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mercredi 13 janvier 2010

MIRADOR - Premier épisode: Caïn et Abel

Venons-en maintenant au premier épisode. Je précise d’entrée de jeu que, ne l’ayant visionné qu’une seule fois, de nombreux détails m’ont certainement échappés. En considérant l’émission comme une fable, que nous inspirent les personnages? Il y a certes le bon et le méchant, le mythe éternel des frères ennemis luttant pour l’affection du père. En quoi leur comportement peut-il inspirer nos réflexions sur la profession?

Les éthiciens confirmeront que de ne pas se poser de question face à une situation trouble constitue une faute. Telle est l’attitude du « méchant » frère. Il accepte la situation telle qu’elle lui est présentée sans chercher à comprendre. Que son client ait raison ou tort n’a pour lui aucune importance, non plus que la dynamique qui anime la relation entre ce client et les autres protagonistes (ici, la relation du chanteur avec les deux jeunes femmes d’une part et avec son gérant d’autre part). Pour lui, la seule chose qui compte est de défendre son client à tout prix et par tous les moyens possibles. Pour cela il n’hésitera pas à salir la réputation de la femme ayant fui la «scène du crime» sans jamais l’avoir rencontrée. Peu importe qui elle est et peu importe la vérité; elle représente une menace qui doit être éliminée.

Imaginons un instant que sa stratégie ait réussi. Le détective lui fournit des munitions lui permettant de détruire la crédibilité de la fille, il les utilise pour créer la confusion dans les médias. La réputation de son client sera-t-elle rétablie? Il est permis d’en douter. Au strict minimum, elle resterait trouble et vu l’attitude autodestructrice du chanteur, il y a fort à parier qu’il se retrouverait en difficulté à courte échéance. N’oublions pas non plus l’enquête policière en cours. Attaquée publiquement, la jeune femme aurait probablement maintenu sa version; on l’aurait cru ou alors elle aurait été démasquée. Bref, dans tous les cas de figure, l’approche fermée mène à une sortie de crise brutale où les réputations, et même l’intégrité psychologique des personnes en cause, auraient souffert.

Par contraste, quelle attitude adopte le « bon » frère, Philippe? Nous apprenons tôt dans le récit qu’il a lui-même déjà géré une situation semblable, en utilisant l’approche fermée d’affrontement qui est aujourd’hui celle de son frère. Il en a résulté la mort d’une femme qui n’avait pu résister à la pression publique exercée sur elle. Résolu à «exorciser» (le mot est prononcé par le personnage) cet événement, Philippe cherche à comprendre, même s’il est convaincu de la culpabilité du chanteur - comme nous tous. Son ouverture au dialogue le mènera rapidement à deux découvertes majeures : premièrement que, avant de rencontrer le chanteur-vedette, les deux jeunes femmes avaient elles-mêmes pris la drogue pour se « dégêner » et, ensuite, que l’attitude suicidaire du chanteur est motivée par la situation impossible que lui impose son gérant et l’appareil médiatique qui en ont fait une vedette.

Davantage encore, son attitude d’ouverture au dialogue, sa curiosité, sa rigueur dans la recherche des faits, permet à Philippe de gagner la confiance des protagonistes et de déployer son talent de stratège pour dénouer la situation au meilleur avantage de tous : la fille avoue, soulage sa conscience et se place du bon bord de la justice, et le chanteur est non seulement blanchi mais il retrouve une marge de liberté face à son gérant. La stratégie n’intervient donc qu’après la recherche des faits, elle est ainsi beaucoup plus solide.

Encore une fois, il faut voir tout ceci comme une fable. La réalité est beaucoup plus complexe et il serait naïf de croire que les choses peuvent toujours se résoudre aussi facilement. Toutefois, les fables peuvent aussi nous aider à réfléchir. Celle qui nous a été contée cette semaine recèle quant à moi un important sujet de méditation : en relations publiques, au-delà des moyens, des techniques et des formules, les attitudes demeurent fondamentales. La fermeture mène à l’affrontement, l’ouverture d’esprit mène au dialogue. Dans un affrontement il y a un gagnant et un perdant, et parfois deux perdants, ce qui était le résultat probable de la situation mise en scène dans l’émission. Dans un dialogue, même entre ennemis, il ya place à l’aménagement d’une solution pas toujours idéale mais au moins acceptable pour toutes les parties impliquées.

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Plusieurs ont aussi noté que le bon Philippe n’a pas complètement perdu son côté retors, n’hésitant pas à détourner une ambulance sous un faux prétexte pour manipuler « la meute » de journalistes. À ceux et celles qui seraient tenté de l’imiter, je rappelle qu’une histoire semblable s’est déroulée il y a une dizaine d’années environ.

Une entreprise culturelle bien connue devait assurer dans un délai très court le déplacement d’une vedette vers Montréal. On avait pour cela retenu les services d’une ambulance qui a assuré le service en utilisant généreusement les gyrophares et la sirène. Ébruitée, l’affaire a provoqué un tollé dans les médias et l’indignation généralisée dans la population. Lorsqu’une ambulance se pointe dans le rétroviseur, nous lui laissons toute la place car nous savons que la vie d’une personne est possiblement en jeu. Si les ambulances se prêtent aussi au jeu du transport des vedettes, la confiance sera rompue et certains automobilistes pourraient ne plus céder le passage.

Les responsables de cette entreprise ont fait ce qu’ils devaient faire : ils ont reconnu rapidement leur erreur de jugement et ils se sont excusés. Trois jours après, l’affaire était oubliée. J’ai toujours soupçonné que ce dénouement était dû en grande partie à l’intervention de l’un de nos collègues les plus éminents.

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