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dimanche 7 mars 2010

Communication du risque : La modération a meilleur goût!

EN RÉSUMÉ : Dans la communication du risque, comme dans toutes les formes de relations publiques, il est toujours préférable de communiquer une information nuancée et reflétant le plus exactement possible la réalité que de chercher à se créer un avantage en insistant uniquement sur les faits favorables à notre thèse. Car tôt ou tard, ces faits que nous aurions négligé ou, pire encore, cherché à supprimer, referont surface et entraîneront un dommage durable à notre cause. Les relationnistes jouent un rôle déterminant en aidant les organisations à communiquer un portrait exact de la situation et en maintenant leur ouverture au dialogue, même lorsqu’elles traversent une crise.

Dans la Presse de ce samedi (6 mars, page 7 du cahier PLUS), Pierre Simard, professeur à l’ENAP, traite de «l’industrie de la peur», c’est-à-dire de ces stratégies gouvernementales qui cherchent à modifier le comportement des personnes en leur faisant peur. Ces stratégies, explique-t-il, fonctionnent de moins en moins car les citoyens deviennent sceptiques devant les scénarios catastrophe qui leur sont proposés par les pouvoirs publics.

Sont cités en exemple le bogue de l’an 2000, la grippe aviaire, la grippe porcine, le réchauffement climatique et la grippe A(H1N1). Dans chacun de ces cas, les médias ont fait état de scénarios catastrophes qui ne se sont pas avérés. Or, observe Pierre Simard, «si les médias sont particulièrement efficaces pour véhiculer des cataclysmes, ils sont généralement incompétents en matière scientifique. Ils ont trop souvent servi de relais aux scénarios catastrophes échafaudés par les alarmistes. Abusé, le citoyen est maintenant sceptique à l’endroit des politiciens et des groupes d’experts présentant des scénarios catastrophe qui défient le sens commun.»

Un article publié dans The gazette du 7 mars (page A 12) fait écho à ce propos. On y explique comment le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) doit maintenant lutter pour maintenir sa crédibilité depuis que des fuites embarrassantes font état de nuances importantes, passées inaperçues jusqu’ici, qui doivent être apportées à leurs prédictions alarmistes. Les dommages sont réels. Le même article nous apprend que la proportion de citoyens américains qui croient que les changements climatiques relèvent de la conspiration scientifique ou de la fraude a augmenté de 7 % à 16 % depuis 2008.

Considérons aussi le dossier A(H1N1). Il est maintenant clair que les craintes véhiculées par les autorités de la santé publiques – OMS en tête – étaient exagérées. Il n’en sera que plus difficile de mobiliser la population la prochaine fois.


Mon propos n’est pas de jeter la pierre à ces organismes. Dans le cas du GIEC, la communauté scientifique était consciente qu’elle devait porter un grand coup afin de surmonter définitivement le discours trompeur de certains enviro-sceptiques qui utilisent les principes scientifiques contre la science elle-même. Le message devait être clair et, pour une fois, ne pas donner prise à la nuance (ce qui n’excuse tout de même pas la dissimulation que certains semblent avoir pratiqué). Dans le cas de la grippe A(H1N1), les circonstances de l’éclosion, sa foudroyante propagation, certaines similitudes troublantes avec les premières étapes de la grippe espagnole de 1918 et la mémoire encore fraîche du SRAS justifiaient l’alarmisme initial. Un adage anglais veut que «better be safe than sorry»; on n’a voulu courir aucun risque, une approche justifiable dans le contexte mais qui produit aujourd’hui des conséquences négatives sur la crédibilité des scientifiques de la santé publique.

Voyons pourquoi il est si difficile de véhiculer un portrait nuancé. Il faut considérer trois facteurs :

 La capacité limitée de compréhension de la population. Il est dangereux d’aborder ce terrain sans se faire taxer d’élitisme. Il faut pourtant constater ce fait. La vaste majorité de la population ne possède pas les connaissances scientifiques – ni la culture scientifique qui permet d’interpréter correctement certains concepts tels les marges d’erreur – sans laquelle nous sommes réduits à décider sur la base de nos impressions et de nos préjugés. Et même sur des sujets aussi importants, qui aura le temps de prendre les heures requises pour faire le tour de la question?

 Devant cette réalité, notre capacité à résumer les connaissances essentielles et à formuler des messages efficaces devient déterminante. Cette responsabilité est très exigeante. Le relationniste doit d’abord s’assurer de bien comprendre lui-même le sujet dans toute sa complexité et ensuite travailler à en extraire les éléments les plus pertinents.

 Enfin, le caractère nécessairement réducteur des médias d’information vient resserrer encore davantage le goulet de notre entonnoir. Les médias ont peu d’espace et peu de journalistes pour couvrir un vaste éventail de sujets. Les journalistes sont eux-mêmes la plupart du temps en situation d’apprentissage face aux situations sur lesquelles ils écrivent. De plus, comme je l’ai expliqué dans un billet précédent (4 février 2010), la simple addition des étapes dans la communication entraîne une réduction et une distorsion des messages.




Comment contrer ces inévitables difficultés? J’offre ici trois pistes de solution.

 En premier lieu, les relationnistes doivent eux-mêmes chercher à devenir toujours plus compétents sur les sujets traités. Normalement, le relationniste responsable d’un dossier devrait l’avoir étudié en profondeur avant d’initier quelque communication que ce soit, il devrait établir une excellente relation de communication d’abord et avant tout avec les principaux acteurs au dossier (scientifiques ou autres) et toujours se maintenir à la fine pointe des développements. Le relationniste devrait normalement toujours en savoir beaucoup plus que les journalistes couvrant le sujet – du moins durant les premières phases du déroulement du dossier.

 Ensuite, les relationnistes doivent toujours chercher à tracer le portrait le plus proche possible des faits connus. Il est souvent tentant de ne pas mentionner les faits contraires à notre thèse mais, comme l’illustre la controverse qui secoue actuellement le GIEC, la dissimulation ne paye jamais sur le long terme. Quitte à produire un impact initial moins fort ou à devoir travailler plus longtemps pour communiquer un portrait plus nuancé, il est toujours préférable de rechercher l’exactitude.

 Enfin, les relationnistes doivent toujours maintenir le dialogue, ce qui s’avère souvent difficile lors de dérapages. Les organisations aux prises avec la controverse développent rapidement une mentalité d’assiégé. Elles ont tendance à se replier sur elles-mêmes alors qu’il est important de faire preuve d’ouverture constante.


Ces remarques sont très sommaires. Il y a beaucoup à dire sur le sujet et nul doute que plusieurs autres aspects importants méritent d’être traités. La parole est à vous!

2 commentaires:

  1. Il y a beaucoup de mythes et de méconnaissances dans votre texte...

    Je vous invite à vous inscrire au Forum sur la communication des risques qui aura lieu à Trois-Rivières les 27 et 28 avril 2011 :

    Information : http://www.forum2011.qc.ca

    Marc Nolin

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  2. Je ne prétends certes pas à l'infaillibilité! Je croyais pourtant n'écrire que des évidences. Pour mon bénéfice et celui des quelques lecteurs de ce blog, sentez-vous libre d'élaborer.

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