Un récent
article publié sur le site de Gerald Baron m’incite à revenir sur le thème
inépuisable des relations entre les avocats et les relationnistes. Nous
accusons souvent les avocats de ne voir le monde qu’à travers le prisme
juridique. Se pourrait-il qu’à l’occasion
nous soyons coupables du même travers, refusant de considérer une autre perspective
que celle de la réputation?
M. Baron cite la décision de BP de prioriser la victoire
devant les tribunaux plutôt que devant l’opinion publique à la suite du
désastre de la plateforme de forage Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique à
l’été 2010.
Baron souligne que les relations publiques ont été
impuissantes jusqu’à maintenant à faire ressortir un aspect crucial de cette
situation : contrairement à l’idée fermement ancrée dans l’imaginaire
populaire, BP n’est pas seule en cause ici. La plateforme ne lui appartenait
pas, elle était louée et opérée par une autre firme, dont la responsabilité est
également engagée. Un procès pourrait permettre de mettre en évidence cette
responsabilité partagée et de restaurer au moins partiellement la
réputation de BP, en même temps qu’il
permettrait de protéger ses intérêts financiers. L’enjeu financier de ce procès
est de l’ordre de US$ 17 milliards, une somme considérable même pour une si
grande société. Le conseil d’administration se doit de considérer les intérêts
de toutes les parties en cause, incluant les actionnaires et les employés et il
ne peut se permettre de perdre un procès qui pourrait compromettre sa viabilité.
Baron rappelle aussi l’attitude du très controversé PDG de la
pétrolière Exxon à la suite du naufrage de l’Exxon Valdez au large des côtes de
l’Alaska. À la suite du désastre complet
de relations publiques qu’avait entraîné cette catastrophe, celui-ci avait
alors décidé de donner la priorité à la construction d’une entreprise efficace,
efficiente et rentable. «Ils nous haïssent
mais ils vont continuer à acheter notre produit» avait-il alors déclaré, et l’avenir
lui a donné raison; Exxon est redevenue l’une
des compagnies les plus rentables du monde.
Par contraste, le PDG de BP, Tony Hayward, qui a tout fait pour tenter d’éviter
à BP le désastre de relations publiques qu’avait connu Exxon, a perdu son
emploi.
«Le procès de BP est actuellement un désastre de relations publiques,
mais seul l’avenir dira si le conseil d’administration de BP a pris la bonne
décision ou non » conclut Baron.
Commentaires?
Guy,
RépondreSupprimerJe pense effectivement que les gens en PR souffrent d'un tropisme parfois dommageable. Et l'exemple que tu donnes sur le secteur pétrolier est tout à fait parlant.
Je me rappelle d'une autre catastrophe, le naufrage de l'Érika, un super tanker affrété par Total qui a causé la dernière marée noire en France dans les années 2000.
Cela a été également un désastre en terme de PR. Mais un désastre assumé. En effet, l'une des premières déclarations du porte parole de Total à l'époque fut: "cet incident ne devrait pas affecter nos résultats financiers à court terme"...
Bien sûr, beaucoup de gens, y compris dans la profession, ont failli faire un arrêt cardiaque en entendant ces paroles. Mais, quoi qu'on en pense, Total a pensé stratégiquement. Dans ce cas là, il s'agissait de limiter les dégâts au maximum. Et le plus grand danger n'était pas celui de l'image (cause perdue), mais celui en provenance de la bourse...
Penser stratégiquement, c'est être capable de penser en dehors de son champs de compétence et de comprendre où se trouve le centre de gravité de l'entreprise. Pas toujours facile. Mais c'est ce qui fait la différence.
Voilà pour mes réflexions !
Amitiés,
David