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lundi 22 mars 2010

Devoir de lecture

Une fois n’est pas coutume, prenons congé des RP, même si les sujets ne manquent pas.
Si vous voulez comprendre comment et pourquoi l’alliance des financiers et des «ingénieurs» mène le monde à sa ruine économique, lisez sans faute «le Devoir de philo» dans l’édition de samedi 20 mars du Devoir, page C6. Citant abondamment l’œuvre de l’économiste Thortien Veblen, né en Norvège en 1857 et mort aux États-Unis en 1929, le professeur Pierre-André Julien de l’UQTR explique comment la propriété des entreprises est passée graduellement des «capitaines de l’industrie», ces grands industriels du début XXe siècle, aux financiers et aux ingénieurs.

Les premiers étaient devenus immensément riches en gérant à leur profit leurs entreprises. Leur richesse était directement tributaire de leurs bonnes décisions et de leur capacité à diriger efficacement leurs entreprises. Toutefois, les besoins croissants en capitaux des grandes entreprises ont conduit, à travers les mécanismes de la bourse, à un transfert de propriété de ces industriels vers les grands financiers, dont l’uniquement motivation est le profit à court terme et qui ne connaissent rien à la bonne marche des entreprises dont ils deviennent propriétaires. Pour faire rouler ces entreprises, les financiers embauchent des ingénieurs. Mais ceux-ci, forts de leur capacité à optimiser les opérations, ne saisissent pas toute la complexité humaine derrière le fonctionnement efficace d’une entreprise.


Les financiers ne sont préoccupés que du profit et les ingénieurs d’optimisation. Les entreprises deviennent plus efficaces à produire des profits que des marchandises. Le système s’engage dans une spirale de surenchère boursière, sur la foi de profits générés artificiellement sur le court terme sans vision de long terme. Il s’ensuit une surenchère des valeurs d’entreprise qui n’ont plus rien à voir avec la capacité réelle de production de ces mêmes entreprises. Inévitablement, le système craque lorsque crève la bulle spéculative et c’est la ruine du système. Veblen avait ainsi prévu la crise de 1929 et le professeur Julien affirme sans hésiter qu’il aurait prévu aussi les chocs économiques répétitifs que nous vivons depuis 10 ans.

Est-il possible de changer le système de l’intérieur? Veblen ne le pensait pas. À moins que les États et les grandes institutions internationales ne réussissent à développer des mécanismes réellement efficaces de lutte à la spéculation. Mais devant le dégonflement généralisé de la communauté internationale, qui parlait de «réforme du capitalisme» il y a un an à peine et qui ne semble pas pouvoir passer à l’action, même lorsqu’on apprend que les mêmes grandes institutions financières responsables de la crise financière spéculent maintenant sur la faillite des états souverains, il n’y a pas lieu d’être optimiste.

De Gomery à Gomery

Ci-devant juge célèbre pour avoir présidé la Commission d’enquête qui a mis au jour la magouille institutionnalisée par le Parti libéral du Canada, John Gomery vole maintenant au secours du conseil de presse du Québec.

Également dans le Devoir de samedi 20 mars, page E8, Jean Baillargeon fait le point sur les difficultés du Conseil de presse, et citer quelques études et professeurs qui dénoncent l’inefficacité de ces «tribunaux d’honneurs» un peu partout sur la planète.

Fondé en 1973, le CPQ est financé en parti par le gouvernement et en partie par les médias. Sans pouvoir réel, c’est un «tribunal d’honneur» qui exerce tout de même un certain ascendant moral sur les journalistes. Seulement voilà : depuis le début, certains médias le boudent. Plusieurs journaux et tous les radiodiffuseurs privés l’ont déserté. «Le CPQ manque de tout : d’argent, de crédibilité, de moyens de sanctions et même de légitimité» dénonce Marc-François (ou François-Marc, les deux prénoms sont cités dans le même article) Bernier, professeur au département de communication de l’Université d’Ottawa.

Selon le professeur Bernier, les tribunaux d’honneurs ne fonctionnent tout simplement pas. «Soyons clairs dit-il, tous les conseils de presse ont été créés pour protéger les médias. Aussitôt qu’un conseil prend trop à cœur l’intérêt du public à l’information, des médias s’en écartent.» Les citoyens peuvent évidemment recourir aux tribunaux, mais le professeur Bernier, souvent appelé comme expert, n’a jamais croisé un seul citoyen sorti gagnant d’une poursuite, même avec une décision favorable. «La justice coûte cher et les médias savent épuiser les plaignants. Il faut le dire, ce son les médias qui ont le gros bout du bâton.»

Alors, comment baliser efficacement l’exercice du journalisme? Il faudra voir ce qu’en pense l’ex-juge Gomery, et aussi la professeure Dominique Payette, elle-même ex-journaliste, responsable d’un groupe de travail sur l’avenir du journalisme qui doit faire rapport à la ministre Christine Saint-Pierre d’ici un an.

Nous sommes ici plus proche des relations publiques qu’on pourrait le croire. Le journalisme a quelques décennies d’avance sur notre profession. Les succès et les échecs dans la mise en place de mécanismes institutionnels destinés à en baliser l’exercice pourraient s’appliquer mutatis mutandis à notre propre profession.

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