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dimanche 31 janvier 2010

4e épisode: Une affaire de coeur

Une biographie non autorisée de l’oncle de Véronique, écrivain connu, révèle qu’il est de naissance Allemande et qu’il a été informateur pour la Stasi. Sur cette prometteuse prémice, on a eu droit à une émission où la télé l’a clairement emporté sur les relations publiques.

Qui peut sérieusement croire que la réputation de l’oncle de Véronique sera lavée du seul fait du «coming out» de sa sœur (la mère de Véronique) et par la vertu d’une belle photo qui l’associe à l’innocence de l’enfance? Dans la vrai vie, tous les journalistes présents à cette conférence de presse auraient criés à la manipulation et réclamé avec plus de vigueur que jamais de rencontrer le principal intéressé. Bref, on navigue en pleine fantaisie. Et après tout, pourquoi pas? Nous voici de plain-pied dans le domaine par excellence de la télé : les émotions brutes.

La ménopause précoce de l’une, l’arrivée d’une intrigante au sein de l’équipe de gestion de crise, les manigances du frère, la relation impossible entre le beau Philippe et la douce Véronique et le triangle à trois qui se dessine entre eux et le journaliste-et-amant-officiel de Véronique, tout ceci prend beaucoup plus de place et d’importance que les relations publiques, plus que jamais reléguées au rang d’accessoire.

Passons donc à autre chose.

Les RP sont des pommes, le marketing est une banane

À titre de porte-parole de la SQPRP, j'ai accordé une entrevue au magazine Marketing (numéro de décembre 2009) dans le cadre d'un article qui se voulait un «état des lieux» des relations publiques. Ce que l’on me fait dire dans l’article correspond tellement peu à la teneur de la conversation qu’il me faut réagir.

Le point de départ de l'article est le livre de Al et Laura Ries paru en 2002: The Fall of Advertising, the Rise of PR (La pub est morte, vive les RP). J'ai eu l'occasion de livrer ailleurs ma critique de ce livre qui instrumentalise les RP en les réduisant ni plus ni moins qu'à une fonction de «publicity» au sens donné à ce terme par Grunig. La vision de l'entreprise totalement centrée autour du marketing m'avait particulièrement déplu. Dans cette conception, la seule et unique fonction des RP doit être de contribuer à asseoir la marque par l'obtention d'espace rédactionnel «gratuit». Sans nier l'importance que les RP peuvent effectivement apporter à la construction de la marque, n'oublions pas ses autres contributions, souvent essentielles, dans des domaines où le marketing n'a aucune prise; je parle ici de toute la sphère des affaires publiques, que les Ries tournent en ridicule.

J'ai effectivement affirmé que j'observais une certaine évolution dans la pensée marketing, en citant le livre de Brian Solis et Deirdre Breckenbridge: Putting the Public Back in Public Relations. Dans ce livre, les RP sont toujours traitées comme une fonction annexe du marketing, mais au moins on reconnaît certaines caractéristiques essentielles qui les différencient du marketing, notamment l'obligation d'être véritablement à l'écoute des parties prenantes et l'objectif premier qui demeure de créer des dialogues dans le but d'améliorer la compréhension réciproque entre les parties. Je suis toutefois encore très loin d'endosser sans nuance le contenu de ce livre.

La fonction première des RP a toujours été de «comprendre, communiquer, rapprocher» pour utiliser une formule bien connue. Solis et Breckenbridge préconisent exactement cela, à l'échelle des médias sociaux qui transforment en profondeur nos méthodes de communication. Le «New PR» qu'ils préconisent, est très similaire au niveau de l’intention aux relations publiques telles qu'elles existent depuis belle lurette. Le grand mérite du livre est d’expliquer comment les médias sociaux révolutionnent les possibilités techniques d’atteindre nos objectifs. Il est très important de savoir utiliser les outils modernes et à ce chapitre ce livre fait œuvre utile. Mais si un nouvel outil peut transformer nos stratégies et révolutionner notre capacité de communiquer, il ne change en rien l’intention qui a toujours été au cœur des relations publiques : la conversation.

Je reproche à ces deux ouvrages de s’approprier sans vergogne les relations publiques, comme si elles n’existaient pas déjà de manière autonome, et de déclarer que les relations publiques c’est du marketing, ou alors que lorsque les RP ne sont pas asservies au marketing elles n’ont aucune importance. Les Ries sont particulièrement cinglants à ce chapitre.

La subordination des RP au marketing pose un réel danger à notre crédibilité, que nous devons apprendre à reconnaître. L'une des raisons fondamentales pour laquelle les Ries préconisent le recours aux RP pour construire la marque est le discrédit qui frappe la publicité, fille aînée du marketing. Les campagnes coûtent de plus en plus cher et rapportent de moins en moins disent-ils, car le public a appris à se méfier de la pub. Utilisons donc les RP pour générer de l'espace rédactionnel, c'est moins cher et les gens croient davantage ce qui est écrit par un journaliste que par un publiciste.

Comme notre outil n’est plus crédible, disent-ils, laissons-le de côté et prenons celui du voisin, qui fonctionne bien. Mais si la publicité n’est plus crédible c’est à cause de l’utilisation qu’en ont fait les «marketeurs». Si leur intention est d’utiliser les RP de la même manière qu’ils ont utilisé la pub, le même sort nous attend. Nous avons suffisamment à faire avec nos propres problèmes de crédibilité sans endosser aussi ceux du voisin.

Alors je pose la question : voulons-nous être simplement une annexe du marketing, avec la perspective inévitable de tomber dans le même discrédit? Ou voulons-nous nous affirmer pour ce que nous sommes : une discipline distincte, obéissant à un paradigme et à une éthique qui lui sont propres?

Si ceci n’est pas clair pour vous, je vous laisse avec une question toute simple : Quelle est la différence entre les relations publiques et le marketing?

lundi 25 janvier 2010

Troisième épisode : en vérité, j'ai envie de parler d'autre chose...

Très honnêtement, le troisième épisode de MIRADOR m’a fait passer un bon moment de télé mais ne m’inspire rien, côté professionnel. Si je me fie aux deux minutes proposées sur le site web de l’émission, le quatrième épisode (27 janvier) sera plus riche. D’ici là, je vous propose quelques réflexions sur une question toujours d’actualité pour notre profession : la vérité.

Nous avons vu comment le professionnel en relations publiques doit être conscient du réflexe normal de toute personne de chercher parfois à nier les faits ou à les déformer pour mieux paraître. Il faut combattre ce réflexe. Il faut dire la vérité, mais comment la définir? Voilà une question qui mérite réflexion. Sans prétendre faire le tour de la question, voici quelques idées.

Il y a plusieurs vérités, selon les points de vue. Cette affirmation ne relève pas du cynisme mais de la reconnaissance que chaque personne, selon ses valeurs et ses croyances, voit le monde à sa manière et choisit de privilégier certains faits plutôt que d’autres. Une entreprise qui veut construire une usine met de l’avant les bénéfices du développement économique. Un groupe s’y oppose au nom de la protection de l’environnement. Qui a raison, où est la vérité?

La vérité est une conception du monde où les faits trouvent une cohérence et où nous déterminons l’importance que nous leur accordons en fonction de nos valeurs et de nos croyances. Chacun d’entre nous entretient ce que Grunig appelle une «worldview», une vision du monde qui lui est spécifique. Il est donc possible pour le dirigeant de l’entreprise et pour l’écologiste d’être tous deux également honnêtes, tout en défendant des positions opposées, c’est-à-dire en faisant valoir différents aspects d’une même situation.

En même temps que les faits, le professionnel en relations publiques doit donc chercher à comprendre les valeurs et les croyances de son employeur ou client et de toutes les parties prenantes. La reconnaissance de ces valeurs est une étape incontournable de la mise en place du dialogue. Davantage encore, le relationniste doit être conscient de ses propres valeurs. Autrement, il risque de glisser du rôle d’instigateur du dialogue à celui de partie prenante.

Cela étant dit, les faits ont leur importance. La vérité d’un point de vue, quel qu’il soit, repose sur l’intégration de TOUS les faits connus d’une manière cohérente avec ses valeurs, pas seulement de ceux qui font notre affaire. Si certains faits ne cadrent pas avec notre interprétation, il faut y voir un signal à l’effet qu’une partie de la réalité nous échappe. Cette attitude aura l’immense bénéfice de forcer le maintien perpétuel de l’attitude d’ouverture aux positions d’autrui et aux faits nouveaux sans laquelle aucun dialogue fécond n’est possible.

Le rôle de porte-parole est donc très exigeant. Celui ou celle qui se contente d’ânonner des phrases convenues et qui est incapable de s’évader du strict contenu des positions officielles étriquées est de bien peu d’utilité pour les journalistes – ni même pour son organisation. Un porte-parole ne peut être une simple boite aux lettres; il doit posséder pleinement le contenu de ses dossiers et être convaincu du bien-fondé de sa position et en connaître les faiblesses et les insuffisances aussi bien que les points forts. Le ou la relationniste qui défend une position sans en connaître les tenants et aboutissants (ou, pire encore, sans y croire) sera rapidement démasqué par le premier journaliste digne de ce nom.

Encore quelques mots sur les valeurs. Elles sont fondamentales et certaines sont très largement partagées mais sont-elles universelles? Et en est-il certaines plus importantes pour les relationnistes?

Dans nos sociétés, il est acquis que la protection de la vie humaine et de la santé l’emporte sur toute autre considération, que les hommes et les femmes doivent en toutes choses jouir de droits égaux, que les enfants doivent être protégés. Mais même ces grandes vérités qui nous apparaissent si fondamentales peuvent être mises à rude épreuve par la rencontre des civilisations, comme le démontrent nos grands débats sur des sujets tels le port du hijab ou la place à accorder au religieux dans l’espace civil. Seib & Fitzpatrick citent les travaux de Josephson qui a identifié certaines valeurs qui semblent transcender le temps et les cultures : l’honnêteté, l’intégrité, le respect de la parole donnée, la fidélité, l’équité, le souci de l’autre, le respect de l’autre, le civisme, la quête de l’excellence et l’imputabilité (noter cependant que ces travaux datent d’il y a 20 ans et doivent probablement être revus).

De l’ensemble des valeurs, la plus importante du point de vue des RP est sans contredit l’intégrité, qui englobe spécifiquement les concepts d’honnêteté et d’équité et qui fait appel au maintien perpétuel d’une vigilance intellectuelle et d’une ouverture aux faits nouveaux.

Vaste sujet, d’une importance aussi fondamentale pour les relations publiques que la maîtrise des outils de communication. Réactions?


mardi 19 janvier 2010

MIRADOR deuxième épisode - Le sel de la vie

Poursuivons notre réflexion, en considérant toujours Mirador comme une fable des temps modernes, dont il faut profiter pour réfléchir mais qu’il ne faut pas confondre avec la réalité. Le deuxième épisode est riche en comportements susceptibles de provoquer notre réflexion. Je ne retiendrai qu’une séquence pour ce billet, soit celle du dossier de l’Association des fabricants de sel aux prises avec une étude dénonçant les effets nocifs du sel sur la santé.

Luc (le «méchant» frère) propose une stratégie de négation des résultats de l’étude. Philippe propose une approche différente : « Pourquoi l’industrie ne reconnaîtrait-elle pas l’existence du problème? ». Rendons justice aux auteurs de la série d’avoir ainsi résumé en quelques phrases une situation classique de relations publiques, riche en enseignements potentiels pour quiconque accepte d’y réfléchir.

Il faut comprendre le phénomène de la négation au niveau individuel avant de passer au niveau des organisations. La stratégie de tirer sur le messager est vieille comme le monde. On a vu dans l’histoire des rois ordonner la mise à mort des messagers leur apportant la nouvelle d’une défaite et la chose est relativement courante – au plan symbolique, évidemment – dans les organisations modernes. Nous sommes tous enclins à nier les faits désagréables qui nous mettent en cause. « Comment? Moi je me serais trompé? Jamais! » Ainsi posé, le phénomène de la négation apparaît comme un réflexe humain normal d’autoprotection. Nous en avons tous fait l’expérience et nous savons à quel point il peut être difficile de reconnaître une erreur ou une difficulté qui nous remet en cause. Mais nous savons tous aussi que ces expériences désagréables sont parfois inévitables. Car nous gagnons sur le long terme à reconnaître nos erreurs, même si cela est désagréable et qu’il est parfois difficile, voire impossible, de les corriger ou de les réparer.

Les organisations réagissent comme les individus. Parce qu’elles sont dirigées par des humains, les entreprises développent naturellement la tendance à nier les effets nocifs de leurs produits. Les bureaucraties gouvernementales ne reconnaîtront jamais facilement leurs erreurs et leurs inefficacités.
Les relationnistes ont le choix : ils peuvent soit encourager la dissimulation en construisant une stratégie basée sur le déni, voire le mensonge; ou alors ils peuvent conseiller à leurs clients de respecter la vérité des faits. Mais sur le long terme, est-ce réellement un choix? Personnellement, je ne le crois pas. Le déni est une fuite en avant. La suppression de l’information a toujours pour résultat de créer une pression; la vérité finit toujours par se savoir. Cela peut prendre des années mais avec l’avènement des médias sociaux, le phénomène s’accélère. La vérité finit toujours par émerger et ce, de plus en plus rapidement.
«Hé! On fait pas une campagne pour Centraide!» Nous répond le méchant Luc. Il n’y a pas que des aspects moraux en cause. Sur le long terme, la stratégie de la vérité est généralement la plus facile à suivre. D’autant plus que les faits sont rarement tous négatifs. Dans le cas du sel, le responsable de la rétroaction (dont je n’ai pas encore saisi le nom après deux épisodes même s’il a été «présenté» par Luc à Philippe) fait valoir que l’ajout d’iode au sel constitue un argument positif du point de vue de la santé. L’industrie peut aussi faire valoir ce que nous savons tous : le sel ajoute du goût à la nourriture et du plaisir à nos existences. Ne parle-t-on pas du «sel de la vie»? Les fabricants de sel sont en bonne position pour mener un débat public intelligent autour des conclusions de l’étude, ils n’ont pas besoin de mentir.

Cela dit, comprenons-nous : il est toujours possible de critiquer raisonnablement les conclusions ou la méthodologie d’une étude – les scientifiques eux-mêmes le font constamment, cela fait partie de la démarche scientifique. Il est aussi possible de subventionner de nouvelles études, qui feront valoir d’autres aspects. Il s’agit là d’approches légitimes dans une stratégie de relations publiques. Mais ces approches sont très différentes d’une stratégie consistant à tout nier en bloc ou à discréditer exagérément la source de l’information qui nous dérange.

Il revient aussi à l’entreprise d’adopter un comportement responsable, notamment dans ses pratiques de marketing. Car on appelle souvent en renfort les relations publiques pour réparer des pots cassés par d’autres.

Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les rôles respectifs de l’avocat et du relationniste dans les situations où l’entreprise est prise à partie, ou alors lorsqu’elle traverse une situation de crise. Peut-être y reviendrons-nous.

En résumé, la responsabilité du relationniste est de démontrer à son client que la voie à suivre pour éviter les problèmes est de faire preuve de responsabilité dans ses actes et d’ouverture dans ses relations avec les parties prenantes. Je ne connais aucune situation où cela n’est pas vrai. Et vous?







mercredi 13 janvier 2010

MIRADOR - Premier épisode: Caïn et Abel

Venons-en maintenant au premier épisode. Je précise d’entrée de jeu que, ne l’ayant visionné qu’une seule fois, de nombreux détails m’ont certainement échappés. En considérant l’émission comme une fable, que nous inspirent les personnages? Il y a certes le bon et le méchant, le mythe éternel des frères ennemis luttant pour l’affection du père. En quoi leur comportement peut-il inspirer nos réflexions sur la profession?

Les éthiciens confirmeront que de ne pas se poser de question face à une situation trouble constitue une faute. Telle est l’attitude du « méchant » frère. Il accepte la situation telle qu’elle lui est présentée sans chercher à comprendre. Que son client ait raison ou tort n’a pour lui aucune importance, non plus que la dynamique qui anime la relation entre ce client et les autres protagonistes (ici, la relation du chanteur avec les deux jeunes femmes d’une part et avec son gérant d’autre part). Pour lui, la seule chose qui compte est de défendre son client à tout prix et par tous les moyens possibles. Pour cela il n’hésitera pas à salir la réputation de la femme ayant fui la «scène du crime» sans jamais l’avoir rencontrée. Peu importe qui elle est et peu importe la vérité; elle représente une menace qui doit être éliminée.

Imaginons un instant que sa stratégie ait réussi. Le détective lui fournit des munitions lui permettant de détruire la crédibilité de la fille, il les utilise pour créer la confusion dans les médias. La réputation de son client sera-t-elle rétablie? Il est permis d’en douter. Au strict minimum, elle resterait trouble et vu l’attitude autodestructrice du chanteur, il y a fort à parier qu’il se retrouverait en difficulté à courte échéance. N’oublions pas non plus l’enquête policière en cours. Attaquée publiquement, la jeune femme aurait probablement maintenu sa version; on l’aurait cru ou alors elle aurait été démasquée. Bref, dans tous les cas de figure, l’approche fermée mène à une sortie de crise brutale où les réputations, et même l’intégrité psychologique des personnes en cause, auraient souffert.

Par contraste, quelle attitude adopte le « bon » frère, Philippe? Nous apprenons tôt dans le récit qu’il a lui-même déjà géré une situation semblable, en utilisant l’approche fermée d’affrontement qui est aujourd’hui celle de son frère. Il en a résulté la mort d’une femme qui n’avait pu résister à la pression publique exercée sur elle. Résolu à «exorciser» (le mot est prononcé par le personnage) cet événement, Philippe cherche à comprendre, même s’il est convaincu de la culpabilité du chanteur - comme nous tous. Son ouverture au dialogue le mènera rapidement à deux découvertes majeures : premièrement que, avant de rencontrer le chanteur-vedette, les deux jeunes femmes avaient elles-mêmes pris la drogue pour se « dégêner » et, ensuite, que l’attitude suicidaire du chanteur est motivée par la situation impossible que lui impose son gérant et l’appareil médiatique qui en ont fait une vedette.

Davantage encore, son attitude d’ouverture au dialogue, sa curiosité, sa rigueur dans la recherche des faits, permet à Philippe de gagner la confiance des protagonistes et de déployer son talent de stratège pour dénouer la situation au meilleur avantage de tous : la fille avoue, soulage sa conscience et se place du bon bord de la justice, et le chanteur est non seulement blanchi mais il retrouve une marge de liberté face à son gérant. La stratégie n’intervient donc qu’après la recherche des faits, elle est ainsi beaucoup plus solide.

Encore une fois, il faut voir tout ceci comme une fable. La réalité est beaucoup plus complexe et il serait naïf de croire que les choses peuvent toujours se résoudre aussi facilement. Toutefois, les fables peuvent aussi nous aider à réfléchir. Celle qui nous a été contée cette semaine recèle quant à moi un important sujet de méditation : en relations publiques, au-delà des moyens, des techniques et des formules, les attitudes demeurent fondamentales. La fermeture mène à l’affrontement, l’ouverture d’esprit mène au dialogue. Dans un affrontement il y a un gagnant et un perdant, et parfois deux perdants, ce qui était le résultat probable de la situation mise en scène dans l’émission. Dans un dialogue, même entre ennemis, il ya place à l’aménagement d’une solution pas toujours idéale mais au moins acceptable pour toutes les parties impliquées.

* * * * * *

Plusieurs ont aussi noté que le bon Philippe n’a pas complètement perdu son côté retors, n’hésitant pas à détourner une ambulance sous un faux prétexte pour manipuler « la meute » de journalistes. À ceux et celles qui seraient tenté de l’imiter, je rappelle qu’une histoire semblable s’est déroulée il y a une dizaine d’années environ.

Une entreprise culturelle bien connue devait assurer dans un délai très court le déplacement d’une vedette vers Montréal. On avait pour cela retenu les services d’une ambulance qui a assuré le service en utilisant généreusement les gyrophares et la sirène. Ébruitée, l’affaire a provoqué un tollé dans les médias et l’indignation généralisée dans la population. Lorsqu’une ambulance se pointe dans le rétroviseur, nous lui laissons toute la place car nous savons que la vie d’une personne est possiblement en jeu. Si les ambulances se prêtent aussi au jeu du transport des vedettes, la confiance sera rompue et certains automobilistes pourraient ne plus céder le passage.

Les responsables de cette entreprise ont fait ce qu’ils devaient faire : ils ont reconnu rapidement leur erreur de jugement et ils se sont excusés. Trois jours après, l’affaire était oubliée. J’ai toujours soupçonné que ce dénouement était dû en grande partie à l’intervention de l’un de nos collègues les plus éminents.

MIRADOR, ou la mise en scène d'une profession

Après la diffusion d’un seul épisode, il est encore trop tôt pour comprendre quel impact la série Mirador aura sur l’image des professionnels en relations publiques. Toutefois, il est utile, au moment où s’amorce cette série, de réfléchir à la relation entre le réel et l’imaginaire qui est à la base de toute télésérie de fiction.

Les téléséries mettent en scène des médecins, des policiers, des sportifs, des journalistes et, maintenant, des relationnistes, qui tentent d’être courageux, avisés, compétents et honnêtes, mais qui parfois se trompent ou sont lâches, incompétents et malhonnêtes. Ces pulsions contradictoires sont parfois vécues à l’intérieur des mêmes personnages. Elles sont parfois incarnées, comme c’est le cas dans Mirador, par des personnages différents qui revêtent ainsi un aspect caricatural.

Les meilleures téléséries, celles qui nous interpellent et dont nous gardons un vif souvenir, mettent en scène l’humanité des personnages davantage que leur situation professionnelle. Nous nous attachons à eux ou, au contraire, nous les détestons, non pas parce qu’ils sont de bons médecins, de bons avocats ou de bons relationnistes, mais parce qu’ils font preuve de courage ou de lâcheté, de noblesse ou de perfidie.

La vraisemblance des situations mises en scène importe peu. Ce qui est recherché, c’est un décor et un prétexte qui permettront aux personnages d’exprimer des émotions et des sentiments exacerbés.

Le réel et le télévisuel

La vie réelle ne fait pas un bon téléroman. Pour retenir l’attention de l’auditoire, il faut condenser à l’extrême et forcer le trait. Non seulement on ne retient que les situations les plus dramatiques, mais encore on les exagère.

Ainsi, le travail quotidien des relationnistes est-il très différent de ce que nous a donné à voir ce premier épisode. Les professionnels en relations publics ne sont pas les «Deus ex machina» que nous présente la série. Au service du gouvernement du Québec, d’Hydro-Québec et de multiples clients, j’ai participé à des débats publics très intenses et j’ai contribué à gérer de multiples crises. Ces multiples expériences me permettent d’affirmer que le succès repose toujours sur des dossiers solidement étayés et des relations professionnelles empreintes de respect mutuel avec les journalistes et les représentants des divers groupes impliqués.

Les dossiers prévalent lorsque les positions sont solidement construites et les arguments bien documentés. Tout relationniste d’expérience le confirmera : personne n’a jamais avantage à tromper le public et les journalistes car s’il est possible de le faire durant une courte période de temps, la vérité finit toujours par émerger. Le conseil fondamental donné à toute personne ou toute organisation en situation de crise est de faire preuve de la plus grande transparence possible.

Même en cette époque où d’aucuns prétendent que l’ère des grands médias achève, les journalistes demeurent des interlocuteurs incontournables pour les relationnistes. Chaque professionnel en relations publiques doit construire une relation de confiance avec les journalistes avec lesquels il traite. Autrement, il nuira à la cause qu’il prétend défendre.


Ainsi, l’éthique est-elle une préoccupation quotidienne de première importance car elle est le fondement de la crédibilité du relationniste, donc de son efficacité. Reconnaissant cela, les praticiens des relations publiques se sont regroupés dans une association professionnelle et s’astreignent à l’observance d’un code d’éthique dont l’article premier les appelle à «exercer leur profession conformément à l’intérêt du public et dans le respect de la dignité des personnes».

Tout relationniste qui n’observe pas ce précepte fondamental le fait au détriment de sa crédibilité et nuit à l’ensemble de sa profession.