De l’avis unanime, le budget déposé hier par le ministre des finances du Québec, Raymond Bachand, fera époque. Il livre un message difficile : nous vivons au-dessus de nos moyens et il faut ou bien payer davantage, ou alors réduire les services publics. Ayant sondé les riens et les cœurs depuis plusieurs mois, le ministre tranche : on paiera davantage et on rationalisera au maximum l’appareil public, avec l’objectif de maintenir les services publics auxquels la population est attachée.
Mine de rien, le ministre Bachand a orchestré depuis l’été dernier un débat public de très grande envergure. Il a mandaté un comité de 4 économistes pour étudier l’état des finances publiques et proposer des solutions. Ce comité aurait pu, comme le font la plupart des comités, travailler d’abord et faire rapport ensuite. Mais la démarche a été toute autre, dans un but évident de pédagogie et d’animation du débat public.
Le comité des économistes a déposé trois rapports sur une période de quatre mois, traitant de l’état des finances publiques et des différentes approches possibles pour les assainir. Chacun de ces rapports a été abondamment commenté et discuté publiquement. Les économistes membres du comité ont été généreux de leur temps, participant à de multiples colloques, rencontres et entrevues. En parallèle, un site web permettait à tout le monde de contribuer de ses opinions.
La population est aujourd’hui nettement mieux renseignée qu’elle ne l’était il y a six mois sur l’état des finances publiques, le niveau comparatif d’endettement du Québec par rapport aux autres provinces et pays, le niveau comparatif de l’offre de services publics, et la dangereuse impasse démographique qui nous frappera inévitablement d’ici quelques années. On a traité la population avec respect en faisant appel à son intelligence. Évidemment, tous ne partagent pas nécessairement cette vision et le débat a aussi permis aux opposants d’affiner leurs arguments.
Les échanges ont été nombreux. Ils ont été ponctués de sondages permettant de repérer l’émergence de choix collectifs. Personne n’est «pour» des hausses d’impôts et de tarifs tout comme personne n’aime visiter le dentiste. Mais s’il faut choisir, alors quoi? Nous avons tous été amené à y réfléchir.
Ce débat public a mis la table pour le budget. Évidemment, il reste beaucoup à faire et il y aura inévitablement de multiples péripéties. Les opposants se manifesteront avec force, mais le débat a aussi permis aux nombreux alliés du gouvernement de structurer leur position. Et malgré tous les préjugés à ce sujet, nous savons que pour réussir en politique, il est moins important d’être populaire que d’être cohérent. La principale force du ministre Bachand dans les mois qui viennent sera de pouvoir «parler vrai» car il n’a pas craint de mettre les vrais enjeux sur la table et de nous inviter tous à en débattre.
Bref, voilà un cas où j’aimerais bien que les journalistes parlent de la «belle opération de relations publiques du ministre Bachand».
mercredi 31 mars 2010
mardi 30 mars 2010
Une pratique détestable
La censure sous toutes ses formes est l’antithèse des relations publiques. C’est une pratique que l’on croirait passée de mode, et pourtant elle se pratique encore de nos jours, sous la forme des poursuites baillons. De quoi s’agit-il? Plutôt que d’affronter en débat public une opinion qu’elle conteste, une entreprise immensément riche déclenche une poursuite judiciaire contre l’organisation ou la personne qui la critique et qui n’a pas les moyens de se défendre et encore moins ceux de perdre. Elle écrase ainsi les opposants et fait l’économie d’un débat public.
Exemple le plus récent : le 17 février, le premier producteur d’or au monde, Barrick Gold, adresse une mise en demeure préventive à deux éditeurs, sept auteurs et deux traducteurs les menaçant de poursuite pour un ouvrage qui n’est pas encore écrit.
Vous avez bien lu. Les deux éditeurs projettent la publication d’un livre dont le titre de travail était Imperial Canada inc. : Legal Haven of Choice for the World’s Mining Industry. (Canada Impérial : refuge juridique de choix pour l’industrie minière mondiale). Intimidé, ils ont retiré leur projet.
Les menaces sont prises au sérieux. Il y a quelques années, Barrick Gold avait agi de la sorte afin de prévenir la publication du livre Noir Canada – Pillage, corruption et criminalité en Afrique. L’éditeur, qui avait choisi de publier malgré la menace, s’est retrouvé avec une poursuite en diffamation de 6 millions de dollars de Barrick et d’une autre de la minière Banro Corp. De quoi l’obliger à fermer ses portes.
Je n’ai lu aucun des deux ouvrages mentionnés ici et je ne me prononce donc pas sur leur contenu. Et les grandes entreprises ont certainement le droit de se défendre, incluant par le biais de poursuites en diffamation. Toutefois, le moyen retenu ici est illégitime du point de vue du débat démocratique. Parions que l’approche des compagnies minières ne réussira qu’à attirer plus que jamais l’attention des médias sur leurs pratiques et qu’en prime, elles devront aussi mener de front un deuxième débat, sur leurs pratiques délétères pour la démocratie.
Pour une fraction du prix que leur coûtera l’approche juridique, ces entreprises auraient pu mener un effort efficace de relations publiques. Elles se retrouveront plutôt au centre d’un double débat articulé sur la question suivantes : qu’ont-elles de si terrible à cacher qu’elles utilisent des moyens si brutaux pour supprimer le débat public?
Et en passant, en attendant le procès qui doit avoir lieu à l’automne 2011, le livre Noir Canada est en vente. J’ai soudainement une furieuse envie de me le procurer.
Pour en savoir davantage : Le Devoir, page A9, édition du 25 mars
Exemple le plus récent : le 17 février, le premier producteur d’or au monde, Barrick Gold, adresse une mise en demeure préventive à deux éditeurs, sept auteurs et deux traducteurs les menaçant de poursuite pour un ouvrage qui n’est pas encore écrit.
Vous avez bien lu. Les deux éditeurs projettent la publication d’un livre dont le titre de travail était Imperial Canada inc. : Legal Haven of Choice for the World’s Mining Industry. (Canada Impérial : refuge juridique de choix pour l’industrie minière mondiale). Intimidé, ils ont retiré leur projet.
Les menaces sont prises au sérieux. Il y a quelques années, Barrick Gold avait agi de la sorte afin de prévenir la publication du livre Noir Canada – Pillage, corruption et criminalité en Afrique. L’éditeur, qui avait choisi de publier malgré la menace, s’est retrouvé avec une poursuite en diffamation de 6 millions de dollars de Barrick et d’une autre de la minière Banro Corp. De quoi l’obliger à fermer ses portes.
Je n’ai lu aucun des deux ouvrages mentionnés ici et je ne me prononce donc pas sur leur contenu. Et les grandes entreprises ont certainement le droit de se défendre, incluant par le biais de poursuites en diffamation. Toutefois, le moyen retenu ici est illégitime du point de vue du débat démocratique. Parions que l’approche des compagnies minières ne réussira qu’à attirer plus que jamais l’attention des médias sur leurs pratiques et qu’en prime, elles devront aussi mener de front un deuxième débat, sur leurs pratiques délétères pour la démocratie.
Pour une fraction du prix que leur coûtera l’approche juridique, ces entreprises auraient pu mener un effort efficace de relations publiques. Elles se retrouveront plutôt au centre d’un double débat articulé sur la question suivantes : qu’ont-elles de si terrible à cacher qu’elles utilisent des moyens si brutaux pour supprimer le débat public?
Et en passant, en attendant le procès qui doit avoir lieu à l’automne 2011, le livre Noir Canada est en vente. J’ai soudainement une furieuse envie de me le procurer.
Pour en savoir davantage : Le Devoir, page A9, édition du 25 mars
jeudi 25 mars 2010
Québec - Nouveau-Brunswick : suite et fin
Comment résister à l’envie de revenir sur ce sujet qui faisait l’objet de ma chronique publiée il y a deux semaines?
Ce matin, la plupart des chroniqueurs et éditorialistes qui se penchent sur l’échec de l’entente Québec Nouveau-Brunswick concernant l’achat d’Énergie Nouveau-Brunswick sont d’opinion que l’incapacité de «vendre» l’entente aux Néo-Brunswickois a certainement joué un rôle dans ce dénouement malheureux.
Dans Le Devoir, Jean-Robert Sansfaçon écrit que l’argument invoqué pour mettre fin à l’entente «fait l’affaire des deux parties puisque ni l’une ni l’autre n’était parvenue à convaincre les principaux intéressés, les contribuables du Nouveau-Brunswick, des avantages d’un tel contrat…»
Ariane Krol, dans son éditorial dans La Presse, dissèque avec un scepticisme évident les motifs invoqués par les parties et affirme que le premier ministre Shawn Graham «peut se compter chanceux» même s’il affirme être déçu car il n’aurait jamais réussi à «faire passer» ce contrat. Elle conclut ainsi : «ne jamais sous-évaluer la force de l’opinion publique, point.»
Sophie Cousineau, toujours dans La presse, pose exactement la question que je soulevais dans ma chronique : «Les choses se seraient-elles passées autrement si Shawn Graham … avait consulté ses concitoyens au lieu de leur présenter l’entente avec Hydro-Québec comme un fait accompli? Et si Hydro-Québec avait mieux mesuré l’attachement des Néo-Brunswickois à leur producteur d’électricité? Bref, si la transaction n’avait pas été aussi mal vendue?»
Permettez-moi de me citer moi-même en reprenant le dernier paragraphe de ma chronique d’il y a deux semaines : «L’entente Québec – Nouveau-Brunswick aurait-elle été mieux acceptée si on en avait fait l’objet d’un débat public avant de l’adopter? Il est toujours hasardeux de réécrire l’histoire mais la situation pourrait difficilement être pire que ce qu’elle est actuellement. Un vieux proverbe dit que «le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui». La même chose est vrai des populations. Les débats publics sont souvent difficiles et leur issue est incertaine. Mais le secret ne fait qu’amplifier, en les reportant dans le temps, les difficultés que l’on n’aura pas voulu affronter.»
Oui, les relations publiques ont une valeur ajoutée très importante pour les grands projets. Malheureusement, c’est souvent lorsqu’un projet échoue que l’on en prend conscience.
Ce matin, la plupart des chroniqueurs et éditorialistes qui se penchent sur l’échec de l’entente Québec Nouveau-Brunswick concernant l’achat d’Énergie Nouveau-Brunswick sont d’opinion que l’incapacité de «vendre» l’entente aux Néo-Brunswickois a certainement joué un rôle dans ce dénouement malheureux.
Dans Le Devoir, Jean-Robert Sansfaçon écrit que l’argument invoqué pour mettre fin à l’entente «fait l’affaire des deux parties puisque ni l’une ni l’autre n’était parvenue à convaincre les principaux intéressés, les contribuables du Nouveau-Brunswick, des avantages d’un tel contrat…»
Ariane Krol, dans son éditorial dans La Presse, dissèque avec un scepticisme évident les motifs invoqués par les parties et affirme que le premier ministre Shawn Graham «peut se compter chanceux» même s’il affirme être déçu car il n’aurait jamais réussi à «faire passer» ce contrat. Elle conclut ainsi : «ne jamais sous-évaluer la force de l’opinion publique, point.»
Sophie Cousineau, toujours dans La presse, pose exactement la question que je soulevais dans ma chronique : «Les choses se seraient-elles passées autrement si Shawn Graham … avait consulté ses concitoyens au lieu de leur présenter l’entente avec Hydro-Québec comme un fait accompli? Et si Hydro-Québec avait mieux mesuré l’attachement des Néo-Brunswickois à leur producteur d’électricité? Bref, si la transaction n’avait pas été aussi mal vendue?»
Permettez-moi de me citer moi-même en reprenant le dernier paragraphe de ma chronique d’il y a deux semaines : «L’entente Québec – Nouveau-Brunswick aurait-elle été mieux acceptée si on en avait fait l’objet d’un débat public avant de l’adopter? Il est toujours hasardeux de réécrire l’histoire mais la situation pourrait difficilement être pire que ce qu’elle est actuellement. Un vieux proverbe dit que «le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui». La même chose est vrai des populations. Les débats publics sont souvent difficiles et leur issue est incertaine. Mais le secret ne fait qu’amplifier, en les reportant dans le temps, les difficultés que l’on n’aura pas voulu affronter.»
Oui, les relations publiques ont une valeur ajoutée très importante pour les grands projets. Malheureusement, c’est souvent lorsqu’un projet échoue que l’on en prend conscience.
mercredi 24 mars 2010
Les relations publiques et le Mont Royal
Catania est un promoteur dont le nom a été associé à de multiples scandales depuis deux ans. Ce promoteur veut convertir l’ancien couvent des sœurs Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie, niché sur le flanc nord du Mont Royal, en condos de luxe. Tous les ingrédients sont donc réunis pour une bataille épique entre les défenseurs du patrimoine et les groupes luttant contre l’intégrité du Mont Royal d’un côté, et «le méchant promoteur» de l’autre, avec ses alliés circonstanciels que sont l’Université de Montréal et l’administration montréalaise.
Ajoutons encore, pour faire bonne mesure, que le maire Tremblay est affaibli par les scandales de l’an dernier et que les deux groupes d’opposition à l’hôtel de ville de Montréal trouvent dans ce dossier un cheval de bataille en or. Pourtant, le projet a été adopté à la majorité du conseil municipal hier (malgré un cirque indigne dont les élus qui y ont participé devraient avoir honte) et tout indique une prochaine mise en chantier. Comment un projet aussi controversé a-t-il pu être approuvé dans une ville renommée pour son immobilisme et sa frilosité devant la moindre opposition organisée? Donnons la parole à Michèle Ouimet, journaliste à La Presse, dans l’édition du 24 mars, page A12 :
«Premièrement, le projet est bien ficelé… (suivent les détails décrivant les garanties mises en place pour assurer le respect des aspects patrimoniaux et culturels et l’accès à la montagne).
«Deuxièmement, contrairement à ce que les opposants prétendent, il n’y a eu aucune précipitation dans ce dossier. Au contraire, l’Office de consultation publique a passé le projet au peigne fin : 36 mémoires ont été déposés et 23 personnes ou organismes ont eu le temps d’exprimer leur point de vue en long et en large. Des experts se sont aussi penchés sur le projet de l’ont jugé acceptable : Héritage Montréal, les Amis de la montagne et les comités de ci et de ça : urbanisme, architecture, patrimoine, etc.»
Des relations publiques bien menées ont donc permis au débat public d’avoir lieu entre supporteurs et opposants, aux institutions de s’exprimer, aux élus d’assumer leur responsabilité dans un contexte éclairé, et au projet de se concrétiser. Les relations publiques n’ont pas eu pour but de supprimer les points de vue mais au contraire de leur permettre de s’exprimer de manière très articulée, dans le cadre d’un débat ouvert à tous. C’est à dessein que je confonds ici «les relations publiques» avec les mécanismes institutionnels de consultation publique car ceux-ci servent une finalité très nettement inspirée de celles-là.
Ce dossier est exemplaire de la manière dont il est possible d’en arriver à une décision éclairée, malgré des oppositions farouches, à travers un processus d’information et de consultation où tous trouvent à s’exprimer. Les relations publiques ouvrent la voie aux projets, même controversés. C’est la dissimulation et le mensonge qui nuisent aux projets, en soulevant la méfiance et la colère.
Ajoutons encore, pour faire bonne mesure, que le maire Tremblay est affaibli par les scandales de l’an dernier et que les deux groupes d’opposition à l’hôtel de ville de Montréal trouvent dans ce dossier un cheval de bataille en or. Pourtant, le projet a été adopté à la majorité du conseil municipal hier (malgré un cirque indigne dont les élus qui y ont participé devraient avoir honte) et tout indique une prochaine mise en chantier. Comment un projet aussi controversé a-t-il pu être approuvé dans une ville renommée pour son immobilisme et sa frilosité devant la moindre opposition organisée? Donnons la parole à Michèle Ouimet, journaliste à La Presse, dans l’édition du 24 mars, page A12 :
«Premièrement, le projet est bien ficelé… (suivent les détails décrivant les garanties mises en place pour assurer le respect des aspects patrimoniaux et culturels et l’accès à la montagne).
«Deuxièmement, contrairement à ce que les opposants prétendent, il n’y a eu aucune précipitation dans ce dossier. Au contraire, l’Office de consultation publique a passé le projet au peigne fin : 36 mémoires ont été déposés et 23 personnes ou organismes ont eu le temps d’exprimer leur point de vue en long et en large. Des experts se sont aussi penchés sur le projet de l’ont jugé acceptable : Héritage Montréal, les Amis de la montagne et les comités de ci et de ça : urbanisme, architecture, patrimoine, etc.»
Des relations publiques bien menées ont donc permis au débat public d’avoir lieu entre supporteurs et opposants, aux institutions de s’exprimer, aux élus d’assumer leur responsabilité dans un contexte éclairé, et au projet de se concrétiser. Les relations publiques n’ont pas eu pour but de supprimer les points de vue mais au contraire de leur permettre de s’exprimer de manière très articulée, dans le cadre d’un débat ouvert à tous. C’est à dessein que je confonds ici «les relations publiques» avec les mécanismes institutionnels de consultation publique car ceux-ci servent une finalité très nettement inspirée de celles-là.
Ce dossier est exemplaire de la manière dont il est possible d’en arriver à une décision éclairée, malgré des oppositions farouches, à travers un processus d’information et de consultation où tous trouvent à s’exprimer. Les relations publiques ouvrent la voie aux projets, même controversés. C’est la dissimulation et le mensonge qui nuisent aux projets, en soulevant la méfiance et la colère.
lundi 22 mars 2010
Devoir de lecture
Une fois n’est pas coutume, prenons congé des RP, même si les sujets ne manquent pas.
Si vous voulez comprendre comment et pourquoi l’alliance des financiers et des «ingénieurs» mène le monde à sa ruine économique, lisez sans faute «le Devoir de philo» dans l’édition de samedi 20 mars du Devoir, page C6. Citant abondamment l’œuvre de l’économiste Thortien Veblen, né en Norvège en 1857 et mort aux États-Unis en 1929, le professeur Pierre-André Julien de l’UQTR explique comment la propriété des entreprises est passée graduellement des «capitaines de l’industrie», ces grands industriels du début XXe siècle, aux financiers et aux ingénieurs.
Les premiers étaient devenus immensément riches en gérant à leur profit leurs entreprises. Leur richesse était directement tributaire de leurs bonnes décisions et de leur capacité à diriger efficacement leurs entreprises. Toutefois, les besoins croissants en capitaux des grandes entreprises ont conduit, à travers les mécanismes de la bourse, à un transfert de propriété de ces industriels vers les grands financiers, dont l’uniquement motivation est le profit à court terme et qui ne connaissent rien à la bonne marche des entreprises dont ils deviennent propriétaires. Pour faire rouler ces entreprises, les financiers embauchent des ingénieurs. Mais ceux-ci, forts de leur capacité à optimiser les opérations, ne saisissent pas toute la complexité humaine derrière le fonctionnement efficace d’une entreprise.
Les financiers ne sont préoccupés que du profit et les ingénieurs d’optimisation. Les entreprises deviennent plus efficaces à produire des profits que des marchandises. Le système s’engage dans une spirale de surenchère boursière, sur la foi de profits générés artificiellement sur le court terme sans vision de long terme. Il s’ensuit une surenchère des valeurs d’entreprise qui n’ont plus rien à voir avec la capacité réelle de production de ces mêmes entreprises. Inévitablement, le système craque lorsque crève la bulle spéculative et c’est la ruine du système. Veblen avait ainsi prévu la crise de 1929 et le professeur Julien affirme sans hésiter qu’il aurait prévu aussi les chocs économiques répétitifs que nous vivons depuis 10 ans.
Est-il possible de changer le système de l’intérieur? Veblen ne le pensait pas. À moins que les États et les grandes institutions internationales ne réussissent à développer des mécanismes réellement efficaces de lutte à la spéculation. Mais devant le dégonflement généralisé de la communauté internationale, qui parlait de «réforme du capitalisme» il y a un an à peine et qui ne semble pas pouvoir passer à l’action, même lorsqu’on apprend que les mêmes grandes institutions financières responsables de la crise financière spéculent maintenant sur la faillite des états souverains, il n’y a pas lieu d’être optimiste.
De Gomery à Gomery
Ci-devant juge célèbre pour avoir présidé la Commission d’enquête qui a mis au jour la magouille institutionnalisée par le Parti libéral du Canada, John Gomery vole maintenant au secours du conseil de presse du Québec.
Également dans le Devoir de samedi 20 mars, page E8, Jean Baillargeon fait le point sur les difficultés du Conseil de presse, et citer quelques études et professeurs qui dénoncent l’inefficacité de ces «tribunaux d’honneurs» un peu partout sur la planète.
Fondé en 1973, le CPQ est financé en parti par le gouvernement et en partie par les médias. Sans pouvoir réel, c’est un «tribunal d’honneur» qui exerce tout de même un certain ascendant moral sur les journalistes. Seulement voilà : depuis le début, certains médias le boudent. Plusieurs journaux et tous les radiodiffuseurs privés l’ont déserté. «Le CPQ manque de tout : d’argent, de crédibilité, de moyens de sanctions et même de légitimité» dénonce Marc-François (ou François-Marc, les deux prénoms sont cités dans le même article) Bernier, professeur au département de communication de l’Université d’Ottawa.
Selon le professeur Bernier, les tribunaux d’honneurs ne fonctionnent tout simplement pas. «Soyons clairs dit-il, tous les conseils de presse ont été créés pour protéger les médias. Aussitôt qu’un conseil prend trop à cœur l’intérêt du public à l’information, des médias s’en écartent.» Les citoyens peuvent évidemment recourir aux tribunaux, mais le professeur Bernier, souvent appelé comme expert, n’a jamais croisé un seul citoyen sorti gagnant d’une poursuite, même avec une décision favorable. «La justice coûte cher et les médias savent épuiser les plaignants. Il faut le dire, ce son les médias qui ont le gros bout du bâton.»
Alors, comment baliser efficacement l’exercice du journalisme? Il faudra voir ce qu’en pense l’ex-juge Gomery, et aussi la professeure Dominique Payette, elle-même ex-journaliste, responsable d’un groupe de travail sur l’avenir du journalisme qui doit faire rapport à la ministre Christine Saint-Pierre d’ici un an.
Nous sommes ici plus proche des relations publiques qu’on pourrait le croire. Le journalisme a quelques décennies d’avance sur notre profession. Les succès et les échecs dans la mise en place de mécanismes institutionnels destinés à en baliser l’exercice pourraient s’appliquer mutatis mutandis à notre propre profession.
Si vous voulez comprendre comment et pourquoi l’alliance des financiers et des «ingénieurs» mène le monde à sa ruine économique, lisez sans faute «le Devoir de philo» dans l’édition de samedi 20 mars du Devoir, page C6. Citant abondamment l’œuvre de l’économiste Thortien Veblen, né en Norvège en 1857 et mort aux États-Unis en 1929, le professeur Pierre-André Julien de l’UQTR explique comment la propriété des entreprises est passée graduellement des «capitaines de l’industrie», ces grands industriels du début XXe siècle, aux financiers et aux ingénieurs.
Les premiers étaient devenus immensément riches en gérant à leur profit leurs entreprises. Leur richesse était directement tributaire de leurs bonnes décisions et de leur capacité à diriger efficacement leurs entreprises. Toutefois, les besoins croissants en capitaux des grandes entreprises ont conduit, à travers les mécanismes de la bourse, à un transfert de propriété de ces industriels vers les grands financiers, dont l’uniquement motivation est le profit à court terme et qui ne connaissent rien à la bonne marche des entreprises dont ils deviennent propriétaires. Pour faire rouler ces entreprises, les financiers embauchent des ingénieurs. Mais ceux-ci, forts de leur capacité à optimiser les opérations, ne saisissent pas toute la complexité humaine derrière le fonctionnement efficace d’une entreprise.
Les financiers ne sont préoccupés que du profit et les ingénieurs d’optimisation. Les entreprises deviennent plus efficaces à produire des profits que des marchandises. Le système s’engage dans une spirale de surenchère boursière, sur la foi de profits générés artificiellement sur le court terme sans vision de long terme. Il s’ensuit une surenchère des valeurs d’entreprise qui n’ont plus rien à voir avec la capacité réelle de production de ces mêmes entreprises. Inévitablement, le système craque lorsque crève la bulle spéculative et c’est la ruine du système. Veblen avait ainsi prévu la crise de 1929 et le professeur Julien affirme sans hésiter qu’il aurait prévu aussi les chocs économiques répétitifs que nous vivons depuis 10 ans.
Est-il possible de changer le système de l’intérieur? Veblen ne le pensait pas. À moins que les États et les grandes institutions internationales ne réussissent à développer des mécanismes réellement efficaces de lutte à la spéculation. Mais devant le dégonflement généralisé de la communauté internationale, qui parlait de «réforme du capitalisme» il y a un an à peine et qui ne semble pas pouvoir passer à l’action, même lorsqu’on apprend que les mêmes grandes institutions financières responsables de la crise financière spéculent maintenant sur la faillite des états souverains, il n’y a pas lieu d’être optimiste.
De Gomery à Gomery
Ci-devant juge célèbre pour avoir présidé la Commission d’enquête qui a mis au jour la magouille institutionnalisée par le Parti libéral du Canada, John Gomery vole maintenant au secours du conseil de presse du Québec.
Également dans le Devoir de samedi 20 mars, page E8, Jean Baillargeon fait le point sur les difficultés du Conseil de presse, et citer quelques études et professeurs qui dénoncent l’inefficacité de ces «tribunaux d’honneurs» un peu partout sur la planète.
Fondé en 1973, le CPQ est financé en parti par le gouvernement et en partie par les médias. Sans pouvoir réel, c’est un «tribunal d’honneur» qui exerce tout de même un certain ascendant moral sur les journalistes. Seulement voilà : depuis le début, certains médias le boudent. Plusieurs journaux et tous les radiodiffuseurs privés l’ont déserté. «Le CPQ manque de tout : d’argent, de crédibilité, de moyens de sanctions et même de légitimité» dénonce Marc-François (ou François-Marc, les deux prénoms sont cités dans le même article) Bernier, professeur au département de communication de l’Université d’Ottawa.
Selon le professeur Bernier, les tribunaux d’honneurs ne fonctionnent tout simplement pas. «Soyons clairs dit-il, tous les conseils de presse ont été créés pour protéger les médias. Aussitôt qu’un conseil prend trop à cœur l’intérêt du public à l’information, des médias s’en écartent.» Les citoyens peuvent évidemment recourir aux tribunaux, mais le professeur Bernier, souvent appelé comme expert, n’a jamais croisé un seul citoyen sorti gagnant d’une poursuite, même avec une décision favorable. «La justice coûte cher et les médias savent épuiser les plaignants. Il faut le dire, ce son les médias qui ont le gros bout du bâton.»
Alors, comment baliser efficacement l’exercice du journalisme? Il faudra voir ce qu’en pense l’ex-juge Gomery, et aussi la professeure Dominique Payette, elle-même ex-journaliste, responsable d’un groupe de travail sur l’avenir du journalisme qui doit faire rapport à la ministre Christine Saint-Pierre d’ici un an.
Nous sommes ici plus proche des relations publiques qu’on pourrait le croire. Le journalisme a quelques décennies d’avance sur notre profession. Les succès et les échecs dans la mise en place de mécanismes institutionnels destinés à en baliser l’exercice pourraient s’appliquer mutatis mutandis à notre propre profession.
mercredi 17 mars 2010
Les relationnistes sont des relationnistes, pas des avocats
EXCEPTIONNELLEMENT, je co-signe ce texte avec notre confrère Matthieu Sauvé, ARP, FSCRP.
On a trop souvent entendu de nos confrères et consœurs bien intentionnés tenter d’expliquer la nature du travail des professionnels en relations publiques en le comparant à celui des avocats. Nous affirmons, respectueusement, que notre travail n’a rien à voir avec celui des avocats et que cette comparaison est de nature à brouiller les esprits plutôt qu’à les éclairer.
De fait, la logique des deux professions est très différente, ainsi que leurs assises dans la société.
Commençons par le rôle des avocats. Dans une société libre et démocratique où prévalent la règle de droit et l’égalité de tous devant la justice, l’avocat est un officier de la justice dont la fonction est de conseiller et d’agir au nom de toute personne désirant exercer ou protéger ses droits. Son univers de référence, en même temps que son domaine d’expertise, est celui des lois.
Les relationnistes agissent sur un autre plan, soit celui des relations entre les organisations et les parties prenantes. Leur responsabilité est de définir les enjeux des diverses parties prenantes et de conseiller l’organisation dans l’articulation de ses rapports avec celles-ci. Leur univers de référence, qui est aussi leur domaine d’expertise, est celui de la communication.
Pour illustrer concrètement la différence qui sépare ces deux perspectives dans l’action, considérons un exemple classique tiré d’un contexte où les deux professions doivent normalement travailler ensemble. Une entreprise X se trouve aux prises avec un déversement toxique occasionné par un accident industriel où un employé a été blessé sérieusement. L’avocat agit pour préserver les droits de l’entreprise et conseillera la prudence, de peur qu’une déclaration malheureuse ne puisse plus tard être interprétée comme un aveu. Le relationniste, pour sa part, fait valoir qu’il est aussi dans l’intérêt de l’entreprise de rassurer la population quant à la gestion des conséquences du déversement et l’état de santé de la victime. Il sait que si le silence diminue les risques juridiques, il augmente par contre les risques à la réputation; l’entreprise pourrait s’éviter une poursuite, mais elle pourrait en même temps perdre la confiance de la population et fort possiblement des parts de marché.
Qui a raison? L’avocat ou le relationniste? Les deux, bien sûr. Voilà pourquoi il est si important de les associer à parts égales dans la gestion de l’événement, en reconnaissant le caractère très différent mais complémentaire de leurs apports. Il en découlera, typiquement, une communication prudente, taillée sur mesure pour répondre aux préoccupations des parties prenantes tout en préservant les droits et les intérêts de l’entreprise.
Le contexte particulier du droit criminel
Évidemment, la gestion de crise fait de la bien meilleure télé que les relations publiques marketing ou les communications internes, de la même manière que le droit criminel fait de la bien meilleure télé que le droit administratif ou le droit de l’immigration. Voilà pourquoi, aux yeux de la vaste majorité de la population, les relationnistes ne font que de la gestion de crise et les avocats, que du droit criminel. Cela entraîne des conséquences très importantes sur les perceptions.
En droit criminel, toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que soit prouvée sa culpabilité. Cette règle est nécessaire pour nous protéger des accusations arbitraires et des procédures sommaires qui caractérisent les sociétés totalitaires. Peu importe ce dont elle est accusée, chaque personne a droit à une défense pleine et entière, dans le respect des valeurs démocratiques et des lois. Elle ne sera déclarée coupable qu’une fois écarté tout doute raisonnable. Dans ce contexte, le rôle de l’avocat est de défendre l’accusé en faisant valoir tous les arguments pouvant soutenir sa cause, en l’encourageant au besoin à utiliser son droit au silence et en exploitant au maximum toutes les possibilités offertes par la loi et par les règles de procédure pour prévenir sa condamnation. Cela est vrai aussi bien pour les personnes morales et les organisations légalement constituées que pour les individus. Personne ne s’étonne donc que des avocats défendent parfois ce qui, de prime abord, pourrait sembler indéfendable. La société civile comprend qu’il s’agit de leur travail et que ce travail est nécessaire.
Imaginons cependant, dans le contexte de la situation de déversement toxique évoquée précédemment, qu’un relationniste adopte une conduite semblable à celle de l’avocat. Il conseille à son client de ne rien dire, même pas de reconnaître qu’il y a eu déversement, ni de confirmer qu’un employé a été blessé, il cherche tous les échappatoires pour le disculper, il conseille au client de se cacher jusqu’à nouvel ordre. Bref, il fait très exactement le contraire de ce que l’on enseigne en première année de relations publiques! Avec le résultat que l’on connaît : la rumeur prend toute la place, alimentée par les témoins, les employés, les experts de tout acabit, les médias mécontents y font une large place et l’entreprise est clouée au pilori de l’opinion publique.
La comparaison avec l’avocat est donc non seulement trompeuse, elle est carrément nuisible à la cause des relations publiques. Nous avons tout à perdre et rien à gagner en comparant notre profession à une autre. Nous remplissons une mission sociale qui nous est propre. Cessons de nous comparer et attachons-nous plutôt à mieux décrire qui nous sommes et comment nous devons travailler en complémentarité avec les autres professionnels, au bénéfice de nos clients.
Voilà le point de vue que nous soumettons au tribunal de l’opinion… des relationnistes.
On a trop souvent entendu de nos confrères et consœurs bien intentionnés tenter d’expliquer la nature du travail des professionnels en relations publiques en le comparant à celui des avocats. Nous affirmons, respectueusement, que notre travail n’a rien à voir avec celui des avocats et que cette comparaison est de nature à brouiller les esprits plutôt qu’à les éclairer.
De fait, la logique des deux professions est très différente, ainsi que leurs assises dans la société.
Commençons par le rôle des avocats. Dans une société libre et démocratique où prévalent la règle de droit et l’égalité de tous devant la justice, l’avocat est un officier de la justice dont la fonction est de conseiller et d’agir au nom de toute personne désirant exercer ou protéger ses droits. Son univers de référence, en même temps que son domaine d’expertise, est celui des lois.
Les relationnistes agissent sur un autre plan, soit celui des relations entre les organisations et les parties prenantes. Leur responsabilité est de définir les enjeux des diverses parties prenantes et de conseiller l’organisation dans l’articulation de ses rapports avec celles-ci. Leur univers de référence, qui est aussi leur domaine d’expertise, est celui de la communication.
Pour illustrer concrètement la différence qui sépare ces deux perspectives dans l’action, considérons un exemple classique tiré d’un contexte où les deux professions doivent normalement travailler ensemble. Une entreprise X se trouve aux prises avec un déversement toxique occasionné par un accident industriel où un employé a été blessé sérieusement. L’avocat agit pour préserver les droits de l’entreprise et conseillera la prudence, de peur qu’une déclaration malheureuse ne puisse plus tard être interprétée comme un aveu. Le relationniste, pour sa part, fait valoir qu’il est aussi dans l’intérêt de l’entreprise de rassurer la population quant à la gestion des conséquences du déversement et l’état de santé de la victime. Il sait que si le silence diminue les risques juridiques, il augmente par contre les risques à la réputation; l’entreprise pourrait s’éviter une poursuite, mais elle pourrait en même temps perdre la confiance de la population et fort possiblement des parts de marché.
Qui a raison? L’avocat ou le relationniste? Les deux, bien sûr. Voilà pourquoi il est si important de les associer à parts égales dans la gestion de l’événement, en reconnaissant le caractère très différent mais complémentaire de leurs apports. Il en découlera, typiquement, une communication prudente, taillée sur mesure pour répondre aux préoccupations des parties prenantes tout en préservant les droits et les intérêts de l’entreprise.
Le contexte particulier du droit criminel
Évidemment, la gestion de crise fait de la bien meilleure télé que les relations publiques marketing ou les communications internes, de la même manière que le droit criminel fait de la bien meilleure télé que le droit administratif ou le droit de l’immigration. Voilà pourquoi, aux yeux de la vaste majorité de la population, les relationnistes ne font que de la gestion de crise et les avocats, que du droit criminel. Cela entraîne des conséquences très importantes sur les perceptions.
En droit criminel, toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que soit prouvée sa culpabilité. Cette règle est nécessaire pour nous protéger des accusations arbitraires et des procédures sommaires qui caractérisent les sociétés totalitaires. Peu importe ce dont elle est accusée, chaque personne a droit à une défense pleine et entière, dans le respect des valeurs démocratiques et des lois. Elle ne sera déclarée coupable qu’une fois écarté tout doute raisonnable. Dans ce contexte, le rôle de l’avocat est de défendre l’accusé en faisant valoir tous les arguments pouvant soutenir sa cause, en l’encourageant au besoin à utiliser son droit au silence et en exploitant au maximum toutes les possibilités offertes par la loi et par les règles de procédure pour prévenir sa condamnation. Cela est vrai aussi bien pour les personnes morales et les organisations légalement constituées que pour les individus. Personne ne s’étonne donc que des avocats défendent parfois ce qui, de prime abord, pourrait sembler indéfendable. La société civile comprend qu’il s’agit de leur travail et que ce travail est nécessaire.
Imaginons cependant, dans le contexte de la situation de déversement toxique évoquée précédemment, qu’un relationniste adopte une conduite semblable à celle de l’avocat. Il conseille à son client de ne rien dire, même pas de reconnaître qu’il y a eu déversement, ni de confirmer qu’un employé a été blessé, il cherche tous les échappatoires pour le disculper, il conseille au client de se cacher jusqu’à nouvel ordre. Bref, il fait très exactement le contraire de ce que l’on enseigne en première année de relations publiques! Avec le résultat que l’on connaît : la rumeur prend toute la place, alimentée par les témoins, les employés, les experts de tout acabit, les médias mécontents y font une large place et l’entreprise est clouée au pilori de l’opinion publique.
La comparaison avec l’avocat est donc non seulement trompeuse, elle est carrément nuisible à la cause des relations publiques. Nous avons tout à perdre et rien à gagner en comparant notre profession à une autre. Nous remplissons une mission sociale qui nous est propre. Cessons de nous comparer et attachons-nous plutôt à mieux décrire qui nous sommes et comment nous devons travailler en complémentarité avec les autres professionnels, au bénéfice de nos clients.
Voilà le point de vue que nous soumettons au tribunal de l’opinion… des relationnistes.
mercredi 10 mars 2010
Les relations publiques et le pipeline
«Après cinq ans de procédures, Ultramar obtient le dernier feu vert pour la construction d’un pipeline entre la raffinerie de Lévis et l’est de Montréal. Le tribunal administratif du Québec déboute le dernier groupe d’opposants au projet.» (extrait de Radio-Canada)
La représentante des 9 propriétaires agricoles qui contestent encore le tracé dans le secteur de Lévis affirme se sentir «un peu comme une république de bananes» (selon Radio-Canada toujours). Encore faudrait-il qu’elle nous instruise sur sa définition d’une république de bananes. Les procédures devant diverses instances administratives durent depuis cinq ans. Il y a eu des consultations publiques tout au long du tracé. Le projet qui devait coûter 200 millions de dollars en coûtera finalement environ 350 millions «Pourquoi? Parce qu’au cours des 5 dernières années, on a fait des concessions» explique Louis Forget, vice-président aux affaires publiques chez Ultramar.
Il est inévitable que de tels projets occasionnent des inconvénients. Dans un monde idéal, il serait possible d’éliminer complètement les impacts négatifs. Mais nous vivons dans le monde réel et le mieux que nous puissions faire est de minimiser le plus possible les impacts négatifs et de compenser adéquatement les personnes qui sont affectés par les impacts résiduels. Les mécanismes de consultation sont précisément là pour permettre un dialogue entre le promoteur du projet et les diverses parties prenantes. Ce processus permet d’apporter au projet des améliorations et d’en réduire l’impact. Il mène aussi parfois au rejet pur et simple de projets jugés non nécessaires, ou non désirables par une majorité de la population, ce qui n’est pas le cas du projet de pipeline.
Les projets sont toujours optimisés du point de vue économique par leurs promoteurs. L’utilisation judicieuse des relations publiques permet de les optimiser aussi du point de vue social (et souvent aussi du point de vue environnemental) avant la prise de décision. Le coût monétaire du projet de pipeline au augmenté de 200 à 350 millions $ mais sont coût social et environnemental a diminué. Au final, c’est un meilleur projet, ou un projet plus acceptable socialement, ce qui revient au même.
Il n’en demeure pas moins qu’un petit groupe de personnes sera affecté par les impacts que l’on ne peut éliminer. Ces personnes méritent le respect et l’on doit chercher à les compenser de manière juste et raisonnable, mais elles ne peuvent prétendre bloquer indéfiniment un projet ayant franchi toutes les étapes d’une consultation publique et satisfait à toutes les exigences des organismes administratifs concernés. Autrement, aucun projet ne serait jamais possible.
La représentante des 9 propriétaires agricoles qui contestent encore le tracé dans le secteur de Lévis affirme se sentir «un peu comme une république de bananes» (selon Radio-Canada toujours). Encore faudrait-il qu’elle nous instruise sur sa définition d’une république de bananes. Les procédures devant diverses instances administratives durent depuis cinq ans. Il y a eu des consultations publiques tout au long du tracé. Le projet qui devait coûter 200 millions de dollars en coûtera finalement environ 350 millions «Pourquoi? Parce qu’au cours des 5 dernières années, on a fait des concessions» explique Louis Forget, vice-président aux affaires publiques chez Ultramar.
Il est inévitable que de tels projets occasionnent des inconvénients. Dans un monde idéal, il serait possible d’éliminer complètement les impacts négatifs. Mais nous vivons dans le monde réel et le mieux que nous puissions faire est de minimiser le plus possible les impacts négatifs et de compenser adéquatement les personnes qui sont affectés par les impacts résiduels. Les mécanismes de consultation sont précisément là pour permettre un dialogue entre le promoteur du projet et les diverses parties prenantes. Ce processus permet d’apporter au projet des améliorations et d’en réduire l’impact. Il mène aussi parfois au rejet pur et simple de projets jugés non nécessaires, ou non désirables par une majorité de la population, ce qui n’est pas le cas du projet de pipeline.
Les projets sont toujours optimisés du point de vue économique par leurs promoteurs. L’utilisation judicieuse des relations publiques permet de les optimiser aussi du point de vue social (et souvent aussi du point de vue environnemental) avant la prise de décision. Le coût monétaire du projet de pipeline au augmenté de 200 à 350 millions $ mais sont coût social et environnemental a diminué. Au final, c’est un meilleur projet, ou un projet plus acceptable socialement, ce qui revient au même.
Il n’en demeure pas moins qu’un petit groupe de personnes sera affecté par les impacts que l’on ne peut éliminer. Ces personnes méritent le respect et l’on doit chercher à les compenser de manière juste et raisonnable, mais elles ne peuvent prétendre bloquer indéfiniment un projet ayant franchi toutes les étapes d’une consultation publique et satisfait à toutes les exigences des organismes administratifs concernés. Autrement, aucun projet ne serait jamais possible.
Les relations publiques et l'entente Québec - Nouveau-Brunswick sur l'énergie
En février 2009, le gouvernement du Premier ministre Shawn Graham au Nouveau-Brunswick plane au sommet de sa popularité avec 69 % d’appui dans les sondages. Le taux d’insatisfaction est à son plus bas, à 29 %. Cette semaine, un sondage indique que le taux d’insatisfaction a grimpé à 55 %. La réélection du gouvernement l’automne prochain semble compromise. Que s’est-il passé?
Il s’est passé que le gouvernement a négocié en secret une entente avec le Québec relativement à la vente d’Énergie Nouveau-Brunswick à Hydro-Québec. L’annonce de l’entente est une surprise totale pour la population. La réaction est immédiate et viscérale : la population est contre. Forcé de retraiter, le gouvernement négocie des modifications avec le Québec, qui sont annoncées il y a quelques mois : Énergie Nouveau-Brunswick demeurera propriété du Nouveau-Brunswick mais vendra ses actifs de production à Hydro-Québec. Rien n’y fait. Le sondage de cette semaine indique que la population est contre cette nouvelle entente dans une proportion de 76 %.
Il est remarquable de constater à quel point le contenu de l’entente est peu connu. «Les gens ont été pris de court» explique une journaliste. Ils sont contre sans toujours savoir pourquoi. Ils sont contre car on a essayé de leur imposer l’entente sans avoir pris le temps de leur en expliquer le besoin. La négociation a été entourée d’un tel secret que même les élus du parti au pouvoir au parlement de Moncton n’étaient pas dans le coup et que certains ont eu de la difficulté à s’y rallier publiquement. Aujourd’hui, les attitudes se sont figées. Il est beaucoup plus difficile de vendre l’entente à une population qui n’a pas apprécié être tenue dans l’ignorance et qui est devenue méfiante. Si le Premier ministre parvient à imposer l’entente, ce qui ne semble pas acquis, il paiera un prix politique élevé. Aurait-il pu en être autrement?
Le 12 février 1962, le ministre des ressources naturelles du Québec René Lévesque lance un vibrant plaidoyer en faveur de la nationalisation des 10 compagnies privées d’électricité du Québec et de leur unification dans un seul réseau. C’est un véritable coup de tonnerre, une opération qui suscitera une opposition acharnée des milieux des affaires et de la finance et des débats politiques passionnés. L’annonce de René Lévesque n’était pas improvisée. Il étudiait la situation en secret depuis 18 mois. Mais c’est très publiquement qu’il lança le combat et qu’il mena le débat sur toutes les tribunes. Le gouvernement va en élection sur le thème de la nationalisation et gagne son pari. Le 28 décembre 1962, le conseil des ministres adopte les arrêtés en conseil autorisant Hydro-Québec à acheter les compagnies. Une magistrale opération de relations publiques s’il y en eu jamais une, réalisée en 11 mois!
L’entente Québec – Nouveau-Brunswick aurait-elle été mieux acceptée si on en avait fait l’objet d’un débat public avant de l’adopter? Il est toujours hasardeux de réécrire l’histoire mais la situation pourrait difficilement être pire que ce qu’elle est actuellement. Un vieux proverbe dit que «le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui». La même chose est vrai des populations. Les débats publics sont souvent difficiles et leur issue est incertaine. Mais le secret ne fait qu’amplifier, en les reportant dans le temps, les difficultés que l’on n’aura pas voulu affronter.
Il s’est passé que le gouvernement a négocié en secret une entente avec le Québec relativement à la vente d’Énergie Nouveau-Brunswick à Hydro-Québec. L’annonce de l’entente est une surprise totale pour la population. La réaction est immédiate et viscérale : la population est contre. Forcé de retraiter, le gouvernement négocie des modifications avec le Québec, qui sont annoncées il y a quelques mois : Énergie Nouveau-Brunswick demeurera propriété du Nouveau-Brunswick mais vendra ses actifs de production à Hydro-Québec. Rien n’y fait. Le sondage de cette semaine indique que la population est contre cette nouvelle entente dans une proportion de 76 %.
Il est remarquable de constater à quel point le contenu de l’entente est peu connu. «Les gens ont été pris de court» explique une journaliste. Ils sont contre sans toujours savoir pourquoi. Ils sont contre car on a essayé de leur imposer l’entente sans avoir pris le temps de leur en expliquer le besoin. La négociation a été entourée d’un tel secret que même les élus du parti au pouvoir au parlement de Moncton n’étaient pas dans le coup et que certains ont eu de la difficulté à s’y rallier publiquement. Aujourd’hui, les attitudes se sont figées. Il est beaucoup plus difficile de vendre l’entente à une population qui n’a pas apprécié être tenue dans l’ignorance et qui est devenue méfiante. Si le Premier ministre parvient à imposer l’entente, ce qui ne semble pas acquis, il paiera un prix politique élevé. Aurait-il pu en être autrement?
Le 12 février 1962, le ministre des ressources naturelles du Québec René Lévesque lance un vibrant plaidoyer en faveur de la nationalisation des 10 compagnies privées d’électricité du Québec et de leur unification dans un seul réseau. C’est un véritable coup de tonnerre, une opération qui suscitera une opposition acharnée des milieux des affaires et de la finance et des débats politiques passionnés. L’annonce de René Lévesque n’était pas improvisée. Il étudiait la situation en secret depuis 18 mois. Mais c’est très publiquement qu’il lança le combat et qu’il mena le débat sur toutes les tribunes. Le gouvernement va en élection sur le thème de la nationalisation et gagne son pari. Le 28 décembre 1962, le conseil des ministres adopte les arrêtés en conseil autorisant Hydro-Québec à acheter les compagnies. Une magistrale opération de relations publiques s’il y en eu jamais une, réalisée en 11 mois!
L’entente Québec – Nouveau-Brunswick aurait-elle été mieux acceptée si on en avait fait l’objet d’un débat public avant de l’adopter? Il est toujours hasardeux de réécrire l’histoire mais la situation pourrait difficilement être pire que ce qu’elle est actuellement. Un vieux proverbe dit que «le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui». La même chose est vrai des populations. Les débats publics sont souvent difficiles et leur issue est incertaine. Mais le secret ne fait qu’amplifier, en les reportant dans le temps, les difficultés que l’on n’aura pas voulu affronter.
dimanche 7 mars 2010
Communication du risque : La modération a meilleur goût!
EN RÉSUMÉ : Dans la communication du risque, comme dans toutes les formes de relations publiques, il est toujours préférable de communiquer une information nuancée et reflétant le plus exactement possible la réalité que de chercher à se créer un avantage en insistant uniquement sur les faits favorables à notre thèse. Car tôt ou tard, ces faits que nous aurions négligé ou, pire encore, cherché à supprimer, referont surface et entraîneront un dommage durable à notre cause. Les relationnistes jouent un rôle déterminant en aidant les organisations à communiquer un portrait exact de la situation et en maintenant leur ouverture au dialogue, même lorsqu’elles traversent une crise.
Dans la Presse de ce samedi (6 mars, page 7 du cahier PLUS), Pierre Simard, professeur à l’ENAP, traite de «l’industrie de la peur», c’est-à-dire de ces stratégies gouvernementales qui cherchent à modifier le comportement des personnes en leur faisant peur. Ces stratégies, explique-t-il, fonctionnent de moins en moins car les citoyens deviennent sceptiques devant les scénarios catastrophe qui leur sont proposés par les pouvoirs publics.
Sont cités en exemple le bogue de l’an 2000, la grippe aviaire, la grippe porcine, le réchauffement climatique et la grippe A(H1N1). Dans chacun de ces cas, les médias ont fait état de scénarios catastrophes qui ne se sont pas avérés. Or, observe Pierre Simard, «si les médias sont particulièrement efficaces pour véhiculer des cataclysmes, ils sont généralement incompétents en matière scientifique. Ils ont trop souvent servi de relais aux scénarios catastrophes échafaudés par les alarmistes. Abusé, le citoyen est maintenant sceptique à l’endroit des politiciens et des groupes d’experts présentant des scénarios catastrophe qui défient le sens commun.»
Un article publié dans The gazette du 7 mars (page A 12) fait écho à ce propos. On y explique comment le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) doit maintenant lutter pour maintenir sa crédibilité depuis que des fuites embarrassantes font état de nuances importantes, passées inaperçues jusqu’ici, qui doivent être apportées à leurs prédictions alarmistes. Les dommages sont réels. Le même article nous apprend que la proportion de citoyens américains qui croient que les changements climatiques relèvent de la conspiration scientifique ou de la fraude a augmenté de 7 % à 16 % depuis 2008.
Considérons aussi le dossier A(H1N1). Il est maintenant clair que les craintes véhiculées par les autorités de la santé publiques – OMS en tête – étaient exagérées. Il n’en sera que plus difficile de mobiliser la population la prochaine fois.
Mon propos n’est pas de jeter la pierre à ces organismes. Dans le cas du GIEC, la communauté scientifique était consciente qu’elle devait porter un grand coup afin de surmonter définitivement le discours trompeur de certains enviro-sceptiques qui utilisent les principes scientifiques contre la science elle-même. Le message devait être clair et, pour une fois, ne pas donner prise à la nuance (ce qui n’excuse tout de même pas la dissimulation que certains semblent avoir pratiqué). Dans le cas de la grippe A(H1N1), les circonstances de l’éclosion, sa foudroyante propagation, certaines similitudes troublantes avec les premières étapes de la grippe espagnole de 1918 et la mémoire encore fraîche du SRAS justifiaient l’alarmisme initial. Un adage anglais veut que «better be safe than sorry»; on n’a voulu courir aucun risque, une approche justifiable dans le contexte mais qui produit aujourd’hui des conséquences négatives sur la crédibilité des scientifiques de la santé publique.
Voyons pourquoi il est si difficile de véhiculer un portrait nuancé. Il faut considérer trois facteurs :
La capacité limitée de compréhension de la population. Il est dangereux d’aborder ce terrain sans se faire taxer d’élitisme. Il faut pourtant constater ce fait. La vaste majorité de la population ne possède pas les connaissances scientifiques – ni la culture scientifique qui permet d’interpréter correctement certains concepts tels les marges d’erreur – sans laquelle nous sommes réduits à décider sur la base de nos impressions et de nos préjugés. Et même sur des sujets aussi importants, qui aura le temps de prendre les heures requises pour faire le tour de la question?
Devant cette réalité, notre capacité à résumer les connaissances essentielles et à formuler des messages efficaces devient déterminante. Cette responsabilité est très exigeante. Le relationniste doit d’abord s’assurer de bien comprendre lui-même le sujet dans toute sa complexité et ensuite travailler à en extraire les éléments les plus pertinents.
Enfin, le caractère nécessairement réducteur des médias d’information vient resserrer encore davantage le goulet de notre entonnoir. Les médias ont peu d’espace et peu de journalistes pour couvrir un vaste éventail de sujets. Les journalistes sont eux-mêmes la plupart du temps en situation d’apprentissage face aux situations sur lesquelles ils écrivent. De plus, comme je l’ai expliqué dans un billet précédent (4 février 2010), la simple addition des étapes dans la communication entraîne une réduction et une distorsion des messages.
Comment contrer ces inévitables difficultés? J’offre ici trois pistes de solution.
En premier lieu, les relationnistes doivent eux-mêmes chercher à devenir toujours plus compétents sur les sujets traités. Normalement, le relationniste responsable d’un dossier devrait l’avoir étudié en profondeur avant d’initier quelque communication que ce soit, il devrait établir une excellente relation de communication d’abord et avant tout avec les principaux acteurs au dossier (scientifiques ou autres) et toujours se maintenir à la fine pointe des développements. Le relationniste devrait normalement toujours en savoir beaucoup plus que les journalistes couvrant le sujet – du moins durant les premières phases du déroulement du dossier.
Ensuite, les relationnistes doivent toujours chercher à tracer le portrait le plus proche possible des faits connus. Il est souvent tentant de ne pas mentionner les faits contraires à notre thèse mais, comme l’illustre la controverse qui secoue actuellement le GIEC, la dissimulation ne paye jamais sur le long terme. Quitte à produire un impact initial moins fort ou à devoir travailler plus longtemps pour communiquer un portrait plus nuancé, il est toujours préférable de rechercher l’exactitude.
Enfin, les relationnistes doivent toujours maintenir le dialogue, ce qui s’avère souvent difficile lors de dérapages. Les organisations aux prises avec la controverse développent rapidement une mentalité d’assiégé. Elles ont tendance à se replier sur elles-mêmes alors qu’il est important de faire preuve d’ouverture constante.
Ces remarques sont très sommaires. Il y a beaucoup à dire sur le sujet et nul doute que plusieurs autres aspects importants méritent d’être traités. La parole est à vous!
Dans la Presse de ce samedi (6 mars, page 7 du cahier PLUS), Pierre Simard, professeur à l’ENAP, traite de «l’industrie de la peur», c’est-à-dire de ces stratégies gouvernementales qui cherchent à modifier le comportement des personnes en leur faisant peur. Ces stratégies, explique-t-il, fonctionnent de moins en moins car les citoyens deviennent sceptiques devant les scénarios catastrophe qui leur sont proposés par les pouvoirs publics.
Sont cités en exemple le bogue de l’an 2000, la grippe aviaire, la grippe porcine, le réchauffement climatique et la grippe A(H1N1). Dans chacun de ces cas, les médias ont fait état de scénarios catastrophes qui ne se sont pas avérés. Or, observe Pierre Simard, «si les médias sont particulièrement efficaces pour véhiculer des cataclysmes, ils sont généralement incompétents en matière scientifique. Ils ont trop souvent servi de relais aux scénarios catastrophes échafaudés par les alarmistes. Abusé, le citoyen est maintenant sceptique à l’endroit des politiciens et des groupes d’experts présentant des scénarios catastrophe qui défient le sens commun.»
Un article publié dans The gazette du 7 mars (page A 12) fait écho à ce propos. On y explique comment le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) doit maintenant lutter pour maintenir sa crédibilité depuis que des fuites embarrassantes font état de nuances importantes, passées inaperçues jusqu’ici, qui doivent être apportées à leurs prédictions alarmistes. Les dommages sont réels. Le même article nous apprend que la proportion de citoyens américains qui croient que les changements climatiques relèvent de la conspiration scientifique ou de la fraude a augmenté de 7 % à 16 % depuis 2008.
Considérons aussi le dossier A(H1N1). Il est maintenant clair que les craintes véhiculées par les autorités de la santé publiques – OMS en tête – étaient exagérées. Il n’en sera que plus difficile de mobiliser la population la prochaine fois.
Mon propos n’est pas de jeter la pierre à ces organismes. Dans le cas du GIEC, la communauté scientifique était consciente qu’elle devait porter un grand coup afin de surmonter définitivement le discours trompeur de certains enviro-sceptiques qui utilisent les principes scientifiques contre la science elle-même. Le message devait être clair et, pour une fois, ne pas donner prise à la nuance (ce qui n’excuse tout de même pas la dissimulation que certains semblent avoir pratiqué). Dans le cas de la grippe A(H1N1), les circonstances de l’éclosion, sa foudroyante propagation, certaines similitudes troublantes avec les premières étapes de la grippe espagnole de 1918 et la mémoire encore fraîche du SRAS justifiaient l’alarmisme initial. Un adage anglais veut que «better be safe than sorry»; on n’a voulu courir aucun risque, une approche justifiable dans le contexte mais qui produit aujourd’hui des conséquences négatives sur la crédibilité des scientifiques de la santé publique.
Voyons pourquoi il est si difficile de véhiculer un portrait nuancé. Il faut considérer trois facteurs :
La capacité limitée de compréhension de la population. Il est dangereux d’aborder ce terrain sans se faire taxer d’élitisme. Il faut pourtant constater ce fait. La vaste majorité de la population ne possède pas les connaissances scientifiques – ni la culture scientifique qui permet d’interpréter correctement certains concepts tels les marges d’erreur – sans laquelle nous sommes réduits à décider sur la base de nos impressions et de nos préjugés. Et même sur des sujets aussi importants, qui aura le temps de prendre les heures requises pour faire le tour de la question?
Devant cette réalité, notre capacité à résumer les connaissances essentielles et à formuler des messages efficaces devient déterminante. Cette responsabilité est très exigeante. Le relationniste doit d’abord s’assurer de bien comprendre lui-même le sujet dans toute sa complexité et ensuite travailler à en extraire les éléments les plus pertinents.
Enfin, le caractère nécessairement réducteur des médias d’information vient resserrer encore davantage le goulet de notre entonnoir. Les médias ont peu d’espace et peu de journalistes pour couvrir un vaste éventail de sujets. Les journalistes sont eux-mêmes la plupart du temps en situation d’apprentissage face aux situations sur lesquelles ils écrivent. De plus, comme je l’ai expliqué dans un billet précédent (4 février 2010), la simple addition des étapes dans la communication entraîne une réduction et une distorsion des messages.
Comment contrer ces inévitables difficultés? J’offre ici trois pistes de solution.
En premier lieu, les relationnistes doivent eux-mêmes chercher à devenir toujours plus compétents sur les sujets traités. Normalement, le relationniste responsable d’un dossier devrait l’avoir étudié en profondeur avant d’initier quelque communication que ce soit, il devrait établir une excellente relation de communication d’abord et avant tout avec les principaux acteurs au dossier (scientifiques ou autres) et toujours se maintenir à la fine pointe des développements. Le relationniste devrait normalement toujours en savoir beaucoup plus que les journalistes couvrant le sujet – du moins durant les premières phases du déroulement du dossier.
Ensuite, les relationnistes doivent toujours chercher à tracer le portrait le plus proche possible des faits connus. Il est souvent tentant de ne pas mentionner les faits contraires à notre thèse mais, comme l’illustre la controverse qui secoue actuellement le GIEC, la dissimulation ne paye jamais sur le long terme. Quitte à produire un impact initial moins fort ou à devoir travailler plus longtemps pour communiquer un portrait plus nuancé, il est toujours préférable de rechercher l’exactitude.
Enfin, les relationnistes doivent toujours maintenir le dialogue, ce qui s’avère souvent difficile lors de dérapages. Les organisations aux prises avec la controverse développent rapidement une mentalité d’assiégé. Elles ont tendance à se replier sur elles-mêmes alors qu’il est important de faire preuve d’ouverture constante.
Ces remarques sont très sommaires. Il y a beaucoup à dire sur le sujet et nul doute que plusieurs autres aspects importants méritent d’être traités. La parole est à vous!
vendredi 5 mars 2010
Les relations publiques au secours de l'armée américaine!
D’accord le titre est légèrement sensationnaliste (faut bien se vendre un peu, que diable!) mais peut-être pas tant que cela. Dans une allocution remarquée livrée à Ottawa le 4 mars dernier, le général américain David Petraeus, à la tête du US Central Command, soit le commandement central de l’armée américaine responsable des opérations en Irak et en Aghanistan, livrait les secrets de la stratégie américaine de contre-insurrection dans ces deux pays. Surprise! Aux gros bras (et aux gros canons) succèdent l’ouverture au dialogue pour gagner la confiance des populations.
La stratégie américaine du «surge» (que l’on peut traduire par une amplification puissante et soudaine) a permis de réduire la violence en Irak de 90 % depuis 2007. L’on a surtout retenu de cette stratégie qu’elle se traduisait par une augmentation importante du nombre de soldats américains en Irak et, plus récemment, en Afghanistan, où elle est maintenant appliquée.
Ce que l’on sait moins, c’est l’utilisation qui a été faite de ces troupes. De fait, la nouvelle stratégie mise en place par le général Petraeus ne repose pas sur une intensification de la répression mais sur une ouverture plus grande aux populations locales.
«Le cœur de la stratégie, c’était de gagner la confiance des citoyens explique-t-il (cité dans Le Devoir du 5 mars, page A6). Pour cela, il fallait comprendre leur culture, leur mode de vie et partager leur quotidien. Il fallait être aussi motivé à apprendre d’eux que nous l’étions à les aider. Ensuite, on a bâti sur cette confiance mutuelle pour faire des gains, secteur par secteur. C’est ce qu’on va faire en Afghanistan.»
Le général avait besoin de troupes additionnelles pour pouvoir les répartir partout sur le territoire. Par groupes de 30, les soldats américains s’installent dans les petits villages, accompagnés d’une vingtaine de soldats de l’armée afghane. Les soldats peuvent ainsi gagner la confiance des populations locales, ils sont mieux renseignés sur la réalité du terrain, donc plus efficaces. Ils peuvent même repérer les insurgés modérés avec qui la réconciliation est possible.
Évidemment les bons sentiments ne suffisent pas. Cette stratégie comporte deux autres volets, soit l’amélioration des forces de sécurité locales afin de leur permettre de contrôler elles-mêmes le pays, et la fourniture de services à la population. L’approche que l’on peut qualifier de relations publiques (espérons que les médias la reprendront cette fois-ci) n’a certes pas fait de miracles mais elle s’est avérée nettement plus efficace que la répression armée pour mettre en place les conditions d’un cheminement vers la paix.
La stratégie américaine du «surge» (que l’on peut traduire par une amplification puissante et soudaine) a permis de réduire la violence en Irak de 90 % depuis 2007. L’on a surtout retenu de cette stratégie qu’elle se traduisait par une augmentation importante du nombre de soldats américains en Irak et, plus récemment, en Afghanistan, où elle est maintenant appliquée.
Ce que l’on sait moins, c’est l’utilisation qui a été faite de ces troupes. De fait, la nouvelle stratégie mise en place par le général Petraeus ne repose pas sur une intensification de la répression mais sur une ouverture plus grande aux populations locales.
«Le cœur de la stratégie, c’était de gagner la confiance des citoyens explique-t-il (cité dans Le Devoir du 5 mars, page A6). Pour cela, il fallait comprendre leur culture, leur mode de vie et partager leur quotidien. Il fallait être aussi motivé à apprendre d’eux que nous l’étions à les aider. Ensuite, on a bâti sur cette confiance mutuelle pour faire des gains, secteur par secteur. C’est ce qu’on va faire en Afghanistan.»
Le général avait besoin de troupes additionnelles pour pouvoir les répartir partout sur le territoire. Par groupes de 30, les soldats américains s’installent dans les petits villages, accompagnés d’une vingtaine de soldats de l’armée afghane. Les soldats peuvent ainsi gagner la confiance des populations locales, ils sont mieux renseignés sur la réalité du terrain, donc plus efficaces. Ils peuvent même repérer les insurgés modérés avec qui la réconciliation est possible.
Évidemment les bons sentiments ne suffisent pas. Cette stratégie comporte deux autres volets, soit l’amélioration des forces de sécurité locales afin de leur permettre de contrôler elles-mêmes le pays, et la fourniture de services à la population. L’approche que l’on peut qualifier de relations publiques (espérons que les médias la reprendront cette fois-ci) n’a certes pas fait de miracles mais elle s’est avérée nettement plus efficace que la répression armée pour mettre en place les conditions d’un cheminement vers la paix.
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