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mercredi 17 mars 2010

Les relationnistes sont des relationnistes, pas des avocats

EXCEPTIONNELLEMENT, je co-signe ce texte avec notre confrère Matthieu Sauvé, ARP, FSCRP.

On a trop souvent entendu de nos confrères et consœurs bien intentionnés tenter d’expliquer la nature du travail des professionnels en relations publiques en le comparant à celui des avocats. Nous affirmons, respectueusement, que notre travail n’a rien à voir avec celui des avocats et que cette comparaison est de nature à brouiller les esprits plutôt qu’à les éclairer.



De fait, la logique des deux professions est très différente, ainsi que leurs assises dans la société.

Commençons par le rôle des avocats. Dans une société libre et démocratique où prévalent la règle de droit et l’égalité de tous devant la justice, l’avocat est un officier de la justice dont la fonction est de conseiller et d’agir au nom de toute personne désirant exercer ou protéger ses droits. Son univers de référence, en même temps que son domaine d’expertise, est celui des lois.

Les relationnistes agissent sur un autre plan, soit celui des relations entre les organisations et les parties prenantes. Leur responsabilité est de définir les enjeux des diverses parties prenantes et de conseiller l’organisation dans l’articulation de ses rapports avec celles-ci. Leur univers de référence, qui est aussi leur domaine d’expertise, est celui de la communication.

Pour illustrer concrètement la différence qui sépare ces deux perspectives dans l’action, considérons un exemple classique tiré d’un contexte où les deux professions doivent normalement travailler ensemble. Une entreprise X se trouve aux prises avec un déversement toxique occasionné par un accident industriel où un employé a été blessé sérieusement. L’avocat agit pour préserver les droits de l’entreprise et conseillera la prudence, de peur qu’une déclaration malheureuse ne puisse plus tard être interprétée comme un aveu. Le relationniste, pour sa part, fait valoir qu’il est aussi dans l’intérêt de l’entreprise de rassurer la population quant à la gestion des conséquences du déversement et l’état de santé de la victime. Il sait que si le silence diminue les risques juridiques, il augmente par contre les risques à la réputation; l’entreprise pourrait s’éviter une poursuite, mais elle pourrait en même temps perdre la confiance de la population et fort possiblement des parts de marché.

Qui a raison? L’avocat ou le relationniste? Les deux, bien sûr. Voilà pourquoi il est si important de les associer à parts égales dans la gestion de l’événement, en reconnaissant le caractère très différent mais complémentaire de leurs apports. Il en découlera, typiquement, une communication prudente, taillée sur mesure pour répondre aux préoccupations des parties prenantes tout en préservant les droits et les intérêts de l’entreprise.

Le contexte particulier du droit criminel

Évidemment, la gestion de crise fait de la bien meilleure télé que les relations publiques marketing ou les communications internes, de la même manière que le droit criminel fait de la bien meilleure télé que le droit administratif ou le droit de l’immigration. Voilà pourquoi, aux yeux de la vaste majorité de la population, les relationnistes ne font que de la gestion de crise et les avocats, que du droit criminel. Cela entraîne des conséquences très importantes sur les perceptions.

En droit criminel, toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que soit prouvée sa culpabilité. Cette règle est nécessaire pour nous protéger des accusations arbitraires et des procédures sommaires qui caractérisent les sociétés totalitaires. Peu importe ce dont elle est accusée, chaque personne a droit à une défense pleine et entière, dans le respect des valeurs démocratiques et des lois. Elle ne sera déclarée coupable qu’une fois écarté tout doute raisonnable. Dans ce contexte, le rôle de l’avocat est de défendre l’accusé en faisant valoir tous les arguments pouvant soutenir sa cause, en l’encourageant au besoin à utiliser son droit au silence et en exploitant au maximum toutes les possibilités offertes par la loi et par les règles de procédure pour prévenir sa condamnation. Cela est vrai aussi bien pour les personnes morales et les organisations légalement constituées que pour les individus. Personne ne s’étonne donc que des avocats défendent parfois ce qui, de prime abord, pourrait sembler indéfendable. La société civile comprend qu’il s’agit de leur travail et que ce travail est nécessaire.

Imaginons cependant, dans le contexte de la situation de déversement toxique évoquée précédemment, qu’un relationniste adopte une conduite semblable à celle de l’avocat. Il conseille à son client de ne rien dire, même pas de reconnaître qu’il y a eu déversement, ni de confirmer qu’un employé a été blessé, il cherche tous les échappatoires pour le disculper, il conseille au client de se cacher jusqu’à nouvel ordre. Bref, il fait très exactement le contraire de ce que l’on enseigne en première année de relations publiques! Avec le résultat que l’on connaît : la rumeur prend toute la place, alimentée par les témoins, les employés, les experts de tout acabit, les médias mécontents y font une large place et l’entreprise est clouée au pilori de l’opinion publique.

La comparaison avec l’avocat est donc non seulement trompeuse, elle est carrément nuisible à la cause des relations publiques. Nous avons tout à perdre et rien à gagner en comparant notre profession à une autre. Nous remplissons une mission sociale qui nous est propre. Cessons de nous comparer et attachons-nous plutôt à mieux décrire qui nous sommes et comment nous devons travailler en complémentarité avec les autres professionnels, au bénéfice de nos clients.


Voilà le point de vue que nous soumettons au tribunal de l’opinion… des relationnistes.

2 commentaires:

  1. Ce billet est clairement dans la catégorie: "J'aurais aimé avoir écrit..."
    Si vous le permettez, je le ferai lire à chaque responsable des entreprises qui m'embauchent.
    Pour moi, vous venez de rédiger l'équivalent de la "préface aux relations publiques" de tout ce qui existe en références, en admettant que la transparence soit partie prenante des outils du professionnel qui pratique les RP.
    Chapeau!

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  2. Texte pertinent et exact. Merci!

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