays lui-même ne disait pas autre chose : «beaucoup trouvent certes que ce mot, propagande, a une connotation déplaisante. Il n’en est pas moins vrai que, pour déterminer si la propagande est un bien ou un mal, il faut d’abord se prononcer, et sur le mérite de la cause qu’elle sert, et sur la justesse de l’information publiée.»

Définitivement un grand classique, à relire périodiquement.

Les relations publiques et la violence faite aux femmes

DÉCLARATION D'INTÉRÊT - Je suis membre du conseil d'administration de Relations publiques sans frontières. 

Le dossier sur la violence faite aux femmes en Haïti publié dans La Presse du samedi 13 novembre démontre à quel point ce problème est universellement répandu. En Afrique de l’Ouest, Relations publiques sans frontières s’est associé à Oxfam-Québec dans le cadre d’un projet destiné à la combattre.


Au Niger, un regroupement de 19 organismes et 5 ministères s’attaque depuis 2004 de manière concertée aux violences basées sur le genre et à ses conséquences désastreuses : mariages précoces et forcés, répudiation par l’époux, violence domestique, mutilations, exclusion de la vie économique, politique et sociale, par exemple. Relations publiques sans frontières y contribue, notamment dans le cadre de la campagne «Les 16 jours d’activisme contre la violence faite aux femmes» qui se déroule annuellement depuis 2006.

Relations publiques sans frontières travaille sur place pour renforcer l’efficacité des communications du regroupement. Pour que cessent les violences basées sur le genre, il faut informer et sensibiliser les populations afin de faire évoluer les comportements. Les relations publiques sont un moyen très efficace d’y parvenir.

Préparation d’un plan de communication, segmentation des publics, identification d’objectifs mesurables, mises en place de stratégies soutenues dans le temps, relations médiatiques et outils de communication efficaces, deviennent autant d’outils de lutte pour le progrès social.

Le travail sur place des chefs de mission de RPSF (Deanna Drendel, Gilles J. Morin et, d’ici quelques jours, Colette Schwartz) est complété par la mise à contribution de diverses expertises à partir du Québec : évaluation de diverses études réalisées au Niger sur la violence faite aux femmes et aux enfants, expertise en Web 2.0, expertise graphique, notamment.

À la demande d’Oxfam-Québec, Gabrielle Collu entreprendra en 2011 une mission de RPSF au Burkina Faso afin d’y créer un projet semblable.

lundi 8 novembre 2010

King III: La gestion des parties prenantes au coeur de la gouvernance des entreprises

Les professionnels en relations publiques doivent prendre connaissance du troisième rapport du King Committee (King III) de l’Afrique du Sud. Ce rapport, qui a largement inspiré les travaux ayant mené aux Accords de Stockholm (voir mon billet du 5 novembre) place la gestion des relations avec les parties prenantes au cœur des responsabilités du conseil d’administration et des dirigeants des entreprises. King III inspire déjà la refonte du code de gouvernance des entreprises au Royaume-Uni et influencera assurément ceux des autres pays. Il constitue une preuve additionnelle de l’importance des relations publiques pour les organisations modernes.


Mervyn King est un personnage plus grand que nature. Avocat, ex-juge de la Cour suprême de l’Afrique du Sud, grand homme d’affaires, philanthrope, reconnu mondialement pour son expertise en matière de gouvernance, il est aussi le président du conseil d’administration de la Global Reporting Initiative, en même temps qu’un conseiller très influent auprès des Nations-Unies et de la Banque Mondiale.

En 1992, Nelson Mandela lui a demandé de prendre charge d’un comité dont le mandat était de redéfinir le code de gouvernance des entreprises Sud-africaines dans le contexte postapartheid. Pour les lecteurs plus jeunes, rappelons qu’en Afrique du Sud, l’apartheid a exclu de la vie sociale, politique et économique la population noir majoritaire du pays, de 1948 à 1991. Le défi central du nouveau code de gouvernance des entreprises était donc d’amener les entreprises à tenir compte des besoins et des aspirations de l’ensemble de la population et de procurer à toute la population les balises nécessaires pour participer à la vie économique.

Le premier rapport du King Committee, en 1994, proposait une approche inclusive de la gouvernance qui devait tenir compte des intérêts et des attentes légitimes de toutes les parties prenantes. Ce rapport eut un impact considérable dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement.

À l’occasion du Sommet de la terre de Johannesbourg, en 2002, le deuxième rapport du King Committee prenait acte de la responsabilité des entreprises dans la dégradation généralisée de l’environnement et ajoutait un chapitre sur la croissance soutenable.

Le troisième rapport du King Committee (King III), publié en 2009, va encore plus loin. La recherche d’un développement soutenable n’est plus un chapitre; elle devient l’armature même du rapport. «C’était une erreur que de créer un silo distinct pour la responsabilité environnementale et sociale. La gouvernance, la stratégie et le caractère soutenable des opérations sont inséparables; les entreprises doivent les intégrer jusque dans le code génétique» affirmait-il en septembre dernier.

Dans ce contexte, l’établissement de relations constructives avec les parties prenantes doit être au cœur des préoccupations du conseil d’administration et de la direction des entreprises. Tout le rapport en est imprégné. Ainsi, dès la section 1.1 trois des six affirmations traitant de la gouvernance ont trait aux relations avec les parties prenantes. Le chapitre 2, qui définit la responsabilité sociale de l’entreprise, place aussi la gestion des relations avec les parties prenantes au cœur de la responsabilité du conseil d’administration. Le chapitre 6 définit les conditions à respecter pour rendre compte efficacement de l’impact économique, social et environnemental de l’entreprise et la communication efficace avec les parties prenantes est la première de celles-ci.

Le Chapitre 8 de King III est consacré spécifiquement à la gestion des relations avec les parties prenantes. Il édicte les 10 principes suivants (la traduction est de moi) :

1. Le conseil d’administration doit tenir compte des intérêts légitimes des parties prenantes dans ses décisions;

2. L’entreprise doit gérer de manière proactive ses relations avec les parties prenantes;

3. L’entreprise doit identifier les mécanismes et les processus qui lui permettront d’établir des relations constructives avec les parties prenantes (promote enhanced levels of constructive stakeholder engagement);

4. Le conseil d’administration doit établir un équilibre dans ses relations avec les diverses parties prenantes en fonction des intérêts de l’entreprise;

5. L’entreprise doit traiter équitablement ses actionnaires;

6. Des communications transparentes et efficaces sont importantes au maintien des relations avec les parties prenantes

7. Le conseil d’administration doit promouvoir le respect mutuel entre l’entreprise et les parties prenantes;

8. Les entreprises devraient établir un processus formel de résolution des conflits internes et externes;

9. Le conseil d’administration doit s’assurer que les conflits soient réglés rapidement, avec efficacité et efficience;

10. Le conseil d’administration doit choisir les personnes appropriées pour agir en son nom dans les situations de conflit.

Les actions prescrites pour la mise en œuvre de ces principes se lisent comme la table des matières d’un manuel de relations publiques : identifier les parties prenantes, comprendre leurs attentes, gérer des mécanismes et processus de communication, les traiter avec respect et rechercher le bénéfice mutuel des parties, ne pas abuser de la force, traiter toutes les parties prenantes avec équité, rechercher en tout temps la transparence et l’honnêteté, etc.

Pour en savoir davantage :

Entrevue avec Mervyn King : http://www.insideinvestorrelations.com/articles/16371/audience-mervyn-king/

Site web de Mervyn King : http://www.mervynking.co.za/index.html

Sommaire du rapport King III : http://www.auditor.co.za/Portals/23/king%20111%20saica.pdf

vendredi 5 novembre 2010

Les Accords de Stockholm

En août dernier, l’Alliance mondiale pour les relations publiques réunie en congrès en Suède adoptait les Accords de Stockholm, un effort sans précédent de codification du rôle des relations publiques à l’échelle planétaire. Cette initiative, qui a mobilisé des centaines de spécialistes des relations publiques de tous les continents, recèle un immense potentiel de renforcement de la crédibilité des relations publiques comme force centrale dans le développement des organisations de toutes natures.


Les Accords de Stockholm ont été inspirés par divers travaux récents faisant autorité en matière de gouvernance des organisations. Il découle de ces travaux que les organisations sont plus que jamais imbriquées dans un réseau complexe d’interrelations avec leurs parties prenantes. Leur capacité à atteindre leurs objectifs découle de leur capacité à bien gérer ces interrelations. La valeur ne se crée plus uniquement selon une chaîne linéaire d’opérations matérielles telle que définie par Michael Porter dans les années 1970; elle découle aussi de la qualité des interactions avec les parties prenantes. Une organisation ayant de mauvaises relations avec ses parties prenantes aura de la difficulté à atteindre ses objectifs.

Cette réalité force les organisations à devenir «communicatives». Une organisation communicative comprend l’importance de gérer adéquatement ses relations à tous les niveaux. La fonction communication-relations publiques elle-même ne peut en gérer qu’une partie, c’est donc l’ensemble de la structure hiérarchique qui doit apprendre à le faire, chaque personne à son niveau et avec ses propres interlocuteurs.

Dans de telles organisations, le «public relator» en chef occupe deux fonctions stratégiques :

 Une rôle politique, où il procure à l’organisation l’information requise pour la gestion des réseaux desquels elle dépend pour créer de la valeur, ainsi qu’une interprétation en temps réel de l’évolution de la dynamique sociale du milieu dans lequel elle opère;

 et un rôle contextuel où il procure une expertise de pointe en matière de communications-relations publiques tout en éduquant et en encadrant l’ensemble de la structure afin de permettre à chacun de gérer le plus efficacement possible les relations avec ses publics spécifiques.

Les Accords affirment la valeur des relations publiques pour la société et pour les organisations, sous les thèmes suivant : L’insertion des organisations dans le développement durable; la gouvernance; la gestion; les communications internes; les communications externes; et l’alignement des communications internes et externes. Pour chacun de ces thèmes, les Accords décrivent très concrètement quelle doit être la contribution des relations publiques.

Il faut souligner la contribution de la Société canadienne des relations publiques à ce projet porteur d’avenir. Terry Flynn, ARP, FSCRP, Annette Martell, Daniel Tisch, ARP et Jean Valin, ARP, FSCRP, ont participé aux travaux de l’Alliance mondiale ayant mené à leur développement.

Le texte des Accords est relativement court, quelques centaines de mots. À ma connaissance, il n’a pas été traduit en français. Espérons que la SCRP y verra. Entretemps, voici le site web où vous trouverez l’information complète :

http://www.stockholmaccords.org/about-us

jeudi 28 octobre 2010

professionnalisation du journalisme - ADDENDUM

J’écrivais le 13 septembre que l’octroi d’un soutien gouvernemental au maintien des médias d’information, voire du journalisme lui-même, ravivera inévitablement le débat sur la reconnaissance d’un statut professionnel pour les journalistes. Le récent jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire opposant le groupe Polygone au Globe and Mail et au journaliste Daniel Leblanc amène de l’eau à mon moulin.


Dans cet affaire, comme d’ailleurs dans une autre affaire récente traitée par la Cour suprême et impliquant le National Post, les médias réclament la reconnaissance pour les journalistes d’un privilège de nature constitutionnelle ou quasi-constitutionnel qui leur permettrait de préserver la confidentialité de leurs sources. La Cour soulevait plusieurs arguments à l’encontre de la reconnaissance de ce privilège, dont celui-ci :

(les citations sont tirées du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Globe and Mail c. Canada (Procureur général) 2010 CSC 41)

Paragraphe 20 : «…la cour n’était pas disposée à conférer une immunité constitutionnelle aux interactions entre un groupe de rédacteurs et d’orateurs aussi hétérogène et mal défini…»

Paragraphe 21 :  «La Cour a également rejeté la thèse de l’existence d’un privilège générique parce que les journalistes ne sont assujettis à aucun processus d’agrément officiel, contrairement aux avocats par exemple, et qu’aucune organisation professionnelle ne régit la profession et ne veille au respect des normes professionnelles. »

La Cour suprême assassine aussi toute prétention à la protection des sources qui reposerait sur le secret professionnel tel qu’il est défini dans les lois québécoises :

Paragraphe 36 : « À mon avis, il n’existe aucun fondement à l’établissement d’une analogie entre le secret professionnel et le privilège du secret des sources des journalistes. Tout d’abord, les associations de journalistes ne sont pas réglementées. Toute personne peut devenir membre et, fait important, les journalistes n’appartiennent pas tous aux associations existantes, comme la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. La Fédération ne détient aucun monopole sur la pratique et la réglementation de la profession de journaliste dans la province. De plus, le législateur n’a pas, au nom de l’intérêt public, cherché à réglementer directement la profession de journaliste ou à lui déléguer un pouvoir d’autoréglementation.»

Il y a plusieurs obstacles à la reconnaissance d’un droit ou d’un privilège permettant à un journaliste de refuser de divulguer une source. Mais celui-ci est central : avant de reconnaître un tel privilège, il faudrait pouvoir définir avec précision QUI est un journaliste (et accessoirement qu’est-ce qu’un média d’information). On est encore très loin du compte et vu la résistance atavique d’un très grand nombre de journalistes à toute forme d’encadrement professionnel contraignant, il est douteux qu’on y parvienne bientôt, sinon jamais.

mercredi 27 octobre 2010

Les assises juridiques des relations publiques

Les opinions exprimées dans ce texte sont uniquement attribuables à l’auteur. Néanmoins, le texte s’inspire très étroitement d’une étude produite par Mme Geneviève Cartier, professeure titulaire, Faculté de droit, Université de Sherbrooke, pour le compte du la Commission d’enquête sur le processus de nomination des juges du Québec, datée du 1er septembre 2010 et disponible sur le site : http://www.cepnj.gouv.qc.ca/etudes-des-experts.html


Bien qu’aucune loi n’en établisse l’existence comme c’est le cas pour les professions reconnues, il est néanmoins possible de conclure, à partir de certains textes juridiques, en l’existence d’une légitimité démocratique pour la pratique des relations publiques.

Plusieurs décisions rendues par la Cour suprême du Canada depuis le milieu du XXe siècle indiquent que l’exercice du pouvoir de l’État, pour être légitime, doit nécessairement tenir compte de l’impact des décisions sur les personnes qui en sont l’objet. Si cela est vrai, il en découle le besoin pour l’État de connaître quels sont ces impacts, donc d’entrer en relation avec les citoyens.

En 1946, les témoins de Jéhovah publient une brochure attaquant le catholicisme romain qui fait scandale. Plusieurs centaines d’entre eux sont arrêtés en vertu d’une loi adoptée pour lutter contre le communisme (!!!). Frank Roncarelli, restaurateur prospère de Montréal et lui-même témoin de Jéhovah, en fait libérer un très grand nombre en payant leur cautionnement. En réaction, le Premier ministre Duplessis ordonne la révocation du permis d’alcool du restaurant de Roncarelli, entraînant la fermeture de l’établissement. Estimant avoir été victime de représailles injustes et s’être fait priver de permis sans cause valable, Roncarelli porte l’affaire devant les tribunaux. La Cour suprême lui donnera raison en 1959 et condamnera Maurice Duplessis à payer personnellement des dommages-intérêts. Sous la plume du juge Rand, une majorité de juges affirment que même lorsque le texte d’une loi semble lui donner un pouvoir discrétionnaire sans restriction, le décideur doit toujours servir les buts de la loi dans une perspective de service public, et en tenant compte de la situation des individus visés par la décision (les italiques de ce paragraphe et des suivants sont de moi).

Vingt ans plus tard, dans l’affaire Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners, une majorité de juges de la Cour suprême affirme que, même lorsque la loi n’impose aucune obligation spécifique à cet effet, une autorité publique qui exerce un pouvoir discrétionnaire a l’obligation d’entendre les personnes dont les droits ou les intérêts sont susceptibles d’être affectés par la décision. L’impact de la décision sur l’individu, affirme la Cour, affecte la nature des obligations du décideur.

La Cour suprême ira encore plus loin en 1979, dans l’affaire Baker c. Canada (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), en précisant qu’il ne suffit pas pour les pouvoirs publics d’écouter les personnes visées avant de décider; les décisions doivent aussi être motivées d’une manière qui démontre que le décideur a été sensible aux particularités de la personne visée.

À travers ces trois décisions, la Cour suprême précise les conditions de l’exercice du pouvoir en démocratie. Les gouvernements sont régulièrement appelés à prendre des décisions qui affectent la vie des citoyens. Ils doivent le faire dans le respect des principes fondamentaux de la primauté du droit et de la démocratie. Les limites au pouvoir discrétionnaire de l’État s’expriment plus souvent qu’autrement à travers le dialogue entre le décideur et la personne ou le groupe visé par son action.

Très concrètement, ces trois jugements disent que les pouvoirs publics ont une obligation de dialogue avec leurs populations. Une part essentielle de ce dialogue s’exprime à travers le processus électoral et la fonction de représentation des élus, mais cela est loin d’être suffisant. Les états modernes, et même les grandes municipalités, ont dépassé depuis longtemps le stade où il était possible pour le député, ou pour le maire, de tout savoir et de tout contrôler. Le pouvoir légitime de l’État s’exerce aujourd’hui à travers de vastes appareils bureaucratiques qui exercent des pouvoirs qui leurs sont délégués en vertu des lois et règlements adoptés par les élus. Pour ces appareils publics, la consultation et le dialogue avec leurs administrés ne sont pas optionnels.

Ainsi, les RP modernes trouvent-elles une justification au cœur même des principes fondamentaux de la démocratie et de la primauté du droit. Car si les pouvoirs publics ont l’obligation de consulter, il en découle qu’ils ont aussi l’obligation de se doter des moyens et de l’expertise requise pour cela. Et cette expertise est très clairement détenue par les relationnistes davantage que par tout autre groupe professionnel.

lundi 13 septembre 2010

Relance du débat sur la professionnalisation du journalisme

Je suis un lecteur assidu du 30, par intérêt pour le journalisme (j'ai un bacc en journalisme de l'Université Laval) et parce que je crois que les enjeux des journalistes recoupent en partie ceux des relations publiques. D'une part, nous avons besoin les uns des autres au quotidien. D'autre part, les journalistes ont quelques années d'avance sur les relationnistes dans leur grand débat relatif à la professionnalisation. À ce sujet, le secrétaire général de la FPJQ, Claude Robillard, signe un article fort intéressant dans l'édition de septembre 2010.


La crise économique qui secoue les médias menace l'information journalistique elle-même. Il semble que dans les travaux du groupe Payette sur l'avenir de l'information (1), l'on discuterait d'un soutien gouvernemental au maintien des médias d'information et du journalisme lui-même. Si le gouvernement est un jour appelé à soutenir le journalisme, «un statut professionnel clair et identifiable devient alors techniquement nécessaire, pour s’assurer que ladite aide sert bien à créer des emplois de journalistes». En d’autres mots, si les journalistes veulent l’aide de l’État pour eux ou pour les médias d’information, il faudra forcément les définir avec précision. Ce qui relance le débat sur le statut professionnel, véritable serpent de mer du journalisme québécois.

Dans un tableau fort éclairant, Robillard résume les deux pôles autour desquels s’articulent les conceptions dominantes du journalisme d’aujourd’hui. Il prend soin de préciser que les journalistes ne se divisent pas en deux camps et qu’un journaliste peut se reconnaître parfois dans une conception et parfois dans l’autre. Il n’en demeure pas moins que ces deux pôles résument très bien les deux conceptions dominantes du journalisme. Et qu’ils m’interpellent comme relationniste. Voyons plutôt.

L’approche «libérale»

Elle repose sur la liberté des médias et des journalistes. L’absence de contraintes sert l’intérêt public. Du choc des idées, même les plus odieuses, naît la vérité. Les médias sont meilleurs qu’ils ne l’ont jamais été. La liberté de presse est menacée par des forces extérieures aux médias. Les excès et les dérapages sont le prix à payer pour la liberté de presse. La presse est un contre-pouvoir qui demande des comptes aux puissants ; un contre-pouvoir ne peut pas demander à un pouvoir de le protéger. L’État est l’ennemi No 1 de la presse, il faut le garder à distance car ce fut toujours l’oppresseur de la liberté de presse. Il faut maintenir l’accès libre au journalisme pour tous et surtout ne pas définir qui est ou n’est pas un journaliste.

L’approche «républicaine»

Elle met l’accent sur la responsabilité sociale des médias et sur l’utilisation responsable de sa liberté par le journaliste. Il faut privilégier la diffusion d’informations qui favorisent la vie démocratique et l’intérêt public. Les excès et les dérapages de l’information discréditent les journalistes. La liberté de presse est menacée par les pouvoirs extérieurs, mais aussi de l’intérieur des médias par des directions et des journalistes irresponsables. La presse est un pouvoir immense sans contre-pouvoir, ce qui n’est pas sain. L’État a pour objet de servir le bien commun. C’est le seul intervenant capable de contrer la concentration de la presse et le pouvoir des conglomérats. Il faut créer un statut légal de journaliste et définir qui est journaliste.

S’agissant spécifiquement de la reddition de comptes, les «libéraux» estiment que le Conseil de presse et le Guide de déontologie, auxquels l’adhésion est volontaire, suffisent. Les «républicains» affirment plutôt le besoin de renforcer le Conseil de presse et d’adopter un code de déontologie plus contraignant.

J’avoue pencher personnellement davantage pour la conception républicaine. Peut-être en partie par tempérament (certains diront par naïveté) ; j’ai toujours été respectueux de l’autorité et des institutions. Mais aussi par expérience. J’ai plusieurs fois été victime de journalistes aussi convaincus de la justesse de leur cause qu’ignorants des faits. Il y a peu de choses aussi dangereuses pour la vérité qu’un journaliste imbu d’une mission, et il y en a, à droite comme à gauche. En journalisme comme dans tous les domaines d’activité, il faut des institutions pour former, encadrer et prévenir les dérapages (2). Par contre, de puissants arguments soutiennent aussi la vision libérale. L’État n’est peut-être pas «l’ennemi No 1 de la presse» mais il serait effectivement dangereux pour l’équilibre démocratique de lui conférer le pouvoir de définir qui est journaliste, donc qui peut le critiquer. De plus, les «missionnaires» ont parfois raison envers et contre l’establishment politique et financier et si leurs attaques sont souvent mal fondées, il arrive aussi souvent qu’elles soient justifiées. Il n’y a pas de liberté possible sans une certaine mesure de désordre. La solution optimale, s’il en est une, regroupe des caractéristiques de l’une et de l’autre approche.

Conclusion ? Les journalistes québécois discutent de la professionnalisation depuis longtemps. Laissés à eux-mêmes, ils ne règleront jamais le débat. Reste à voir si les forces économiques qui bouleversent leur univers forceront une évolution dans un sens ou dans l’autre. Chose certaine toutefois, ce débat concerne tous les citoyens car une presse forte est absolument essentielle au maintien de la démocratie. Il concerne aussi plus spécifiquement les relationnistes car les conditions d’exercice du journalisme exercent une influence directe sur notre propre travail.

(1)  En novembre 2009, la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine a demandé à la journaliste Dominique Payette de mener une analyse sur l’avenir de l’information au Québec dans le contexte des changements technologiques. Mme Payette doit remettre son rapport en décembre 2010.
 
(2)  Les salles de nouvelles des grands medias jouent en partie ce rôle et ne serait-ce que pour cette raison, il faut les préserver. Je suis d’accord avec Jean-François Lisée, qui affirme la nécessité de reconnaître comme une institution en elle-même la salle de nouvelles.

mardi 7 septembre 2010

Enbridge utilise efficacement les relations publiques

Un peu de publicité gratuite pour le Globe & Mail. Dans l’édition de ce matin (6 septembre 2006) les journalistes Cidgem Iltan et Shawn McCarthy rendent compte des efforts de relations publiques très efficaces du PDG d’Enbridge, Pat Daniel.


Dans la foulée du désastre engendré par la fuite de pétrole dans le Golfe du Mexique, la fuite survenue au pipeline d’Enbridge ne pouvait qu’exacerber les passions instantanément. Les conséquences négatives non seulement pour l’image mais aussi pour les projets d’investissements dans de futurs pipeline d’Enbridge auraient pu être catastrophiques. Or, Enbridge s’en tire très bien jusqu’à maintenant, grâce surtout à l’engagement de son PDG.

Pat Daniel s’est personnellement rendu disponible pour la population de la région affectée pas seulement pour une ou deux rencontres, mais de manière continue, durant plusieurs mois. « Cette situation est la priorité la plus importante de notre entreprise et je me suis engagé personnellement envers les gens de cette région » affirme-t-il. Il s’est livré à de multiples rencontres et même, si l’on en croit l’article, à du porte à porte.

Certes, la fuite a rapidement été contenue et la quantité de pétrole répandue est relativement minime, mais c’est clairement l’implication personnelle sincère et prolongée de son PDG qui a fait la différence. « Il est sincère, raconte un résidant qui l’a rencontré. Dans notre petite communauté, notre poignée de main et notre parole sont importantes et cet homme a définitivement démontré qu’il est ici pour nettoyer la place. »

Il y a eu des difficultés, par exemple des plaintes à l’effet qu’Enbridge forçait des résidants à abandonner leur droit de poursuivre en échange de chambres d’hôtel et de purificateurs d’air. Ou encore qu’un sous-contractant embauchait des immigrants illégaux pour les travaux de nettoyage. Mais le fait dominant demeure l’engagement ferme de la compagnie envers l’effort de nettoyage.

Quelques constats :

• Une entreprise (la personne morale) ne peut pas manifester de compassion ou d’intérêt sincère envers des personnes; seule une personne physique peut faire cela. Et la personne qui représente l’entreprise ne peut être que son PDG.

• Rien ne remplace l’intérêt véritable, l’empathie sincère. Dans le cas présent, cet intérêt s’est vérifié non pas par la déclaration du PDG déclarant que l’opération de nettoyage est sa priorité, mais par le temps - des jours et des semaines - qu’il a pris pour rencontrer la population.

• En même temps, l’empathie seule n’aurait pas suffit, si Enbridge n’avait pas réussi à colmater rapidement la fuite, la crédibilité de M. Daniel se serait inévitablement érodée avec le temps, comme cela est arrivé au PDG de BP l’été dernier. L’opération de relations publiques passe obligatoirement par l’action, qui crédibilise les paroles.

Les exemples contraires que sont l’explosion de la plateforme de BP dans le Golfe du Mexique et la fuite dans le pipeline d’Enbridge illustrent l’impact énorme que la gestion de la réputation aura sur une entreprise, sur le long terme. Dans le premier cas, BP semble avoir réussi le triste exploit de ravir la tête du palmarès des « vilains » de l’industrie pétrolière, qui était détenu depuis 20 ans par le naufrage de l’Exxon Valdez au large des côtes de l’Alaska. Dans le second, Enbridge semble avoir réussi à transformer un désastre potentiel en démonstration convaincante de son souci envers l’environnement et les collectivités impactées par ses projets. Laquelle de ces deux entreprises vous apparaît la mieux placée pour défendre un futur projet d’investissement?

Évidemment il y a d’autres dossiers dans la cour d’Enbridge, je ne prétends pas faire le tour de la question dans le cadre très restreint de ce billet. Constatons toutefois que dans le cas spécifique de la fuite survenue dans ce pipeline, elle aura réussi à sauvegarder sa réputation en mettant en œuvre les principes fondamentaux de relations publiques efficaces et éthique.

dimanche 8 août 2010

Salade de saison

Je n’appartiens pas à cette catégorie de personnes qui ont toujours quelque chose à dire. Il m’arrive de traverser des périodes où l’inspiration n’est tout simplement pas au rendez-vous. C’est ce qui s’est produit depuis quelques semaines. Signe que la disette achève, la lecture des journaux me procure tout-à-coup de multiples sujets d’inspiration. Pour nous remettre tranquillement dans le bain, recommençons par une salade de saison assaisonnée de thèmes connus.


Wal-Mart

David Cheesewright, directeur pour le Canada du géant du commerce de détail, confirme l’importance des relations publiques. Je cite ici l’article de Diane Bérard, dans l’édition du 7 au 13 août du journal les Affaires :


David Cheesewright insiste sur le mea culpa de son employeur pour ce qui est des relations publiques. «La direction a longtemps cru que les actions parlaient plus que les paroles. Aujourd’hui, elle reconnaît que lorsque vous êtes aussi important, vous n’avez pas le bénéfice du doute et vous devez communiquer.»


M. Cheesewright met aussi ses priorités dans le bon ordre : agir d’abord, gérer les perceptions ensuite. Il cite, dans cet ordre, trois facteurs importants dans la correction des problèmes de perception envers Wal-Mart : un système de rémunération des employés plus équitable, un meilleur suivi des fournisseurs, et une meilleure communication.

Poursuites-bâillon : 2 – 0 pour la nouvelle loi québécoise

J’ai eu l’occasion d’expliquer dans cette colonne tout le mal que je pense des poursuites-bâillons, une pratique éminemment anti-démocratique et qui constitue l’antithèse de relations publiques professionnelles (ma chronique du 14 avril 2010). Pour la deuxième fois en trois mois, un tribunal donne raison à des citoyens victimes de poursuites abusives. Les deux décisions s’appuient sur la loi québécoise contre les poursuites abusives adoptée en juin 2009.


Il y a d’abord eu, le 30 avril 2010, le jugement «Infrabec inc. c. Drapeau», où un citoyen était poursuivi pour 150,000 $ par une entreprise de construction essentiellement pour avoir soulevé certains aspects de contrats accordés par la ville lors d’assemblées du conseil municipal. La juge Danielle Turcotte établi qu’il est légitime pour un citoyen de poser des questions à ses élus sur le processus d’attribution des contrats et que la poursuite est non seulement mal fondée, mais que «tout indique qu’elle est motivée par la volonté d’intimider (le citoyen qui avait questionné les contrats)». Conséquemment, elle rejette la poursuite et elle condamne l’entreprise à payer 15,000 $ en dommages-intérêts au citoyen.


Il y a ensuite le récent jugement «2332 4197 Québec inc. c. Galipeau», rendu le 27 juillet dernier. Deux citoyens sont poursuivis par le gestionnaire d’un site d’enfouissement pour un montant de 1 250 000 $ pour diffamation et atteinte à la réputation, un montant «à ce point élevé qu’il permet de penser que le but de la demande est d’intimider ou d’effrayer les personnes poursuivies» selon le tribunal, qui rejette la poursuite en la déclarant abusive et qui ouvre la porte à la réclamation de dommages-intérêts de la part des citoyens en ayant été les victimes.


La loi contre les poursuites-bâillons ouvre-t-elle un «bar ouvert» aux citoyens estimant faire l’objet de tentatives d’intimidation? Non, car le montant de la demande ne peut servir à lui seul pour établir le caractère abusif des procédures. Le juge Dallaire examine aussi d’autres facteurs mis en preuve par les requérants, notamment le fait qu’ils soient ciblés spécifiquement alors qu’ils appartiennent à un groupe nombreux de personnes qui contestent aussi la gestion du site d’enfouissement, avant de conclure que «tout laisse penser que les demandeurs cherchent… à faire taire les requérants». Soulignons aussi que le juge Dallaire invite les requérants, qui ont indiqué leur intention de réclamer 600 000 $ en dommages-intérêts, à réviser ce montant à la baisse. «Autrement, leur propre demande pourrait elle-même sembler abusive».


Pour les intéressés, ces jugements sont disponibles sur le site www.jugements.qc.ca.


BP : En attendant l'après-crise...


Le trou semble finalement refermé et le PDG de BP aura été la brebis propitiatoire offerte à la vindicte de l’opinion publique. La majorité des commentateurs s’accordent à dénoncer l’inefficacité des relations publiques de la pétrolière, un jugement que je ne partage pas du tout. Ce ne sont pas les relations publiques qui ont faillis, malgré quelques erreurs, c’est l’entreprise elle-même.


Dans ma chronique du 1er juin, j’expliquais, ce que je crois toujours, que les relations publiques ont joué leur rôle mais que ce rôle est limité. La fuite durait alors depuis 6 semaines et l’on ne pouvait que constater l’impuissance de BP face à la catastrophe. L’entreprise n’a pas toujours été aussi transparente qu’on le souhaiterait en pareille circonstances, notamment en sous-évaluant l’ampleur de la fuite durant les premières semaines, mais dans l’ensemble on peut difficilement l’accuser de dissimulation.


L’effort de relations publiques a été porté par le PDG, ce qui est normal en pareille circonstances. On l’a beaucoup vu, surtout au début, expliquant la situation et affirmant la détermination de BP. Il aura cependant commis deux erreurs, l’une, mineure, lorsqu’il a réclamé «qu’on lui rende sa vie» et l’autre, majeure, lorsqu’il a pris un petit week-end de repos (ce qui en soit pouvait se justifier) et qu’on l’a filmé participant avec les riches et puissants de ce monde à une course de grands voiliers au large des côtes européennes alors que la population de la Louisiane angoissait devant les conséquences catastrophiques des événements sur leur avenir. Il a de ce fait perdu toute la crédibilité qui lui restait.


Reste à voir comment sera gérée l’après-crise. On entend déjà toutes sortes de bruits à l’effet qu’il n’y a pas tant de pétrole que cela dans l’eau du golfe du Mexique et que les pêcheries reviennent à la normale par endroits. BP commettrait une grave erreur en tentant de se défiler. Exxon l’a appris à ses dépends; elle souffre toujours du déversement survenu il y a plus de 20 ans en Alaska. Mais les grandes entreprises sont notoirement insensibles aux considérations autres que financières. Et tous autant que nous sommes, nous avons besoin de ce pétrole pour maintenir notre mode de vie.

mardi 1 juin 2010

Les RP et le pétrole: la confiance avant le contenu!

J’apprécie toujours l’expertise de François Brousseau en affaires internationales et je le lis avec plaisir dans Le Devoir. Il livrait dans l’édition d’hier (lundi 31 mai 2010, page B1) une analyse des retombées sur l’administration Obama et sur la pétrolière BP du désastre environnemental en cours dans le Golfe du Mexique. Malheureusement, il commet un glissement de sens très fréquent chez les journalistes que je me dois de corriger.


Brousseau qualifie les événements en cours dans le Golfe de « désastre de relations publiques», ce qui est faux. Les relations publiques n’ont en aucune manière causé ces événements malheureux. Nous sommes bel et bien en présence d’un désastre environnemental, dont les conséquences seront désastreuses pour les relations publiques de BP.

Les relations publiques ne sont pas à l’origine du désastre. Elles contribuent cependant, non pas à le régler, mais au minimum à dégager une marge de manœuvre minimale face à l’opinion publique permettant à BP de déployer ses moyens d’action. On les a vues à l’œuvre dans la présence médiatique très efficace du patron de BP qui a sans relâche expliqué les efforts de la pétrolière pour limiter la catastrophe et en compenser les effets. Tout le monde a compris que BP ne restait pas les bras croisé et qu’elle déployait tous les moyens à sa disposition. Nous sommes fâchés avec eux, mais au moins ils agissent.

Mais les relations publiques ne font pas de miracles et elles ne bouchent pas non plus les fuites de pétroles au fond des océans. Elles ont fait ce qu’elles avaient à faire et la limite de leur utilité est atteinte. Malheureusement pour BP, le temps qu’elles ont permis de gagner n’a pas suffi pour régler le problème. La pétrolière a maintenant épuisé sa crédibilité et l’opinion publique réclame sa mise en tutelle par le gouvernement américain.

L’administration Obama, et le Président lui-même, ont eux aussi besoin des relations publiques pour gagner du temps, sachant fort bien l’ampleur de la catastrophe et leur propre impuissance à s’attaquer plus efficacement que BP à la fuite sous-marine. Comme ils ne peuvent agir efficacement sur le problème lui-même dans l’immédiat, il leur reste le terrain de la compassion et de la solidarité humaine : « Nous ne vous abandonnerons pas, nous ne prendrons aucun repos, nous arrêterons cette catastrophe et nous réparerons les dégâts » affirme le Président Obama.

Je regardais l’édition spéciale de « Anderson Cooper 360 »(CNN) provenant en direct de la Louisiane hier soir. Il est intéressant de noter que les principales critiques adressées à la fois à BP et au président Obama portaient non pas sur les aspects techniques – tout le monde comprend fort bien que la fuite va se poursuivre pendant encore plusieurs semaines, sinon plusieurs mois – mais sur l’insuffisance de leur compassion.

Les analystes politiques rejoignaient ici l’expression de la frustration ressentie par les victimes : le président Obama aurait dû prolonger son séjour sur place, rencontrer des victimes, partager un repas, être filmé dans un moment où il réconforte pour de vrai de véritables victimes plutôt que de prodiguer devant les seules caméras de télévision ses paroles rassurantes.

Futilités ? Non. Nous touchons ici au cœur de l’efficacité et de l’utilité des relations publiques, dont la finalité est de créer des liens de confiance, de respect et, ici, de compassion, entre des personnes, bien davantage que d’échanger de l’information technique. Les américains veulent d’abord et avant tout être convaincus que leur président se préoccupe véritablement de leur sort. Tant et aussi longtemps qu’il n’aura pas démontré un degré suffisant d’empathie, l’information à caractère technique (les programmes d’aide, les moyens déployés par le gouvernement, etc.) ne suffira pas à rétablir la confiance et sa marge de manœuvre auprès de l’opinion publique rétrécira rapidement. L’établissement et le maintien d’un lien de confiance doit toujours précéder les échanges d’information technique. C’est une condition essentielle de succès.

lundi 31 mai 2010

De l'opportunité des rencontres du G-8 et du G-20

Un ensemble de circonstances m’ont tenu éloigné de mon blogue depuis plusieurs semaines. Ce qui ne signifie aucunement une perte d’intérêt de ma part.


Il se dit et s’écrit beaucoup de choses sur le milliard de dollars que coûtera la rencontre des G-8 et G-20 à Huntsville et à Toronto. Au nom des coûts exorbitants de la sécurité, certains remettent même en cause l’utilité de telles rencontres. La réflexion me semble mal engagée.

S’il y a une chose que j’ai apprise de mes années de pratique des relations publiques, c’est que la forme de communication la plus efficace entre les personnes est la rencontre face à face. Tout le reste, des correspondances par pigeon voyageur aux vidéo conférences, a été inventé pour compenser l’impossibilité de toujours rencontrer en direct les personnes avec qui nous devons communiquer.

La communication verbale, c’est bien connu, ne véhicule qu’une partie du message. Le non-verbal véhicule très souvent des messages aussi importants que les mots. La vidéo conférence compense en partie seulement. Le charisme d’une personne ne peut être véritablement éprouvé que dans le cadre d’une rencontre. Les «atomes crochus» ne connectent jamais aussi bien qu’en direct.

S’il en était autrement, les politiciens ne s’astreindraient pas à des campagnes électorales épuisantes visant à leur permettre de serrer le plus de mains possibles, de rencontrer directement leurs électeurs. Les journalistes n’auraient pas à se déplacer sur les lieux des événements qu’ils couvrent. Et tous les spectacles en salle, du théâtre aux concerts rock, auraient disparus depuis longtemps. Pourquoi faire tout cela alors qu’il est si simple et souvent moins risqué de «performer» devant une caméra?

Les rencontres comme celles du G-8 et du G-20 servent d’abord et avant tout aux dirigeants à nouer des relations personnelles, à s’apprécier directement les uns les autres. Cela est aussi important que tout le travail sur les dossiers, dont l’essentiel a la plupart du temps été réglé par les «sherpas» avant la rencontre. Les communications entre chefs d’État tout au long de l’année seront d’autant plus efficaces qu’ils auront bénéficiés de ces fenêtres privilégiées pour échanger face à face.

Le coût de la sécurité des sommets de Huntsville et de Toronto est-il trop élevé? Les analystes et les journalistes nous le diront. Toutefois, si c’est le cas, il faut réduire les coûts et non éliminer les rencontres. Un aspect beaucoup plus préoccupant à mon avis est soulevé par les analystes qui soulignent que le programme des rencontres devient surchargé au point où les entretiens bilatéraux ou en petit groupe des chefs d’État deviennent impossibles. Si tel est le cas, il faut agir pour placer au cœur de ces programmes ces moments privilégiées qui en constituent la principale raison d’être.

vendredi 7 mai 2010

Les relations publiques et le «Climategate»

Il y a quelques mois, des scientifiques américains et britanniques ont été soupçonnés d’avoir trafiqué des données pour justifier les thèses du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les changements climatiques. Les résultats de trois enquêtes indépendantes viennent de les blanchir et selon le compte-rendu qu’en fait l’Agence Science-Presse, «les accusations d’inconduite scientifique ne reposaient sur rien. Les leçons qui émergent de cette controverse sont ailleurs : un déficit de relations publiques de la part des scientifiques, qui ont sous-estimé l’ampleur que pouvaient prendre ces accusations» est en cause.


«Le mot-clef «transparence» ressort des trois rapports d’enquête» peut-on encore lire dans cet article. Plus de 95 % des données sur le climat étaient déjà du domaine public, la controverse aura permis de rendre public l’autre 5 %.

La climatologue Judith Curry est citée : «Passez du temps sur la blogosphère pour vous faire une idée des questions politiques entourant votre domaine… Améliorez vos talents de communicateurs; nous avons tous besoin de communiquer plus efficacement.»

Ce n’est pas la première fois que l’importance de relations publiques efficaces est mise en relief… par leur insuffisance. Ces trois études révèlent qu’elles sont aussi importantes dans le domaine scientifique que partout ailleurs en société.

Les scientifiques ne sont pas toujours les clients les plus faciles. Ils ont trop souvent tendance à croire qu’il est impossible de résumer leur pensée sans la trahir. Il y a des exceptions, mais pour un Hubert Reeves on trouve combien de scientifiques imperméables à la vulgarisation? Raison de plus pour que des relationnistes professionnels s’en préoccupent.

Il y a une place à prendre pour les relationnistes dans les organismes scientifiques. Ceux-ci ont de multiples avantages à mieux se faire connaître, notamment celui de soutenir leur notoriété, toujours utile dans la course aux subventions. Aussi bien ces organismes que les scientifiques eux-mêmes ont tout avantage à mieux faire connaître leurs travaux.

SOURCE : Le Devoir, 67 mai, page A5.

Deux des études citées sont d’origine Britannique et ont été réalisées l’une par un comité de la Chambre des communes et l’autre par la Société Royale. La troisième a été réalisée par l’Université de Pennsylvanie, aux États-Unis.

mercredi 5 mai 2010

Remède à l'immobilisme Montréalais: consulter PLUS et non MOINS

Je réagis à un billet du collègue Pierre Bouchard (http://pierre-bouchard.com/?p=409&cpage=1#comment-7179) qui explique comment un de ses clients ressort totalement frustré du processus de consultation publique de la ville de Montréal. Comment ne pas le comprendre? La ville exige un véritable parcours du combattant s’étirant sur plusieurs mois et parfois plusieurs années. Lorsque les projets arrivent enfin à l’étape de la consultation publique officielle, ils sont déjà lourdement ficelés, on y a investi beaucoup de temps et d’argent. Il demeure toujours possible de les modifier, mais cela devient coûteux et surtout très frustrant.


La réaction classique – et compréhensible - des personnes aux prises avec cette situation sera de décrier les processus de consultation et de refuser d’y participer. Je propose de faire exactement le contraire et de consulter PLUS.

Ma suggestion est la suivante. Les promoteurs devraient structurer leur propre processus de consultation en parallèle avec celui exigé par la ville plutôt que de subir le processus municipal. Ce processus commencerait beaucoup plus tôt que le processus municipal, avant même que le projet soit totalement défini, au moment où la marge de manœuvre pour les ajustements est la plus grande. Il n’est pas interdit de présenter un projet à l’étape des intentions. Cela permettrait, d’une part, de prendre connaissance des attentes du milieu et de les incorporer immédiatement dans le projet et d’autre part de prévenir les irritants inutiles.

Rien n’interdit à un promoteur de consulter le milieu de sa propre initiative. Cela pourrait même lui donner des munitions face à des fonctionnaires parfois mal alignés avec la réalité du terrain, comme cela semble avoir été le cas dans la situation vécue par le client de Pierre Bouchard.

J’assistais hier à une conférence donnée par Florence Junca-Adenot devant le CIRANO. Elle disait précisément cela (et pourtant elle n’a pas étudié en relations publiques que je sache!) : Il faut associer la société civile à la définition des projets très tôt, avant même de trop les avoir définis.

Il est faut de prétendre que la population ne désire aucun développement. Il y aura évidemment toujours des oppositions à tous les projets, mais aussi beaucoup de soutien. Le débat public sur les projets grands et petits fait maintenant partie de la réalité des promoteurs. Raison de plus pour prendre les choses en mains plutôt que de se laisser dicter une approche unique.

Qu’en pensez-vous?



lundi 3 mai 2010

Les relations publiques et le développement durable

Les approches conventionnelles de gouvernance ne conviennent pas à la recherche de solutions en matière de développement durable. Il faut mettre en œuvre des processus plus collaboratifs afin de sortir des habituelles oppositions entre les intérêts économiques, sociaux et environnementaux. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie (TRNEE) et le Forum des politiques publiques, deux organismes relevant du gouvernement fédéral, dans une publication très récente (mars 2010), «Le progrès grâce aux processus». Ce document d’une quarantaine de pages est facilement accessible via le site web de la TRNEE.


«Nous devons retourner aux sources et reprendre le dialogue, afin de transformer le goût du dialogue et de la discussion en des processus acceptables et efficaces pour la gouvernance du développement durable» peut-on lire dans le message d’introduction signé par les présidents de ces deux organismes.

La TRNEE a constaté depuis longtemps que les mécanismes décisionnels traditionnels tendent à exclure et à opposer les intérêts divergents alors que, au contraire, une véritable démarche de développement durable nécessite une approche intégratrice. Il faut développer de nouveaux processus basés sur le mode collaboratif.

S’adressant aussi bien aux gouvernements qu’aux groupes d’intérêts, les deux organismes affirment qu’il faut «apprendre à exercer le pouvoir différemment», savoir dégager des intérêts commun, respecter les règles d’un dialogue véritable dans la construction de relations de long terme basées sur la confiance. On ne demande pas aux participants d’abandonner leurs positions et leurs pouvoirs, mais plutôt de laisser leurs armes au vestiaire lorsqu’ils entreprennent un dialogue, et d’assumer chacun une partie de la responsabilité dans la mise en œuvre des solutions résultant de ce dialogue.

On est loin ici de la consultation traditionnelle où les gouvernements, après avoir écouté les organismes, décident seuls et où les organismes jouent aux gérants d’estrade.

«Dans un tel processus de collaboration, les participants apprennent un dialogue en trois étapes : l’expression des points de vue, la délibération et la prise de mesures. Au troisième stade, plutôt que de redonner au gouvernement la tâche d’instaurer des solutions, les participants collaborent afin d’attribuer les rôles et les responsabilités selon la personnalité ou le groupe qui leur semble le mieux placé pour accomplir une tâche particulière… Le résultat est un plan d’action qui répartit les rôles et les responsabilités entre tous les participants, et qui établit une responsabilité commune quant aux résultats.»

Les 20 personnes qui ont participé aux travaux ayant mené à la production de ce rapport sont des hauts dirigeants de la fonction publique fédérale et de divers organismes de représentation économiques et environnementaux. Aucun ne provient de l’univers des relations publiques. J’y vois à la fois un signe encourageant et un défi.

Il est encourageant de constater que ces personnes éminentes, en principe branchées sur les défis de l’avenir et sur cette notion féconde entre toutes qu’est le développement durable, dégagent de leurs travaux la nécessité d’adopter des processus «collaboratifs» évoquant très fortement, et souvent très directement, des concepts fondamentaux des relations publiques modernes, notamment le dialogue, le respect mutuel, la mise en place de mécanismes de communication continue, la recherche de solutions communes.

Mais lorsque l’on constate que les mots «relations publiques» n’apparaissent jamais dans le document, on prend la mesure du défi que représente toujours la «légitimisation» des relations publiques. Ce défi, c’est à nous de le relever. En affirmant haut et fort que les processus collaboratifs prônés par les deux organismes fédéraux trouvent des bases solides dans la théorie moderne des relations publiques et dans la mise en œuvre de cette théorie par des relationnistes professionnels.

jeudi 22 avril 2010

Les relations publiques... et le jour de la terre

Il existe une connexion spéciale entre le développement durable et les relations publiques. Les RP se définissent comme la gestion des relations entre une organisation et son environnement. Or, nous vivons dans un monde où les organisations – celles à finalité économique plus que les autres – doivent se préoccuper sans cesse davantage de leur impact sur le milieu naturel et humain dans lequel elles sont établies. Lorsqu’elles ne le font pas, elles se font rappeler à l’ordre par la société civile. Il est bien fini le temps où il était possible pour une entreprise d’agir impunément à l’encontre de l’environnement et des collectivités.


Pendant quelques années, il était possible de simplement transférer les opérations condamnables des pays développés vers d’autres contrées où la réglementation environnementale et les programmes sociaux sont inexistants, ou sous-développés. Mais l’avènement de l’Internet et la mondialisation des mouvements de protection de l’environnement et de défense des droits humains, qui a accompagné celle de l’économie, rend maintenant la chose difficilement praticable. De gré ou de force, les entreprises sont aujourd’hui tenues à la responsabilité environnementale et sociale. Pendant longtemps, les entreprises ont pu tenir un discours bien pensant envers l’environnement et les droits sociaux tout en se réfugiant derrière la dure réalité de l’économie : il faut bien créer de l’emploi et payer des salaires, alors cela me donne le droit de polluer un peu…

Cela n’est plus vrai. La révolution engendrée dans les mentalités par le rapport Bruntland a finalement contaminé toutes les sphères de la société. Tous comprennent aujourd’hui que le développement économique, la protection de l’environnement et le développement social non seulement ne s’opposent pas mais forment trois aspects indissociables, pour ne pas dire trois conditions essentielles, à tout projet viable, même et surtout dans le domaine économique.

Le développement durable devient donc l’aune à laquelle sera évaluée la réussite ou l’échec d’un projet, le terrain commun sur lequel les entreprises doivent rencontrer la société (j’aime bien le terme anglais «to engage», qui se traduit à peu près par «aller au-devant et proposer de nouer une relation»). En d’autres mots, le développement durable est et sera de plus en plus au cœur des relations publiques. Les relationnistes ont donc une responsabilité professionnelle d’en comprendre les tenants et aboutissants. Les connaissances en matière de développement durable leur sont aussi essentielles que celles concernant la théorie des communications et des relations publiques, ou la maîtrise des divers moyens et technologies de communication.

Cette conviction m’a amené à entreprendre il y a trois ans un DESS «gestion et développement durable» à HEC Montréal que je compléterai normalement d’ici la fin de cette année (Inch’Allah!). J’y ai beaucoup appris. Je profite de l’occasion pour saluer l’excellence de mes professeurs et pour les remercier de leur enthousiasme communicatif. Et j’encourage tous mes collègues relationnistes qui ne l’ont pas encore fait à entreprendre une étude sérieuse du développement durable.

samedi 17 avril 2010

SONDAGE : les relationnistes mentent-ils?

Dans mon billet du 9 avril, je mentionnais une étude publiée très récemment en Angleterre traitant de la vérité et du mensonge. Cette étude renforce ma conviction personnelle que les relationnistes partagent avec les journalistes la responsabilité d’assurer l’intégrité du contenu véhiculé par les médias. Nous ne sommes pas directement responsables du contenu produit par les journalistes, mais nous les alimentons quotidiennement avec des faits dont nous devons nous assurer de la véracité.


Dans le cadre de cette étude, un sondage en ligne a permis de recueillir les opinions de 444 relationnistes (moi inclus) provenant d’une variété de milieux de pratiques dans plusieurs pays. Ce type de sondage pose des limites méthodologiques évidentes quant à la représentativité de l’échantillon. Il faut en considérer les résultats avec prudence. Il faudrait idéalement les comparer avec ceux d’études menées dans un contexte plus fiable méthodologiquement, ce que je ferai avec plaisir lorsque je trouverai de telles études. Il n’en demeure pas moins intéressant de considérer l’opinion de 444 professionnels intéressés à la pratique des RP au point de suivre les blogs qui en traitent et de prendre le temps de répondre à de tels sondages.

Plus de 89 % des répondants au sondage affirment qu’eux-mêmes n’ont jamais sciemment menti ou diffusé une information qu’ils savaient fausse. Par contre lorsque, dans une question de portée générale, on leur demande si les relationnistes mentent dans le cours de leur travail, 69 % des répondants répondent OUI!

Dans tout sondage, il est normal de constater chez les répondants un biais entre leur perception d’eux-mêmes et leur perception de leur groupe de référence. Ce résultat n’en demeure pas moins préoccupant car il démontre chez les relationnistes ayant participé à ce sondage un degré élevé de scepticisme quant à l’intégrité de leur profession.

Sur un aspect spécifique, 77 % des répondants affirment ne pas se sentir obligés de divulguer une information dommageable pour leur client. Vraiment? N’enseignons-nous pas le contraire, notamment dans un contexte de gestion de crise? Pouvons-nous réellement construire la confiance entre une organisation et ses publics en pratiquant la rétention d’information? Pour 55 % des répondants, la rétention d’information n’équivaut pas moralement à un mensonge.

Le sondage était volontairement construit de manière binaire : mentez-vous, oui ou non. Mais qu’est-ce que le mensonge et est-il toujours condamnable? Est-ce mentir que de ne pas tout dire ce que l’on sait? Est-ce condamnable d’affirmer qu’une personne est absente parce que nous ne voulons pas qu’elle parle au journaliste?  Ou de retenir une information qui pourrait nuire à la réputation d'une personne?  Et au-delà du «simple» mensonge, lorsque nous interprétons les faits, les chiffres et les statistiques, où est la frontière entre une interprétation légitime, «créative», et la déformation mensongère?  On le constate, le mensonge revêt de multiples formes et pour savoir s'il est condamnable ou pas, il faut le placer dans le contexte du moment.

Les mêmes questions se posent aux journalistes et concernant ces derniers, les répondants au sondage (tous des relationnistes, rappelons-le...) estiment que 80 % d’entre eux mentent. Il aurait fallu évidemment sonder en parallèle les journalistes avec les mêmes questions, leurs réponses seraient sans doute très intéressantes et mon propos ici n’est certainement pas de les condamner.

Je mentionne le résultat concernant les journalistes car ce sondage soulève une question fondamentale : les relationnistes y affirment que les deux professions qui partagent la responsabilité d’assurer la libre circulation des informations mentent!

La réalité de notre pratique n’est évidemment pas binaire; elle se présente à nous dans toutes les teintes de gris possibles et imaginables et nous devons quotidiennement, dans le feu de l’action, décider du contenu de nos communications. D’où l’importance pour chaque relationniste de bien connaître son code de déontologie et de réfléchir aux questions éthiques.

Si quelqu’un peu m’alimenter avec d’autres études portant sur ces questions, j’en ferai état avec plaisir.

Encore une fois, voici le lien vers l’étude britannique citée ici :

http://www.pwkpr.com/downloads/How_Much_Is_Truth_and_Lies_in_PR_and_the_Media.pdf

lundi 12 avril 2010

Les relations publiques et l'industrie minière

« Il y a 30 ou 40 ans, on conduisait sans ceinture de sécurité, une bouteille de bière entre les genoux. Aujourd’hui, on ne fait plus cela. Les entreprises minières ont connu la même évolution. » C’est avec cette savoureuse métaphore qu’un des participants à l’émission « La science et la vie » de Radio-Canada diffusée hier résumait l’évolution de l’attitude de l’industrie minière depuis quelques décennies, une évolution qui s’est faite en parallèle avec celle de la société elle-même.


De la discussion réunissant à l’œil (à l’oreille?) une trentaine de personnes, aussi bien des spécialistes de l’industrie que des scientifiques, des élus et des groupes de citoyens, ressort un constant évident et très largement partagé, sinon unanime. Tout projet minier doit être précédé d’une période d’information et de consultation avec les populations impactées par le projet. Un expert français qui participait à la discussion confirme que la tendance est la même en Europe.

Cette période précédant la mise en chantier du projet n’est plus perçue comme une dépense ou un obstacle, mais comme un ajustement nécessaire du projet aux attentes et aux besoins du milieu.

La mise en œuvre du projet de mine à ciel ouvert Osisko, à Malartic, illustre bien ces nouvelles façons de faire. Le gisement se trouvant directement sous le village, l’entreprise a entrepris de convaincre les résidants en proposant un projet prévoyant leur déménagement dans un nouveau village, la construction de bâtiments municipaux neufs et autres avantages, en plus évidemment d’être aux premières loges pour occuper les emplois et bénéficier des retombées économiques du projet. L’entreprise a graduellement réussi à convaincre la presque totalité des habitants du village.

Faut-il pour autant négliger les opposants irréductibles? Aucunement. Au contraire, il importe de maintenir en tout temps une attitude d’ouverture et de respect. Mais au terme d’un débat public où la majorité a choisi, il devient possible de mettre le projet en chantier. Le discours d’opposition, si légitime soit-il, ne fait plus le poids.

vendredi 9 avril 2010

Les relationnistes sont partie intégrante du processus d'information du public

Les journalistes sont sous pression pour produire toujours davantage, toujours plus rapidement, pour alimenter la bête médiatique qui réclame de la nouveauté 24 heures par jour. Ce phénomène altère la balance du pouvoir entre eux et les relationnistes.


En Angleterre, une étude récente portant sur 2000 articles publiés révèle que 80 % de ces articles sont construits en tout ou en partie avec du matériel fourni par les relationnistes et les agences de presse. Les chercheurs ont aussi découvert que seulement 12 % de ces papiers avaient fait l’objet d’une vérification quant à l’exactitude des faits. En d’autres mots, les relationnistes contrôlaient directement une proportion importante du contenu des 2 000 articles étudiés.

Il est difficile de savoir si la situation est la même au Québec. On entend souvent dire qu’il y a 11 000 relationnistes pour 4 000 journalistes. Des chiffres que je cite sous toutes réserves car je n’ai pu les vérifier, mais il est tout-à-fait plausible de croire que pour chaque journaliste, il y aurait 3 relationnistes ou plus. Si tel est le cas, et connaissant les pressions auxquelles les journalistes sont soumis, il est plausible de croire que les relationnistes «contrôlent» directement la moitié, sinon davantage, du contenu des médias.

Par contre, cette conclusion est contredite par ma propre expérience des relations avec les médias, où j’ai rarement, sinon jamais, le sentiment de «contrôler» le contenu des articles et presque aussi rarement le sentiment qu’un article rend réellement justice à la position de mon client. C’est normal. Les journalistes ne sont pas là pour servir de porte-voix et même dans les circonstances les plus favorables, le message se dégrade à chaque étape de la communication (voir mon billet du 4 février à ce sujet).

Il n’en demeure pas moins que les journalistes dépendent des relationnistes pour les alimenter en informations et qu’ils n’auront pas toujours le temps de tout vérifier. Cela fait de nous des participants à part entière au processus de libre circulation de l’information. Il en découle des obligations éthiques dont nous devons être conscients.

Les relationnistes sont à la frontière entre l’organisation pour laquelle ils travaillent et le monde extérieur. S’ils disséminent une fausse information, ils minent la confiance du public, élément essentiel de la vie en société. Et comme tout finit par se savoir, une fois le mensonge ou l’erreur découverte, l’organisation qui en est à l’origine en souffre dans sa crédibilité et voit sa marge de manœuvre diminuer par rapport à l’opinion publique et au processus politique.

Le respect de la vérité sert donc aussi bien les intérêts des clients (dans la mesure évidemment où ceux-ci sont honnêtes) que l’opinion publique.

L’étude mentionnée plus haut est citée dans un document de la firme britannique Parker Wayne & Kent qui a sondé plusieurs centaines de relationnistes à propos de l’honnêteté en relations publiques. J’y reviendrai. L’étude en question se trouve à :

http://www.pwkpr.com/downloads/How_Much_Is_Truth_and_Lies_in_PR_and_the_Media.pdf

mercredi 31 mars 2010

Les relations publiques et le budget du Québec

De l’avis unanime, le budget déposé hier par le ministre des finances du Québec, Raymond Bachand, fera époque. Il livre un message difficile : nous vivons au-dessus de nos moyens et il faut ou bien payer davantage, ou alors réduire les services publics. Ayant sondé les riens et les cœurs depuis plusieurs mois, le ministre tranche : on paiera davantage et on rationalisera au maximum l’appareil public, avec l’objectif de maintenir les services publics auxquels la population est attachée.


Mine de rien, le ministre Bachand a orchestré depuis l’été dernier un débat public de très grande envergure. Il a mandaté un comité de 4 économistes pour étudier l’état des finances publiques et proposer des solutions. Ce comité aurait pu, comme le font la plupart des comités, travailler d’abord et faire rapport ensuite. Mais la démarche a été toute autre, dans un but évident de pédagogie et d’animation du débat public.

Le comité des économistes a déposé trois rapports sur une période de quatre mois, traitant de l’état des finances publiques et des différentes approches possibles pour les assainir. Chacun de ces rapports a été abondamment commenté et discuté publiquement. Les économistes membres du comité ont été généreux de leur temps, participant à de multiples colloques, rencontres et entrevues. En parallèle, un site web permettait à tout le monde de contribuer de ses opinions.

La population est aujourd’hui nettement mieux renseignée qu’elle ne l’était il y a six mois sur l’état des finances publiques, le niveau comparatif d’endettement du Québec par rapport aux autres provinces et pays, le niveau comparatif de l’offre de services publics, et la dangereuse impasse démographique qui nous frappera inévitablement d’ici quelques années. On a traité la population avec respect en faisant appel à son intelligence. Évidemment, tous ne partagent pas nécessairement cette vision et le débat a aussi permis aux opposants d’affiner leurs arguments.

Les échanges ont été nombreux. Ils ont été ponctués de sondages permettant de repérer l’émergence de choix collectifs. Personne n’est «pour» des hausses d’impôts et de tarifs tout comme personne n’aime visiter le dentiste. Mais s’il faut choisir, alors quoi? Nous avons tous été amené à y réfléchir.

Ce débat public a mis la table pour le budget. Évidemment, il reste beaucoup à faire et il y aura inévitablement de multiples péripéties. Les opposants se manifesteront avec force, mais le débat a aussi permis aux nombreux alliés du gouvernement de structurer leur position. Et malgré tous les préjugés à ce sujet, nous savons que pour réussir en politique, il est moins important d’être populaire que d’être cohérent. La principale force du ministre Bachand dans les mois qui viennent sera de pouvoir «parler vrai» car il n’a pas craint de mettre les vrais enjeux sur la table et de nous inviter tous à en débattre.

Bref, voilà un cas où j’aimerais bien que les journalistes parlent de la «belle opération de relations publiques du ministre Bachand».

mardi 30 mars 2010

Une pratique détestable

La censure sous toutes ses formes est l’antithèse des relations publiques. C’est une pratique que l’on croirait passée de mode, et pourtant elle se pratique encore de nos jours, sous la forme des poursuites baillons. De quoi s’agit-il? Plutôt que d’affronter en débat public une opinion qu’elle conteste, une entreprise immensément riche déclenche une poursuite judiciaire contre l’organisation ou la personne qui la critique et qui n’a pas les moyens de se défendre et encore moins ceux de perdre. Elle écrase ainsi les opposants et fait l’économie d’un débat public.


Exemple le plus récent : le 17 février, le premier producteur d’or au monde, Barrick Gold, adresse une mise en demeure préventive à deux éditeurs, sept auteurs et deux traducteurs les menaçant de poursuite pour un ouvrage qui n’est pas encore écrit.

Vous avez bien lu. Les deux éditeurs projettent la publication d’un livre dont le titre de travail était Imperial Canada inc. : Legal Haven of Choice for the World’s Mining Industry. (Canada Impérial : refuge juridique de choix pour l’industrie minière mondiale). Intimidé, ils ont retiré leur projet.

Les menaces sont prises au sérieux. Il y a quelques années, Barrick Gold avait agi de la sorte afin de prévenir la publication du livre Noir Canada – Pillage, corruption et criminalité en Afrique. L’éditeur, qui avait choisi de publier malgré la menace, s’est retrouvé avec une poursuite en diffamation de 6 millions de dollars de Barrick et d’une autre de la minière Banro Corp. De quoi l’obliger à fermer ses portes.

Je n’ai lu aucun des deux ouvrages mentionnés ici et je ne me prononce donc pas sur leur contenu. Et les grandes entreprises ont certainement le droit de se défendre, incluant par le biais de poursuites en diffamation. Toutefois, le moyen retenu ici est illégitime du point de vue du débat démocratique. Parions que l’approche des compagnies minières ne réussira qu’à attirer plus que jamais l’attention des médias sur leurs pratiques et qu’en prime, elles devront aussi mener de front un deuxième débat, sur leurs pratiques délétères pour la démocratie.

Pour une fraction du prix que leur coûtera l’approche juridique, ces entreprises auraient pu mener un effort efficace de relations publiques. Elles se retrouveront plutôt au centre d’un double débat articulé sur la question suivantes : qu’ont-elles de si terrible à cacher qu’elles utilisent des moyens si brutaux pour supprimer le débat public?

Et en passant, en attendant le procès qui doit avoir lieu à l’automne 2011, le livre Noir Canada est en vente. J’ai soudainement une furieuse envie de me le procurer.

Pour en savoir davantage : Le Devoir, page A9, édition du 25 mars

jeudi 25 mars 2010

Québec - Nouveau-Brunswick : suite et fin

Comment résister à l’envie de revenir sur ce sujet qui faisait l’objet de ma chronique publiée il y a deux semaines?


Ce matin, la plupart des chroniqueurs et éditorialistes qui se penchent sur l’échec de l’entente Québec Nouveau-Brunswick concernant l’achat d’Énergie Nouveau-Brunswick sont d’opinion que l’incapacité de «vendre» l’entente aux Néo-Brunswickois a certainement joué un rôle dans ce dénouement malheureux.

Dans Le Devoir, Jean-Robert Sansfaçon écrit que l’argument invoqué pour mettre fin à l’entente «fait l’affaire des deux parties puisque ni l’une ni l’autre n’était parvenue à convaincre les principaux intéressés, les contribuables du Nouveau-Brunswick, des avantages d’un tel contrat…»

Ariane Krol, dans son éditorial dans La Presse, dissèque avec un scepticisme évident les motifs invoqués par les parties et affirme que le premier ministre Shawn Graham «peut se compter chanceux» même s’il affirme être déçu car il n’aurait jamais réussi à «faire passer» ce contrat. Elle conclut ainsi : «ne jamais sous-évaluer la force de l’opinion publique, point.»

Sophie Cousineau, toujours dans La presse, pose exactement la question que je soulevais dans ma chronique : «Les choses se seraient-elles passées autrement si Shawn Graham … avait consulté ses concitoyens au lieu de leur présenter l’entente avec Hydro-Québec comme un fait accompli? Et si Hydro-Québec avait mieux mesuré l’attachement des Néo-Brunswickois à leur producteur d’électricité? Bref, si la transaction n’avait pas été aussi mal vendue?»

Permettez-moi de me citer moi-même en reprenant le dernier paragraphe de ma chronique d’il y a deux semaines : «L’entente Québec – Nouveau-Brunswick aurait-elle été mieux acceptée si on en avait fait l’objet d’un débat public avant de l’adopter? Il est toujours hasardeux de réécrire l’histoire mais la situation pourrait difficilement être pire que ce qu’elle est actuellement. Un vieux proverbe dit que «le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui». La même chose est vrai des populations. Les débats publics sont souvent difficiles et leur issue est incertaine. Mais le secret ne fait qu’amplifier, en les reportant dans le temps, les difficultés que l’on n’aura pas voulu affronter.»

Oui, les relations publiques ont une valeur ajoutée très importante pour les grands projets. Malheureusement, c’est souvent lorsqu’un projet échoue que l’on en prend conscience.

mercredi 24 mars 2010

Les relations publiques et le Mont Royal

Catania est un promoteur dont le nom a été associé à de multiples scandales depuis deux ans. Ce promoteur veut convertir l’ancien couvent des sœurs Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie, niché sur le flanc nord du Mont Royal, en condos de luxe. Tous les ingrédients sont donc réunis pour une bataille épique entre les défenseurs du patrimoine et les groupes luttant contre l’intégrité du Mont Royal d’un côté, et «le méchant promoteur» de l’autre, avec ses alliés circonstanciels que sont l’Université de Montréal et l’administration montréalaise.


Ajoutons encore, pour faire bonne mesure, que le maire Tremblay est affaibli par les scandales de l’an dernier et que les deux groupes d’opposition à l’hôtel de ville de Montréal trouvent dans ce dossier un cheval de bataille en or. Pourtant, le projet a été adopté à la majorité du conseil municipal hier (malgré un cirque indigne dont les élus qui y ont participé devraient avoir honte) et tout indique une prochaine mise en chantier. Comment un projet aussi controversé a-t-il pu être approuvé dans une ville renommée pour son immobilisme et sa frilosité devant la moindre opposition organisée? Donnons la parole à Michèle Ouimet, journaliste à La Presse, dans l’édition du 24 mars, page A12 :

«Premièrement, le projet est bien ficelé… (suivent les détails décrivant les garanties mises en place pour assurer le respect des aspects patrimoniaux et culturels et l’accès à la montagne).

«Deuxièmement, contrairement à ce que les opposants prétendent, il n’y a eu aucune précipitation dans ce dossier. Au contraire, l’Office de consultation publique a passé le projet au peigne fin : 36 mémoires ont été déposés et 23 personnes ou organismes ont eu le temps d’exprimer leur point de vue en long et en large. Des experts se sont aussi penchés sur le projet de l’ont jugé acceptable : Héritage Montréal, les Amis de la montagne et les comités de ci et de ça : urbanisme, architecture, patrimoine, etc.»

Des relations publiques bien menées ont donc permis au débat public d’avoir lieu entre supporteurs et opposants, aux institutions de s’exprimer, aux élus d’assumer leur responsabilité dans un contexte éclairé, et au projet de se concrétiser. Les relations publiques n’ont pas eu pour but de supprimer les points de vue mais au contraire de leur permettre de s’exprimer de manière très articulée, dans le cadre d’un débat ouvert à tous. C’est à dessein que je confonds ici «les relations publiques» avec les mécanismes institutionnels de consultation publique car ceux-ci servent une finalité très nettement inspirée de celles-là.

Ce dossier est exemplaire de la manière dont il est possible d’en arriver à une décision éclairée, malgré des oppositions farouches, à travers un processus d’information et de consultation où tous trouvent à s’exprimer. Les relations publiques ouvrent la voie aux projets, même controversés. C’est la dissimulation et le mensonge qui nuisent aux projets, en soulevant la méfiance et la colère.

lundi 22 mars 2010

Devoir de lecture

Une fois n’est pas coutume, prenons congé des RP, même si les sujets ne manquent pas.
Si vous voulez comprendre comment et pourquoi l’alliance des financiers et des «ingénieurs» mène le monde à sa ruine économique, lisez sans faute «le Devoir de philo» dans l’édition de samedi 20 mars du Devoir, page C6. Citant abondamment l’œuvre de l’économiste Thortien Veblen, né en Norvège en 1857 et mort aux États-Unis en 1929, le professeur Pierre-André Julien de l’UQTR explique comment la propriété des entreprises est passée graduellement des «capitaines de l’industrie», ces grands industriels du début XXe siècle, aux financiers et aux ingénieurs.

Les premiers étaient devenus immensément riches en gérant à leur profit leurs entreprises. Leur richesse était directement tributaire de leurs bonnes décisions et de leur capacité à diriger efficacement leurs entreprises. Toutefois, les besoins croissants en capitaux des grandes entreprises ont conduit, à travers les mécanismes de la bourse, à un transfert de propriété de ces industriels vers les grands financiers, dont l’uniquement motivation est le profit à court terme et qui ne connaissent rien à la bonne marche des entreprises dont ils deviennent propriétaires. Pour faire rouler ces entreprises, les financiers embauchent des ingénieurs. Mais ceux-ci, forts de leur capacité à optimiser les opérations, ne saisissent pas toute la complexité humaine derrière le fonctionnement efficace d’une entreprise.


Les financiers ne sont préoccupés que du profit et les ingénieurs d’optimisation. Les entreprises deviennent plus efficaces à produire des profits que des marchandises. Le système s’engage dans une spirale de surenchère boursière, sur la foi de profits générés artificiellement sur le court terme sans vision de long terme. Il s’ensuit une surenchère des valeurs d’entreprise qui n’ont plus rien à voir avec la capacité réelle de production de ces mêmes entreprises. Inévitablement, le système craque lorsque crève la bulle spéculative et c’est la ruine du système. Veblen avait ainsi prévu la crise de 1929 et le professeur Julien affirme sans hésiter qu’il aurait prévu aussi les chocs économiques répétitifs que nous vivons depuis 10 ans.

Est-il possible de changer le système de l’intérieur? Veblen ne le pensait pas. À moins que les États et les grandes institutions internationales ne réussissent à développer des mécanismes réellement efficaces de lutte à la spéculation. Mais devant le dégonflement généralisé de la communauté internationale, qui parlait de «réforme du capitalisme» il y a un an à peine et qui ne semble pas pouvoir passer à l’action, même lorsqu’on apprend que les mêmes grandes institutions financières responsables de la crise financière spéculent maintenant sur la faillite des états souverains, il n’y a pas lieu d’être optimiste.

De Gomery à Gomery

Ci-devant juge célèbre pour avoir présidé la Commission d’enquête qui a mis au jour la magouille institutionnalisée par le Parti libéral du Canada, John Gomery vole maintenant au secours du conseil de presse du Québec.

Également dans le Devoir de samedi 20 mars, page E8, Jean Baillargeon fait le point sur les difficultés du Conseil de presse, et citer quelques études et professeurs qui dénoncent l’inefficacité de ces «tribunaux d’honneurs» un peu partout sur la planète.

Fondé en 1973, le CPQ est financé en parti par le gouvernement et en partie par les médias. Sans pouvoir réel, c’est un «tribunal d’honneur» qui exerce tout de même un certain ascendant moral sur les journalistes. Seulement voilà : depuis le début, certains médias le boudent. Plusieurs journaux et tous les radiodiffuseurs privés l’ont déserté. «Le CPQ manque de tout : d’argent, de crédibilité, de moyens de sanctions et même de légitimité» dénonce Marc-François (ou François-Marc, les deux prénoms sont cités dans le même article) Bernier, professeur au département de communication de l’Université d’Ottawa.

Selon le professeur Bernier, les tribunaux d’honneurs ne fonctionnent tout simplement pas. «Soyons clairs dit-il, tous les conseils de presse ont été créés pour protéger les médias. Aussitôt qu’un conseil prend trop à cœur l’intérêt du public à l’information, des médias s’en écartent.» Les citoyens peuvent évidemment recourir aux tribunaux, mais le professeur Bernier, souvent appelé comme expert, n’a jamais croisé un seul citoyen sorti gagnant d’une poursuite, même avec une décision favorable. «La justice coûte cher et les médias savent épuiser les plaignants. Il faut le dire, ce son les médias qui ont le gros bout du bâton.»

Alors, comment baliser efficacement l’exercice du journalisme? Il faudra voir ce qu’en pense l’ex-juge Gomery, et aussi la professeure Dominique Payette, elle-même ex-journaliste, responsable d’un groupe de travail sur l’avenir du journalisme qui doit faire rapport à la ministre Christine Saint-Pierre d’ici un an.

Nous sommes ici plus proche des relations publiques qu’on pourrait le croire. Le journalisme a quelques décennies d’avance sur notre profession. Les succès et les échecs dans la mise en place de mécanismes institutionnels destinés à en baliser l’exercice pourraient s’appliquer mutatis mutandis à notre propre profession.