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mercredi 10 mars 2010

Les relations publiques et l'entente Québec - Nouveau-Brunswick sur l'énergie

En février 2009, le gouvernement du Premier ministre Shawn Graham au Nouveau-Brunswick plane au sommet de sa popularité avec 69 % d’appui dans les sondages. Le taux d’insatisfaction est à son plus bas, à 29 %. Cette semaine, un sondage indique que le taux d’insatisfaction a grimpé à 55 %. La réélection du gouvernement l’automne prochain semble compromise. Que s’est-il passé?


Il s’est passé que le gouvernement a négocié en secret une entente avec le Québec relativement à la vente d’Énergie Nouveau-Brunswick à Hydro-Québec. L’annonce de l’entente est une surprise totale pour la population. La réaction est immédiate et viscérale : la population est contre. Forcé de retraiter, le gouvernement négocie des modifications avec le Québec, qui sont annoncées il y a quelques mois : Énergie Nouveau-Brunswick demeurera propriété du Nouveau-Brunswick mais vendra ses actifs de production à Hydro-Québec. Rien n’y fait. Le sondage de cette semaine indique que la population est contre cette nouvelle entente dans une proportion de 76 %.

Il est remarquable de constater à quel point le contenu de l’entente est peu connu. «Les gens ont été pris de court» explique une journaliste. Ils sont contre sans toujours savoir pourquoi. Ils sont contre car on a essayé de leur imposer l’entente sans avoir pris le temps de leur en expliquer le besoin. La négociation a été entourée d’un tel secret que même les élus du parti au pouvoir au parlement de Moncton n’étaient pas dans le coup et que certains ont eu de la difficulté à s’y rallier publiquement. Aujourd’hui, les attitudes se sont figées. Il est beaucoup plus difficile de vendre l’entente à une population qui n’a pas apprécié être tenue dans l’ignorance et qui est devenue méfiante. Si le Premier ministre parvient à imposer l’entente, ce qui ne semble pas acquis, il paiera un prix politique élevé. Aurait-il pu en être autrement?

Le 12 février 1962, le ministre des ressources naturelles du Québec René Lévesque lance un vibrant plaidoyer en faveur de la nationalisation des 10 compagnies privées d’électricité du Québec et de leur unification dans un seul réseau. C’est un véritable coup de tonnerre, une opération qui suscitera une opposition acharnée des milieux des affaires et de la finance et des débats politiques passionnés. L’annonce de René Lévesque n’était pas improvisée. Il étudiait la situation en secret depuis 18 mois. Mais c’est très publiquement qu’il lança le combat et qu’il mena le débat sur toutes les tribunes. Le gouvernement va en élection sur le thème de la nationalisation et gagne son pari. Le 28 décembre 1962, le conseil des ministres adopte les arrêtés en conseil autorisant Hydro-Québec à acheter les compagnies. Une magistrale opération de relations publiques s’il y en eu jamais une, réalisée en 11 mois!

L’entente Québec – Nouveau-Brunswick aurait-elle été mieux acceptée si on en avait fait l’objet d’un débat public avant de l’adopter? Il est toujours hasardeux de réécrire l’histoire mais la situation pourrait difficilement être pire que ce qu’elle est actuellement. Un vieux proverbe dit que «le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui». La même chose est vrai des populations. Les débats publics sont souvent difficiles et leur issue est incertaine. Mais le secret ne fait qu’amplifier, en les reportant dans le temps, les difficultés que l’on n’aura pas voulu affronter.

1 commentaire:

  1. Il est ironique de constater qu'en cette époque où les professionnels du marketing parlent de "pro-sumers", les relationnistes des deux gouvernements et des deux organisations ont pensé qu'ils leur suffisaient de "vendre" l'entente au lieu de faire participer la population.

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