Poursuivons notre réflexion, en considérant toujours Mirador comme une fable des temps modernes, dont il faut profiter pour réfléchir mais qu’il ne faut pas confondre avec la réalité. Le deuxième épisode est riche en comportements susceptibles de provoquer notre réflexion. Je ne retiendrai qu’une séquence pour ce billet, soit celle du dossier de l’Association des fabricants de sel aux prises avec une étude dénonçant les effets nocifs du sel sur la santé.
Luc (le «méchant» frère) propose une stratégie de négation des résultats de l’étude. Philippe propose une approche différente : « Pourquoi l’industrie ne reconnaîtrait-elle pas l’existence du problème? ». Rendons justice aux auteurs de la série d’avoir ainsi résumé en quelques phrases une situation classique de relations publiques, riche en enseignements potentiels pour quiconque accepte d’y réfléchir.
Il faut comprendre le phénomène de la négation au niveau individuel avant de passer au niveau des organisations. La stratégie de tirer sur le messager est vieille comme le monde. On a vu dans l’histoire des rois ordonner la mise à mort des messagers leur apportant la nouvelle d’une défaite et la chose est relativement courante – au plan symbolique, évidemment – dans les organisations modernes. Nous sommes tous enclins à nier les faits désagréables qui nous mettent en cause. « Comment? Moi je me serais trompé? Jamais! » Ainsi posé, le phénomène de la négation apparaît comme un réflexe humain normal d’autoprotection. Nous en avons tous fait l’expérience et nous savons à quel point il peut être difficile de reconnaître une erreur ou une difficulté qui nous remet en cause. Mais nous savons tous aussi que ces expériences désagréables sont parfois inévitables. Car nous gagnons sur le long terme à reconnaître nos erreurs, même si cela est désagréable et qu’il est parfois difficile, voire impossible, de les corriger ou de les réparer.
Les organisations réagissent comme les individus. Parce qu’elles sont dirigées par des humains, les entreprises développent naturellement la tendance à nier les effets nocifs de leurs produits. Les bureaucraties gouvernementales ne reconnaîtront jamais facilement leurs erreurs et leurs inefficacités.
Les relationnistes ont le choix : ils peuvent soit encourager la dissimulation en construisant une stratégie basée sur le déni, voire le mensonge; ou alors ils peuvent conseiller à leurs clients de respecter la vérité des faits. Mais sur le long terme, est-ce réellement un choix? Personnellement, je ne le crois pas. Le déni est une fuite en avant. La suppression de l’information a toujours pour résultat de créer une pression; la vérité finit toujours par se savoir. Cela peut prendre des années mais avec l’avènement des médias sociaux, le phénomène s’accélère. La vérité finit toujours par émerger et ce, de plus en plus rapidement.
«Hé! On fait pas une campagne pour Centraide!» Nous répond le méchant Luc. Il n’y a pas que des aspects moraux en cause. Sur le long terme, la stratégie de la vérité est généralement la plus facile à suivre. D’autant plus que les faits sont rarement tous négatifs. Dans le cas du sel, le responsable de la rétroaction (dont je n’ai pas encore saisi le nom après deux épisodes même s’il a été «présenté» par Luc à Philippe) fait valoir que l’ajout d’iode au sel constitue un argument positif du point de vue de la santé. L’industrie peut aussi faire valoir ce que nous savons tous : le sel ajoute du goût à la nourriture et du plaisir à nos existences. Ne parle-t-on pas du «sel de la vie»? Les fabricants de sel sont en bonne position pour mener un débat public intelligent autour des conclusions de l’étude, ils n’ont pas besoin de mentir.
Cela dit, comprenons-nous : il est toujours possible de critiquer raisonnablement les conclusions ou la méthodologie d’une étude – les scientifiques eux-mêmes le font constamment, cela fait partie de la démarche scientifique. Il est aussi possible de subventionner de nouvelles études, qui feront valoir d’autres aspects. Il s’agit là d’approches légitimes dans une stratégie de relations publiques. Mais ces approches sont très différentes d’une stratégie consistant à tout nier en bloc ou à discréditer exagérément la source de l’information qui nous dérange.
Il revient aussi à l’entreprise d’adopter un comportement responsable, notamment dans ses pratiques de marketing. Car on appelle souvent en renfort les relations publiques pour réparer des pots cassés par d’autres.
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les rôles respectifs de l’avocat et du relationniste dans les situations où l’entreprise est prise à partie, ou alors lorsqu’elle traverse une situation de crise. Peut-être y reviendrons-nous.
En résumé, la responsabilité du relationniste est de démontrer à son client que la voie à suivre pour éviter les problèmes est de faire preuve de responsabilité dans ses actes et d’ouverture dans ses relations avec les parties prenantes. Je ne connais aucune situation où cela n’est pas vrai. Et vous?
mardi 19 janvier 2010
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Vos billets sont inspirants et remettent bien en perspective ce qui, selon moi, devrait être à la base des relations publiques. La transparence et l'honnêteté devraient primer. Dans un monde idéal, les réflexions relatives au positionnement d'une entreprise, à ses enjeux, à ses problèmes potentiels devraient s'effectuer dans les débuts de toute planification stratégique. Ainsi, les entreprises pourraient bénéficier de leur proactivité et profiter de cette avance pour rayonner plutôt que pour « réparer les pots cassés ».
RépondreSupprimerGuy, es-tu véritablement de retour parmi nous, humbles blogueurs ? Le roi est de retour, vive le roi ! Quelle justesse dans tes propos, excellent billet. Ce type de billets ne doit pas seulement être lu par notre communauté de professionnels en RP, mais pas le grand public. Par ma mère à qui je peine à expliquer ce que je fais, à mes amis qui ne saisissent sans doute pas ce qui me passionne autant. C'est justement tout le côté psychologique des relations publiques qui est captivant, tous ces gens avec qui on travaille (journalistes, partenaires, clients, équipe interne, alouette), les nombreux défis à relever, notre rôle de conseiller pour faciliter la communication, notre incursion dans des domaines tellement diversifiés de jour en jour, et j'en passe. Quel beau métier malheureusement méconnu. Nous sommes assurément des cordonniers mal chaussés.
RépondreSupprimerJe viens tout juste de regarder le 3e épisode de Mirador et, comme toujours, j'ai passé un bon moment. J'ai été diverti, mais j'ai aussi réfléchi. Je trouve fascinant de pouvoir visionner une fiction sur mon métier. Si cette série peut servir de levier afin de mieux faire comprendre notre réalité au grand public, j'y suis à 200 %. Continue Guy de nous alimenter de tes réflexions.