Les parallèles à établir entre la diplomatie et les
relations publiques sont nombreux. Un article publié dans l’édition d’été du
magazine Foreign Affairs nous en livre une nouvelle démonstration. Signé par
Robert Legvold, professeur émérite à l’Université Columbia, Managing the New Cold War [1]
constate que la crise en Ukraine marque le début incontestable d’une nouvelle
guerre froide opposant les États-Unis et les pays de l’Europe de l’ouest à la
Russie. Pour limiter les dégâts, il est
urgent, affirme-t-il, de se souvenir de trois leçons leçons apprises durant la
première guerre froide qui a opposé ces mêmes pays de 1945 à 1990.
Rester à l’écoute
La première de ces leçons a trait aux effets délétères de la
méfiance réciproque qu’entretenaient les parties en présence. Soupçonnant toujours le pire, américains et
soviétiques ont laissé passer plusieurs occasions de rapprochement. « La vision déformée des objectifs de l’autre
représentait la plus importante barrière à la coopération » résume Legvold.
Pour en sortir il n’y a qu’un seul chemin possible : les parties doivent
se parler, sans fixer de conditions préalables.
Il en va de même des relations entre toutes les organisations,
de la multinationale à l’ONG, lorsqu’elles sont engagées dans des relations
inter organisationnelles difficiles.
Elles ont souvent tendance à s’isoler dans leur méfiance et à cesser d’écouter
les autres, leur attribuant au contraire les pires intentions. Les
relationnistes doivent surmonter cette barrière et demeurer perpétuellement à
l’écoute. Ils doivent s’assurer de bien comprendre les intentions et les
motivations des organisations adverses.
Se remettre en
question
La Russie et les pays de l’Ouest doivent aussi réfléchir aux
aspects de leur propre conduite ayant pu contribuer à l’affrontement plutôt que
de blâmer systématiquement l’autre partie. La spirale infernale menant à la
guerre froide résulte de l’interaction des parties plutôt que de la supposée volonté
néfaste de l’une ou de l’autre, c’est la deuxième leçon. En Ukraine par
exemple, l’Union Européenne n’a jamais accusé réception des inquiétudes légitimes de Moscou face au
projet de traité d’association économique, les États-Unis ont abandonné trop
rapidement un projet de règlement conçu par les diplomates qui, malgré ses
imperfections, aurait pu permettre de
tracer un chemin vers une solution pacifique. La Russie, de son côté, n’a pas
hésité à exploiter l’instabilité politique en Ukraine.
Ici encore le parallèle à faire avec les organisations est
évident. Il est plus facile de blâmer l’autre que d’examiner l’impact de sa
propre conduite sur l’évolution de la relation. Dans le but d’établir des
relations saines, le relationniste doit demeurer toujours lucide quant aux
conséquences des actes posés par l’organisation qui l’emploi et savoir, au
besoin, attirer l’attention sur une réalité méconnue et proposer des
correctifs.
Agir plutôt que de
chercher à convaincre
La troisième leçon, la plus importante selon Legvold, est
que pour influencer le comportement des Russes, il est beaucoup plus efficace
de créer un environnement propice à l’évolution souhaitée que de chercher à les
convaincre d’abandonner leur vision du monde. Par exemple, si les occidentaux veulent que la Russie
négocie, ils devraient créer un climat favorable en allégeant la pression sur sa
frontière ouest en soutenant l’Ukraine économiquement, en faisant pression sur le
gouvernement ukrainien pour assainir le système politique et stabiliser le pays,
et en n’obligeant pas les ukrainiens à choisir entre l’Est et l’Ouest.
Nous l’avons tous appris, dans nos manuels comme dans la
pratique : la réputation d’une organisation se construit bien davantage à
travers ses actions qu’à travers ses paroles. Le rôle du relationniste va bien
au-delà du discours; il doit conseiller l’organisation sur tous les aspects de
ses activités qui exercent un impact sur sa réputation.
De la diplomatie aux
RP…
Il ne faut pas être naïf. Les pays ont des intérêts et
choisissent l’affrontement lorsqu’ils estiment que ces intérêts sont en jeu et
que le rapport de forces leur est favorable. Il en va de même avec les
organisations; tout le monde n’est pas toujours prêt à faire la paix, certains
préfèrent profiter de leur situation avantageuse.
Mais tôt ou tard, entre les pays comme entre les organisations,
il faut faire la paix car la guerre, parfois profitable à court terme, est toujours ruineuse à long terme. Les mécanismes de la diplomatie, entre les
pays, et des relations publiques, entre les organisations, deviennent alors
essentiels.
[1] Legvold, Robert, Managind the New
Cold War, magazine Foreign Affairs, numéro juillet-août 2014, pages 74 à 84.
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