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lundi 13 septembre 2010

Relance du débat sur la professionnalisation du journalisme

Je suis un lecteur assidu du 30, par intérêt pour le journalisme (j'ai un bacc en journalisme de l'Université Laval) et parce que je crois que les enjeux des journalistes recoupent en partie ceux des relations publiques. D'une part, nous avons besoin les uns des autres au quotidien. D'autre part, les journalistes ont quelques années d'avance sur les relationnistes dans leur grand débat relatif à la professionnalisation. À ce sujet, le secrétaire général de la FPJQ, Claude Robillard, signe un article fort intéressant dans l'édition de septembre 2010.


La crise économique qui secoue les médias menace l'information journalistique elle-même. Il semble que dans les travaux du groupe Payette sur l'avenir de l'information (1), l'on discuterait d'un soutien gouvernemental au maintien des médias d'information et du journalisme lui-même. Si le gouvernement est un jour appelé à soutenir le journalisme, «un statut professionnel clair et identifiable devient alors techniquement nécessaire, pour s’assurer que ladite aide sert bien à créer des emplois de journalistes». En d’autres mots, si les journalistes veulent l’aide de l’État pour eux ou pour les médias d’information, il faudra forcément les définir avec précision. Ce qui relance le débat sur le statut professionnel, véritable serpent de mer du journalisme québécois.

Dans un tableau fort éclairant, Robillard résume les deux pôles autour desquels s’articulent les conceptions dominantes du journalisme d’aujourd’hui. Il prend soin de préciser que les journalistes ne se divisent pas en deux camps et qu’un journaliste peut se reconnaître parfois dans une conception et parfois dans l’autre. Il n’en demeure pas moins que ces deux pôles résument très bien les deux conceptions dominantes du journalisme. Et qu’ils m’interpellent comme relationniste. Voyons plutôt.

L’approche «libérale»

Elle repose sur la liberté des médias et des journalistes. L’absence de contraintes sert l’intérêt public. Du choc des idées, même les plus odieuses, naît la vérité. Les médias sont meilleurs qu’ils ne l’ont jamais été. La liberté de presse est menacée par des forces extérieures aux médias. Les excès et les dérapages sont le prix à payer pour la liberté de presse. La presse est un contre-pouvoir qui demande des comptes aux puissants ; un contre-pouvoir ne peut pas demander à un pouvoir de le protéger. L’État est l’ennemi No 1 de la presse, il faut le garder à distance car ce fut toujours l’oppresseur de la liberté de presse. Il faut maintenir l’accès libre au journalisme pour tous et surtout ne pas définir qui est ou n’est pas un journaliste.

L’approche «républicaine»

Elle met l’accent sur la responsabilité sociale des médias et sur l’utilisation responsable de sa liberté par le journaliste. Il faut privilégier la diffusion d’informations qui favorisent la vie démocratique et l’intérêt public. Les excès et les dérapages de l’information discréditent les journalistes. La liberté de presse est menacée par les pouvoirs extérieurs, mais aussi de l’intérieur des médias par des directions et des journalistes irresponsables. La presse est un pouvoir immense sans contre-pouvoir, ce qui n’est pas sain. L’État a pour objet de servir le bien commun. C’est le seul intervenant capable de contrer la concentration de la presse et le pouvoir des conglomérats. Il faut créer un statut légal de journaliste et définir qui est journaliste.

S’agissant spécifiquement de la reddition de comptes, les «libéraux» estiment que le Conseil de presse et le Guide de déontologie, auxquels l’adhésion est volontaire, suffisent. Les «républicains» affirment plutôt le besoin de renforcer le Conseil de presse et d’adopter un code de déontologie plus contraignant.

J’avoue pencher personnellement davantage pour la conception républicaine. Peut-être en partie par tempérament (certains diront par naïveté) ; j’ai toujours été respectueux de l’autorité et des institutions. Mais aussi par expérience. J’ai plusieurs fois été victime de journalistes aussi convaincus de la justesse de leur cause qu’ignorants des faits. Il y a peu de choses aussi dangereuses pour la vérité qu’un journaliste imbu d’une mission, et il y en a, à droite comme à gauche. En journalisme comme dans tous les domaines d’activité, il faut des institutions pour former, encadrer et prévenir les dérapages (2). Par contre, de puissants arguments soutiennent aussi la vision libérale. L’État n’est peut-être pas «l’ennemi No 1 de la presse» mais il serait effectivement dangereux pour l’équilibre démocratique de lui conférer le pouvoir de définir qui est journaliste, donc qui peut le critiquer. De plus, les «missionnaires» ont parfois raison envers et contre l’establishment politique et financier et si leurs attaques sont souvent mal fondées, il arrive aussi souvent qu’elles soient justifiées. Il n’y a pas de liberté possible sans une certaine mesure de désordre. La solution optimale, s’il en est une, regroupe des caractéristiques de l’une et de l’autre approche.

Conclusion ? Les journalistes québécois discutent de la professionnalisation depuis longtemps. Laissés à eux-mêmes, ils ne règleront jamais le débat. Reste à voir si les forces économiques qui bouleversent leur univers forceront une évolution dans un sens ou dans l’autre. Chose certaine toutefois, ce débat concerne tous les citoyens car une presse forte est absolument essentielle au maintien de la démocratie. Il concerne aussi plus spécifiquement les relationnistes car les conditions d’exercice du journalisme exercent une influence directe sur notre propre travail.

(1)  En novembre 2009, la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine a demandé à la journaliste Dominique Payette de mener une analyse sur l’avenir de l’information au Québec dans le contexte des changements technologiques. Mme Payette doit remettre son rapport en décembre 2010.
 
(2)  Les salles de nouvelles des grands medias jouent en partie ce rôle et ne serait-ce que pour cette raison, il faut les préserver. Je suis d’accord avec Jean-François Lisée, qui affirme la nécessité de reconnaître comme une institution en elle-même la salle de nouvelles.

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