Rechercher dans ce blog

mardi 1 juin 2010

Les RP et le pétrole: la confiance avant le contenu!

J’apprécie toujours l’expertise de François Brousseau en affaires internationales et je le lis avec plaisir dans Le Devoir. Il livrait dans l’édition d’hier (lundi 31 mai 2010, page B1) une analyse des retombées sur l’administration Obama et sur la pétrolière BP du désastre environnemental en cours dans le Golfe du Mexique. Malheureusement, il commet un glissement de sens très fréquent chez les journalistes que je me dois de corriger.


Brousseau qualifie les événements en cours dans le Golfe de « désastre de relations publiques», ce qui est faux. Les relations publiques n’ont en aucune manière causé ces événements malheureux. Nous sommes bel et bien en présence d’un désastre environnemental, dont les conséquences seront désastreuses pour les relations publiques de BP.

Les relations publiques ne sont pas à l’origine du désastre. Elles contribuent cependant, non pas à le régler, mais au minimum à dégager une marge de manœuvre minimale face à l’opinion publique permettant à BP de déployer ses moyens d’action. On les a vues à l’œuvre dans la présence médiatique très efficace du patron de BP qui a sans relâche expliqué les efforts de la pétrolière pour limiter la catastrophe et en compenser les effets. Tout le monde a compris que BP ne restait pas les bras croisé et qu’elle déployait tous les moyens à sa disposition. Nous sommes fâchés avec eux, mais au moins ils agissent.

Mais les relations publiques ne font pas de miracles et elles ne bouchent pas non plus les fuites de pétroles au fond des océans. Elles ont fait ce qu’elles avaient à faire et la limite de leur utilité est atteinte. Malheureusement pour BP, le temps qu’elles ont permis de gagner n’a pas suffi pour régler le problème. La pétrolière a maintenant épuisé sa crédibilité et l’opinion publique réclame sa mise en tutelle par le gouvernement américain.

L’administration Obama, et le Président lui-même, ont eux aussi besoin des relations publiques pour gagner du temps, sachant fort bien l’ampleur de la catastrophe et leur propre impuissance à s’attaquer plus efficacement que BP à la fuite sous-marine. Comme ils ne peuvent agir efficacement sur le problème lui-même dans l’immédiat, il leur reste le terrain de la compassion et de la solidarité humaine : « Nous ne vous abandonnerons pas, nous ne prendrons aucun repos, nous arrêterons cette catastrophe et nous réparerons les dégâts » affirme le Président Obama.

Je regardais l’édition spéciale de « Anderson Cooper 360 »(CNN) provenant en direct de la Louisiane hier soir. Il est intéressant de noter que les principales critiques adressées à la fois à BP et au président Obama portaient non pas sur les aspects techniques – tout le monde comprend fort bien que la fuite va se poursuivre pendant encore plusieurs semaines, sinon plusieurs mois – mais sur l’insuffisance de leur compassion.

Les analystes politiques rejoignaient ici l’expression de la frustration ressentie par les victimes : le président Obama aurait dû prolonger son séjour sur place, rencontrer des victimes, partager un repas, être filmé dans un moment où il réconforte pour de vrai de véritables victimes plutôt que de prodiguer devant les seules caméras de télévision ses paroles rassurantes.

Futilités ? Non. Nous touchons ici au cœur de l’efficacité et de l’utilité des relations publiques, dont la finalité est de créer des liens de confiance, de respect et, ici, de compassion, entre des personnes, bien davantage que d’échanger de l’information technique. Les américains veulent d’abord et avant tout être convaincus que leur président se préoccupe véritablement de leur sort. Tant et aussi longtemps qu’il n’aura pas démontré un degré suffisant d’empathie, l’information à caractère technique (les programmes d’aide, les moyens déployés par le gouvernement, etc.) ne suffira pas à rétablir la confiance et sa marge de manœuvre auprès de l’opinion publique rétrécira rapidement. L’établissement et le maintien d’un lien de confiance doit toujours précéder les échanges d’information technique. C’est une condition essentielle de succès.