Rechercher dans ce blog

lundi 14 juillet 2014

Trois leçons de la guerre froide

Les parallèles à établir entre la diplomatie et les relations publiques sont nombreux. Un article publié dans l’édition d’été du magazine Foreign Affairs nous en livre une nouvelle démonstration. Signé par Robert Legvold, professeur émérite à l’Université Columbia, Managing the New Cold War [1] constate que la crise en Ukraine marque le début incontestable d’une nouvelle guerre froide opposant les États-Unis et les pays de l’Europe de l’ouest à la Russie.  Pour limiter les dégâts, il est urgent, affirme-t-il, de se souvenir de trois leçons leçons apprises durant la première guerre froide qui a opposé ces mêmes pays de 1945 à 1990.
Rester à l’écoute
La première de ces leçons a trait aux effets délétères de la méfiance réciproque qu’entretenaient les parties en présence.  Soupçonnant toujours le pire, américains et soviétiques ont laissé passer plusieurs occasions de rapprochement.  « La vision déformée des objectifs de l’autre représentait la plus importante barrière à la coopération » résume Legvold. Pour en sortir il n’y a qu’un seul chemin possible : les parties doivent se parler, sans fixer de conditions préalables.
Il en va de même des relations entre toutes les organisations, de la multinationale à l’ONG, lorsqu’elles sont engagées dans des relations inter organisationnelles  difficiles. Elles ont souvent tendance à s’isoler dans leur méfiance et à cesser d’écouter les autres, leur attribuant au contraire les pires intentions. Les relationnistes doivent surmonter cette barrière et demeurer perpétuellement à l’écoute. Ils doivent s’assurer de bien comprendre les intentions et les motivations des organisations adverses.
Se remettre en question
La Russie et les pays de l’Ouest doivent aussi réfléchir aux aspects de leur propre conduite ayant pu contribuer à l’affrontement plutôt que de blâmer systématiquement l’autre partie. La spirale infernale menant à la guerre froide résulte de l’interaction des parties plutôt que de la supposée volonté néfaste de l’une ou de l’autre, c’est la deuxième leçon. En Ukraine par exemple, l’Union Européenne n’a jamais accusé réception des  inquiétudes légitimes de Moscou face au projet de traité d’association économique, les États-Unis ont abandonné trop rapidement un projet de règlement conçu par les diplomates qui, malgré ses imperfections,  aurait pu permettre de tracer un chemin vers une solution pacifique. La Russie, de son côté, n’a pas hésité à exploiter l’instabilité politique en Ukraine.
Ici encore le parallèle à faire avec les organisations est évident. Il est plus facile de blâmer l’autre que d’examiner l’impact de sa propre conduite sur l’évolution de la relation. Dans le but d’établir des relations saines, le relationniste doit demeurer toujours lucide quant aux conséquences des actes posés par l’organisation qui l’emploi et savoir, au besoin, attirer l’attention sur une réalité méconnue et proposer des correctifs.
Agir plutôt que de chercher à convaincre
La troisième leçon, la plus importante selon Legvold, est que pour influencer le comportement des Russes, il est beaucoup plus efficace de créer un environnement propice à l’évolution souhaitée que de chercher à les convaincre d’abandonner leur vision du monde. Par exemple,  si les occidentaux veulent que la Russie négocie, ils devraient créer un climat favorable en allégeant la pression sur sa frontière ouest en soutenant l’Ukraine économiquement, en faisant pression sur le gouvernement ukrainien pour assainir le système politique et stabiliser le pays, et en n’obligeant pas les ukrainiens à choisir entre l’Est et l’Ouest.
Nous l’avons tous appris, dans nos manuels comme dans la pratique : la réputation d’une organisation se construit bien davantage à travers ses actions qu’à travers ses paroles. Le rôle du relationniste va bien au-delà du discours; il doit conseiller l’organisation sur tous les aspects de ses activités qui exercent un impact sur sa réputation.
De la diplomatie aux RP…
Il ne faut pas être naïf. Les pays ont des intérêts et choisissent l’affrontement lorsqu’ils estiment que ces intérêts sont en jeu et que le rapport de forces leur est favorable. Il en va de même avec les organisations; tout le monde n’est pas toujours prêt à faire la paix, certains préfèrent profiter de leur situation avantageuse.
Mais tôt ou tard, entre les pays comme entre les organisations, il faut faire la paix car la guerre, parfois profitable à court terme,  est toujours ruineuse à long terme.  Les mécanismes de la diplomatie, entre les pays, et des relations publiques, entre les organisations, deviennent alors essentiels.


[1] Legvold, Robert, Managind the New Cold War, magazine Foreign Affairs, numéro juillet-août 2014, pages 74 à 84.

samedi 27 avril 2013

Il faut soutenir la Tunisie!

J’ai eu la chance et le bonheur de visiter récemment la Tunisie dans le cadre d’une activité de coopération internationale.  Je m’y suis fait de nouveaux amis. Ce peuple courageux, éduqué, accueillant, lutte depuis deux ans pour maintenir les acquis de l’extraordinaire révolution du jasmin qu’ils ont menée en janvier 2011 et qui a déclenché le mouvement de démocratisation que l’on a connu dans toute l’Afrique du Nord.

Comme dans tous les pays arabe et, dans une moindre mesure, tous les pays du monde, les tunisiens sont aux prises avec les démons de l’islamisme radical et ses manifestations peu reluisantes, la plus récente étant l’arrestation en sol canadien de deux présumés terroristes. Mes amis tunisiens d’ici et de là-bas me disent tous spontanément la même chose : nous ne sommes pas comme ça, nous sommes ouverts et pacifiques.
De fait, je puis en témoigner, la Tunisie est un pays sécuritaire et accueillant où l’on peut se rendre sans danger aussi bien pour le tourisme et la culture que pour les affaires. Les voyageurs à la recherche de destinations intéressantes à bon marché auraient avantage à s’y intéresser.
Mes amis craignent par-dessus tout le rejet de la communauté internationale qui les priverait de l’ouverture et du soutien dont ils ont un si grand besoin. Ils font l’apprentissage au quotidien de la démocratie et de la liberté dont on les a privés depuis 50 ans. Les tunisiens ont gagné de haute lutte leur liberté civile et religieuse et ils n’entendent pas y renoncer. Ne leur tournons pas le dos et ne leur fermons pas notre porte juste au moment où ils ont un si grand besoin de nous.

samedi 9 mars 2013

Et si les avocats avaient parfois raison?


Un récent article publié sur le site de Gerald Baron m’incite à revenir sur le thème inépuisable des relations entre les avocats et les relationnistes. Nous accusons souvent les avocats de ne voir le monde qu’à travers le prisme juridique.  Se pourrait-il qu’à l’occasion nous soyons coupables du même travers, refusant de considérer une autre perspective que celle de la réputation?
M. Baron cite la décision de BP de prioriser la victoire devant les tribunaux plutôt que devant l’opinion publique à la suite du désastre de la plateforme de forage Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique à l’été 2010.
Baron souligne que les relations publiques ont été impuissantes jusqu’à maintenant à faire ressortir un aspect crucial de cette situation : contrairement à l’idée fermement ancrée dans l’imaginaire populaire, BP n’est pas seule en cause ici. La plateforme ne lui appartenait pas, elle était louée et opérée par une autre firme, dont la responsabilité est également engagée. Un procès pourrait permettre de mettre en évidence cette responsabilité partagée et de restaurer au moins partiellement la réputation  de BP, en même temps qu’il permettrait de protéger ses intérêts financiers. L’enjeu financier de ce procès est de l’ordre de US$ 17 milliards, une somme considérable même pour une si grande société. Le conseil d’administration se doit de considérer les intérêts de toutes les parties en cause, incluant les actionnaires et les employés et il ne peut se permettre de perdre un procès qui pourrait compromettre sa viabilité.
Baron rappelle aussi l’attitude du très controversé PDG de la pétrolière Exxon à la suite du naufrage de l’Exxon Valdez au large des côtes de l’Alaska.  À la suite du désastre complet de relations publiques qu’avait entraîné cette catastrophe, celui-ci avait alors décidé de donner la priorité à la construction d’une entreprise efficace, efficiente et rentable.  «Ils nous haïssent mais ils vont continuer à acheter notre produit» avait-il alors déclaré, et l’avenir lui a  donné raison; Exxon est redevenue l’une des compagnies les plus rentables du monde.  Par contraste, le PDG de BP, Tony Hayward, qui a tout fait pour tenter d’éviter à BP le désastre de relations publiques qu’avait connu Exxon, a perdu son emploi.
«Le procès de BP est actuellement un désastre de relations publiques, mais seul l’avenir dira si le conseil d’administration de BP a pris la bonne décision ou non » conclut Baron.
Commentaires?

mercredi 26 septembre 2012

Truth in Public Relations

Notre collègue australien Craig Pearce publie aujourd'hui sur son blogue une traduction/adaptation  de l'un de mes textes portant sur l'importance de la vérité en relations publiques.  J'y développe l'idée qu'il existe autant de «vérités» que de personnes sincères participant à un débat.  Si les faits ont une importance cruciale, il faut aussi considérer les valeurs, en vertu desquelles chaque personne accorde plus ou moins d'importance à certains faits plutôt qu'à d'autres.  Le relationniste doit demeurer perpétuellement à l'écoute et chercher constamment à maintenir un dialogue.

Je vous invite à le lire et à commenter, soit en anglais sur le site de Craig, ou en français ici même!

dimanche 13 mai 2012

Une opinion «masquée» n'a aucune valeur


Dans une rare unanimité, le maire de Montréal  et les chefs des partis d’opposition proposent d’interdire les masques durant les manifestations.  Les organismes de défense des droits et libertés s’y opposent, arguant qu’il y a toutes sortes de motifs légitimes pour lesquels les gens peuvent se déguiser et que ce n’est pas aux policiers de décider quand un déguisement est acceptable ou pas.
Ces arguments ne tiennent pas la route, pour deux raisons.  Premièrement,  je ne demande pas aux policiers de décider si le déguisement est acceptable ou pas, je le demande à mes élus municipaux et, s’il faut en arriver là, à mes élus à l’Assemblée nationale du Québec et à la Chambre des communes.  Dans une société libre et démocratique,  compte tenu des abus répétitifs des dernières années, cela me semble une règle raisonnable.
Deuxièmement,  la tolérance des masques durant une manifestation qui se veut publique est d’autant plus absurde qu’une opinion «masquée» n’a aucune valeur.  Qui dénonce la brutalité policière?  Un honnête citoyen ou un casseur professionnel?  Qui dénonce la hausse des frais de scolarité?  Des étudiants et leurs supporteurs, ou des groupes de provocateurs en mal de sensations fortes?  Quelle foi accorder à une opinion exprimée de manière anonyme?  Aucune.  Où est alors le sens de la manifestation?  
Nos policiers sont astreints à des règles extraordinairement rigoureuses de respect des droits de chacun et ils sont soumis à une surveillance de tous les instants, rendue encore plus implacable depuis l’avènement des médias sociaux et des téléphones souvent  plus intelligents que ceux qui   les utilisent.  Ne leur donnons pas le bon Dieu sans confession, mais il est plus que temps d’édicter des règles permettant de civiliser le droit d’expression.

vendredi 3 juin 2011

Vérité, mensonge et professionalisme en relations publiques (1)

Ce texte a aussi été publié dans Regards RP, édition du 25 mai.


1 – Les relationnistes ne sont pas des avocats (bis)

Le texte de Bernard Dagenais publié dans l’édition du 13 avril du Regards RP a le grand mérite de poser des questions très importantes : notre rapport avec la vérité, nos responsabilités professionnelles face à nos employeurs et clients, à l’intérêt public, à notre profession et à nous-mêmes.  Comme un grand nombre de nos collègues, je me suis senti interpellé.  J’ai voulu prendre le temps d’y réfléchir et de coucher par écrit quelques idées qui sont de nature, je l’espère, à faire avancer la discussion.

Je dois revenir en premier lieu sur cette insistance à nous associer absolument aux avocats ou aux politiciens.  Devons-nous tenter de les imiter, ou modeler notre comportement sur le leur?  Personnellement, je réponds «non ».  Voici pourquoi.

Mon argument fondamental est le suivant.  Nous ne sommes pas des avocats, ni des politiciens, ni des médecins, des ingénieurs, des arpenteurs-géomètres, des agronomes, des comptables ou des denturologistes.  Nous sommes des relationnistes ou, si vous préférez, des professionnel(le)s en relations publiques. Certains d’entre nous, dont moi, concevons les relations publiques comme une profession en devenir et nous tentons en toutes circonstances de nous comporter comme si la profession était reconnue. 

Les relations publiques constituent un domaine de savoir et de pratique distinct.  Nous avons notre propre corpus de connaissances, notre Art a ses règles.  Nous avons une raison d’être, une utilité sociale qui nous est propre et qui est distincte de celle des avocats ou de tout autre groupe professionnel.  Notre responsabilité devant la société découle de cette utilité sociale.  C’est en fonction de ce que nous affirmons être que nous devons définir une morale et une éthique pour les relations publiques et non en nous imaginant que nous ferions un meilleur travail en nous comportant comme des avocats[1].  Il ne viendrait à l’esprit d’aucun avocat de régir sa conduite en fonction du code de déontologie des médecins; ce sont des professions distinctes, ayant élaboré chacune son propre code de conduite en fonction de sa réalité propre.  Pourquoi en serait-il autrement pour nous? 

Par ailleurs, je suis loin d’être convaincu que les avocats eux-mêmes endosseraient le genre de conduite qui leur est attribué dans cet article.  L’avocat est un officier de justice qui doit en tout temps soutenir le respect de la loi et servir la justice (article 2.01 du Code d’éthique du Barreau).  Il est astreint à un code d’éthique autrement plus précis et rigoureux que le nôtre où est répertoriée une longue liste d’actions interdites.  En voici quelques exemples : utilisation des procédures pour nuire à autrui, adopter une attitude allant à l’encontre des exigences de la bonne foi, tirer sciemment avantage d’un parjure ou d’une fausse preuve, faire une déclaration en sachant qu’elle est fausse, cacher ou omettre sciemment de divulguer ce que la loi l’oblige à révéler, aider ou encourager un client à poser un acte qu’il sait illégal ou frauduleux.  Ces obligations me semblent peu compatibles avec «la recherche de la confusion et de la désinformation».   Le travail de l’avocat est d’interpréter les lois et les règlements de la manière la plus favorable aux intérêts de son client.  Deux avocats qui représentent des parties adverses peuvent défendre des positions opposées en invoquant chacun des textes de lois; ils se livrent à une joute d’interprétation devant un juge à qui il revient de trancher.  Ces avocats n’auront pas menti ni pratiqué la désinformation.  Si un avocat ment ou abuse des procédures, il contrevient à son code de déontologie.  Est-ce vraiment là une référence valable pour une réflexion sur notre éthique professionnelle?

Pour ce qui est de la politique, c’est un domaine très particulier qui échappe aux comparaisons avec les professions.  Bien que certains persistent à confondre le «spin» politique avec les relations publiques, ce sont deux choses très différentes.  Aussi différentes que peuvent l’être la lutte pour le pouvoir dans une société (ce qui est l’essence de la politique) et l’exercice d’une responsabilité professionnelle dans le cadre d’une profession établie.  Mais cela est le sujet d’un autre article et nous amènerait trop loin de notre préoccupation d’aujourd’hui.

LA SEMAINE PROCHAINE :  Qui sommes-nous?



[1]   Voir à ce sujet le texte que je cosignais avec Matthieu Sauvé, ARP, FSCRP, le 17 mars 2010 sur mon blog : http://guyversailles.blogspot.com/

samedi 28 mai 2011

Merci!

J’ai reçu ce jeudi 26 mai un très beau témoignage de reconnaissance de la part de mes collègues relationnistes alors que l’on me remettait le prix d’excellence Yves Saint-Amand.  Cet honneur me touche sincèrement, je ne l’avais pas vu venir.
J’ai voulu faire ma part pour les relations publiques parce que j’y crois.  Pour moi, les relations publiques forment une profession, dans le sens plein et entier du terme. Une profession qui obéit à ses propres règles de l’art.  Qui forge sa propre éthique, basée sur une conception claire du rôle qu’elle joue dans notre société.  Qui refuse de se laisser cantonner dans la fonction d’outil et qui assume – voire qui impose, lorsque les circonstances l’exigent - sa valeur stratégique.
Il y a quelques décennies, la fonction responsable de gérer les relations d’une organisation avec son environnement n’était pas indispensable, mais elle l’est devenue.  Une organisation publique, para-publique, privée, ou communautaire  qui prétend jouer un rôle utile en société doit obligatoirement, en 2011, apprendre à gérer ses relations avec son environnement social et politique.  Cela, c’est notre spécialité, notre champ d’action, notre utilité pour la société, qu’aucun autre groupe professionnel ne peut assumer avec autant de compétence que nous.
Gandhi disait : « Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde.»   Notre profession est en devenir.  Mais elle demeurera éternellement en devenir si nous n’agissons pas pour qu’elle soit reconnue à sa juste valeur.
Il nous revient à nous, les plus vieux, mais aussi aux plus jeunes, de nous prendre au sérieux.  De connaître nos valeurs.  De nous affirmer dans nos milieux de travail et de refuser ce que nous savons être inadéquat, insuffisant, inefficace, ou non éthique.  De nous comporter comme de vrais professionnels, sans attendre que d’autres nous en reconnaissent la vertu.  D’étudier notre art en profondeur et de nous perfectionner sans cesse.  De savoir comment bien servir nos employeurs et nos clients, sans tourner le dos au bien commun. De nous tenir debout, quoi.
C’est à cela que je nous convie tous et toutes.  À devenir meilleurs, à nous affirmer comme professionnels, chacun et chacune d’entre nous individuellement, et comme groupe, comme une profession qui devra un jour cesser d’être une promesse pour devenir une réalité.
Chers collègues, merci encore pour cet honneur que vous me faites ce soir.  Je tâcherai toujours de m’en montrer digne.