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mercredi 17 février 2010

Quelques considérations concernant la relation journaliste - porte-parole

La remarque d’une connaissance qui commentait mon billet intitulé «les RP sont des pommes, le marketing est une banane»  m’a fait comprendre que le premier paragraphe pouvait être vu comme une attaque envers la journaliste qui m’avait interviewé et dont je commentais l’article. Tel n’était pourtant pas mon intention et ceci me donne l’occasion de formuler certaines observations concernant les relations entre les porte-paroles et les journalistes.

Les contraintes et les attentes différentes de l’un et de l’autre posent un éternel problème de communication. Les porte-paroles ont tendance à croire que leurs propos méritent d’être reproduits intégralement et sont souvent déçus de voir leur pensée résumée à l’extrême, ou contredite un paragraphe plus loin par une autre source. Les journalistes doivent pour leur part faire le tour d’un sujet en très peu de mots et exercer leur jugement critique sur ce qui doit être retenu ou pas, en considérant l’ensemble des positions exprimées, le contexte général de l’article, le public auquel il est destiné, et aussi certains détails très concrets comme le nombre de lignes disponibles. Dans mon cas, l’entrevue avait duré environ 20 minutes. La journaliste a choisi de retenir uniquement le passage où je me montre plus sympathique à l’approche de Solis et Brenckenbridge qu’à celle ces Ries, en laissant de côté l’ensemble des arguments critiques que j’adresse aux uns et aux autres. C’est un choix éditorial légitime et correct, dans la mesure où ma pensée, si elle n’a pas été reproduite en détail, au moins n’a pas été déformée. Mais il n’en demeure pas moins que cette unique phrase correspond à une petite fraction de ma pensée d’où, je l’avoue, une certaine frustration de ma part.

J’ai souvent vécu cette situation au cours de ma carrière. J’ai en tête de nombreuses occasions où j’ai accordé une entrevue en profondeur pour n’en retrouver presque rien et parfois même pour n’en retrouver que l’unique bout de phrase dont le journaliste avait besoin pour conclure sa démonstration. Cela survient presque toujours avec des journalistes avec lesquels je n’ai pas eu l’occasion d’établir une bonne relation professionnelle. En pareille situation, il faut se poser une question: le journaliste a-t-il déformé notre propos?  En a-t-il changé la nature?  L'utilise-t-il dans un contexte où le lecteur pourrait comprendre que nous disons autre chose que ce que nous voulions dire?  Si la réponse à ces questions est «NON», alors même si l'utilisation faite par le journaliste ne correspond pas à nos attentes, il nous faut l'accepter.  Car son travail n'est pas de servir de porte-voix, mais de livrer SA version des faits (et non la nôtre), en fonction de la compréhension qu'il s'en fait à partir de ses multiples contacts.  Si sa vision ne nous convient pas mais qu'elle est honnête (au sens où elle repose sur une construction argumentaire valable), alors nous devons travailler à la modifier à travers un dialogue où nous devrons être convaincants.

Le principal danger que recèle cette situation réside dans le potentiel d’agressivité qu’elle génère. Deux personnes qui se connaissent peu ou pas du tout, placés dans une situation ambigüe, sont très susceptibles d’erreurs de jugement sur les intentions de l’autre. Il en va de même pour deux personnes animées de visions différentes d'une même réalité.  Il est facile, dans ces situations, de céder à l’incompréhension, de porter des jugements hâtifs, de devenir accusatoires et ainsi de braquer une relation dans des attitudes conflictuelles. Cela est néfaste aussi bien pour le relationniste que pour le journaliste, qui ont tous deux besoin de l’autre.  Notre responsabilité professionnelle, comme relationnistes, est de comprendre ces mécanismes et de savoir comment désamorcer nos propres réflexes négatifs pour maintenir le dialogue sans lequel aucun rapprochement n'est possible.


Voilà pourquoi il est si important de développer avec les journalistes des relations professionnelles qui passent par des contacts directs réguliers. La confiance se construit avec le temps, elle facilite la communication.  Les points de vues même très opposés sont toujours exprimés avec davantage de respect par des interlocuteurs qui se connaissent.  Et le respect est le premier pas vers l'ouverture. L’information y gagne toujours en qualité.

Un dernier mot sur les pièges des courriels et autres formes de succédanés à la communication directe. J’ai très souvent remarqué comment on écrit des choses sur une personne, ou à une personne, que jamais nous ne lui dirions en situation de face à face. La rencontre en personne impose toujours un respect minimum, une certaine retenue dans la forme sinon sur le fond, qui disparaît dans les communications électroniques. Voilà pourquoi le téléphone et la rencontre en personne demeureront toujours des moyens privilégiés de rencontre et d’échange d’information, qu’aucune forme de communication électronique ne saura remplacer complètement.

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