Les relations publiques, une profession en devenir
Michel Dumas
Presses de l’Université du Québec, 2010
Étudiants, relationnistes débutants ou chevronnés, employeurs ou professeurs, quiconque considère les relations publiques davantage comme une profession que comme une simple occupation ou un métier, doit lire le livre de Michel Dumas.
On ressort de cette lecture de 160 pages (en incluant les annexes, elles-mêmes d’une grande pertinence) avec la conviction que les relationnistes ont aujourd’hui tous les atouts qui leur permettraient de travailler activement à l’obtention d’un statut professionnel reconnu par la société, si tant est qu’ils le souhaitent.
Le défi des relationnistes demeure le même depuis les premières initiatives de regroupement qui remontent au milieu du XXe siècle : faire la démonstration qu’ils appartiennent à une profession dotée d’un savoir et d’un savoir-faire résultant d’un apprentissage sérieux, et d’un solide code d’éthique où ils se reconnaissent des obligations envers la société, aussi bien qu’envers leurs employeurs et clients.
Michel Dumas retrace et documente l’évolution du corpus de connaissances, de la formation et de la recherche, les contours de la pratique elle-même. Il s’attarde à l’importance du développement professionnel en cours de carrière, au caractère essentiel de l’éthique professionnelle. Se tournant vers l’avenir, il prend résolument partie pour l’obtention d’un statut professionnel et décrit les étapes à franchir pour y parvenir.
L’ouvrage jette aussi des ponts entre la réalité québécoise et canadienne, l’expérience américaine qui a été si déterminante depuis un siècle, et la situation des autres régions du globe. Il ouvre une fenêtre sur les pays où les relations publiques ont acquis un véritable statut de profession. Il soulève la question des différences culturelles qui influencent la pratique sous différents régimes, pour mieux faire ressortir le caractère universel des grands principes qui unissent les professionnels des relations publiques de partout.
Il faut avoir été formé par un grand maître, avoir pratiqué durant plusieurs décennies dans des contextes variés, avoir été actif au sein d’associations professionnelles aussi bien ici qu’à l’international, et avoir pris le temps de réfléchir, avant de pouvoir produire un bilan aussi complet et aussi concis que celui-là, rédigé par surcroit dans une langue d’une grande clarté. Certes, rien n’est parfait. On aurait aimé par exemple un paragraphe ou deux sur la réflexion ayant accompagné la transformation récente de la SRQ en SQPRP. De même, les ponts de plus en plus nombreux entre le domaine de la responsabilité sociale des entreprises et les relations publiques auraient pu être explorés davantage. Mais ces déceptions demeurent très marginales relativement à la qualité tout simplement remarquable de cet ouvrage.
À mettre entre toutes les mains, vraiment.
vendredi 31 décembre 2010
dimanche 26 décembre 2010
Les relations publiques autrement
Quelques réflexions personnelles découlant du livre de Matthieu Sauvé
Les relations publiques autrement - Vers un nouveau modèle de pratique
Matthieu Sauvé, M.A. ARP, FSCRP
Presses de l'Université du Québec, 2010
Les relations publiques évoluent en parallèle avec les organisations auxquelles elles appartiennent. Tournées essentiellement vers la propagande il y a un siècle, elles ont graduellement déplacée leur attention vers la création de relations avec les publics, parfois avec l’intention de vendre, de convaincre ou d’imposer, et parfois avec l’intention de favoriser la compréhension mutuelle et le rapprochement. Mais il serait plus juste de dire que les définitions se sont additionnées plutôt que de se succéder. Tant et si bien qu’aujourd’hui, il en existe des centaines. Alors que le marketing, qui a émergé durant la même période et à partir des mêmes savoirs, s’est trouvé un centre, les relations publiques ont éclatées dans toutes les directions. Qui sommes-nous ?
De cette multitude de définitions, une conception dominante des relations publiques s’est tout de même imposée, celle du modèle managérial. Les relations publiques seraient une fonction de gestion, dont le rôle consiste à favoriser l’atteinte des objectifs de l’organisation par la création et le maintien de relations avec ses divers publics. La plupart des définitions contemporaines incluent aussi une forme ou une autre de responsabilité sociale, ou de respect de l’intérêt public. Mais voilà que surgissent les questions : Est-il possible de défendre à la fois l’intérêt particulier d’une organisation et l’intérêt public de la société dans laquelle elle agit? Est-il possible d’aspirer à un dialogue authentique avec les parties prenantes dans le cadre d’une pratique fondée sur le concept de messages clés auxquels il faut se tenir? Pouvons-nous réellement prétendre au rôle de fonction de gestion alors que les organisations qui nous emploient nous relèguent plus souvent qu’autrement à des fonctions techniques?
À partir de ces préoccupations fondamentales, Matthieu Sauvé questionne les prémices mêmes de la conception moderne des RP. L’ouvrage est plutôt technique mais à force d’éplucher les contours théoriques de la profession, il esquisse graduellement le pacte Faustien que les relationnistes ont scellé en acceptant le modèle managérial : En retour de notre siège à la table de la coalition dominante, nous acceptons de subordonner l’intérêt public à l’intérêt particulier de l’organisation, tout en essayant tant bien que mal de maintenir notre cohérence intellectuelle.
L’illusion est assurée par la multiplicité des définitions de ce qu’est l’intérêt public, concept fourre-tout s’il en est, que l’on utilise pour servir nos propres intérêts de diverses manières. Pour certains, l’intérêt public désigne la somme des intérêts particuliers; toute fin devient alors légitime. On peut aussi invoquer une forme de darwinisme social : laissons tous les acteurs s’exprimer et les plus vigoureux l’emporteront. Mais la plupart du temps, nous résolvons le dilemme moral en affirmant tout simplement que le but poursuivi par notre organisation est d’intérêt public et nous développons une argumentation en ce sens. Cette posture morale est devenue tellement commune et répandue que, comme l’air que l’on respire, nous n’en avons plus conscience.
Matthieu Sauvé nous propose une autre vision des relations publiques, selon laquelle ce n’est pas ce que font les relationnistes qui changerait, mais les raisons pour lesquels ils le font. Ils demeureront des facilitateurs dans la rencontre des parties, mais plutôt que de viser l’atteinte des objectifs de l’organisation, leur objectif serait «d’apporter un niveau de satisfaction équitable aux attentes ou aux besoins de tous les acteurs en présence».
Cette vision, on l’aura compris, ne pourra devenir réalité que le jour où les organisations elles-mêmes accepteront d’endosser un rôle et une responsabilité sociale qui tienne compte des trois dimensions politiques, sociales et économiques qui caractérisent leur insertion dans la société.
Utopique? Peut-être pas tant que cela. Car les organisations, mêmes les plus puissantes, sont elles aussi condamnées à évoluer. Rappelons-nous le chemin parcouru depuis les années 1950, où la grande entreprise imposait à tous ses seuls objectifs économiques : «Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique» pouvait déclarer son PDG, et toute l'Amérique l'applaudissait. L’action incessante des groupes militants dans les domaines des droits humains, du travail et de l’environnement, l’impasse planétaire qui menace alors que nous voyons nos ressources s’épuiser et notre environnement se dégrader, les insuffisances manifestes de la pensée économiste à régler les problèmes sociaux et politiques issus de déséquilibre dans le partage de la richesse, l’émergence d’une nouvelle génération de gestionnaires formés à l’internationalisme et aux enjeux de Bruntland, concourent puissamment à redéfinir la société et les organisations qui la composent.
Naguère centrées sur elles-mêmes, les grandes entreprises s’ouvrent graduellement à leur environnement et constatent la réalité des interdépendances. Hier, elles avaient le pouvoir d’imposer leur volonté. Aujourd’hui, elles doivent négocier. Voilà pourquoi je conclus que, bien que son occurrence demeure exceptionnelle dans le monde d’aujourd’hui, le modèle proposé par Matthieu Sauvé s’inscrit clairement dans l’avenir des relations publiques.
Les relations publiques autrement - Vers un nouveau modèle de pratique
Matthieu Sauvé, M.A. ARP, FSCRP
Presses de l'Université du Québec, 2010
Les relations publiques évoluent en parallèle avec les organisations auxquelles elles appartiennent. Tournées essentiellement vers la propagande il y a un siècle, elles ont graduellement déplacée leur attention vers la création de relations avec les publics, parfois avec l’intention de vendre, de convaincre ou d’imposer, et parfois avec l’intention de favoriser la compréhension mutuelle et le rapprochement. Mais il serait plus juste de dire que les définitions se sont additionnées plutôt que de se succéder. Tant et si bien qu’aujourd’hui, il en existe des centaines. Alors que le marketing, qui a émergé durant la même période et à partir des mêmes savoirs, s’est trouvé un centre, les relations publiques ont éclatées dans toutes les directions. Qui sommes-nous ?
De cette multitude de définitions, une conception dominante des relations publiques s’est tout de même imposée, celle du modèle managérial. Les relations publiques seraient une fonction de gestion, dont le rôle consiste à favoriser l’atteinte des objectifs de l’organisation par la création et le maintien de relations avec ses divers publics. La plupart des définitions contemporaines incluent aussi une forme ou une autre de responsabilité sociale, ou de respect de l’intérêt public. Mais voilà que surgissent les questions : Est-il possible de défendre à la fois l’intérêt particulier d’une organisation et l’intérêt public de la société dans laquelle elle agit? Est-il possible d’aspirer à un dialogue authentique avec les parties prenantes dans le cadre d’une pratique fondée sur le concept de messages clés auxquels il faut se tenir? Pouvons-nous réellement prétendre au rôle de fonction de gestion alors que les organisations qui nous emploient nous relèguent plus souvent qu’autrement à des fonctions techniques?
À partir de ces préoccupations fondamentales, Matthieu Sauvé questionne les prémices mêmes de la conception moderne des RP. L’ouvrage est plutôt technique mais à force d’éplucher les contours théoriques de la profession, il esquisse graduellement le pacte Faustien que les relationnistes ont scellé en acceptant le modèle managérial : En retour de notre siège à la table de la coalition dominante, nous acceptons de subordonner l’intérêt public à l’intérêt particulier de l’organisation, tout en essayant tant bien que mal de maintenir notre cohérence intellectuelle.
L’illusion est assurée par la multiplicité des définitions de ce qu’est l’intérêt public, concept fourre-tout s’il en est, que l’on utilise pour servir nos propres intérêts de diverses manières. Pour certains, l’intérêt public désigne la somme des intérêts particuliers; toute fin devient alors légitime. On peut aussi invoquer une forme de darwinisme social : laissons tous les acteurs s’exprimer et les plus vigoureux l’emporteront. Mais la plupart du temps, nous résolvons le dilemme moral en affirmant tout simplement que le but poursuivi par notre organisation est d’intérêt public et nous développons une argumentation en ce sens. Cette posture morale est devenue tellement commune et répandue que, comme l’air que l’on respire, nous n’en avons plus conscience.
Matthieu Sauvé nous propose une autre vision des relations publiques, selon laquelle ce n’est pas ce que font les relationnistes qui changerait, mais les raisons pour lesquels ils le font. Ils demeureront des facilitateurs dans la rencontre des parties, mais plutôt que de viser l’atteinte des objectifs de l’organisation, leur objectif serait «d’apporter un niveau de satisfaction équitable aux attentes ou aux besoins de tous les acteurs en présence».
Cette vision, on l’aura compris, ne pourra devenir réalité que le jour où les organisations elles-mêmes accepteront d’endosser un rôle et une responsabilité sociale qui tienne compte des trois dimensions politiques, sociales et économiques qui caractérisent leur insertion dans la société.
Utopique? Peut-être pas tant que cela. Car les organisations, mêmes les plus puissantes, sont elles aussi condamnées à évoluer. Rappelons-nous le chemin parcouru depuis les années 1950, où la grande entreprise imposait à tous ses seuls objectifs économiques : «Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique» pouvait déclarer son PDG, et toute l'Amérique l'applaudissait. L’action incessante des groupes militants dans les domaines des droits humains, du travail et de l’environnement, l’impasse planétaire qui menace alors que nous voyons nos ressources s’épuiser et notre environnement se dégrader, les insuffisances manifestes de la pensée économiste à régler les problèmes sociaux et politiques issus de déséquilibre dans le partage de la richesse, l’émergence d’une nouvelle génération de gestionnaires formés à l’internationalisme et aux enjeux de Bruntland, concourent puissamment à redéfinir la société et les organisations qui la composent.
Naguère centrées sur elles-mêmes, les grandes entreprises s’ouvrent graduellement à leur environnement et constatent la réalité des interdépendances. Hier, elles avaient le pouvoir d’imposer leur volonté. Aujourd’hui, elles doivent négocier. Voilà pourquoi je conclus que, bien que son occurrence demeure exceptionnelle dans le monde d’aujourd’hui, le modèle proposé par Matthieu Sauvé s’inscrit clairement dans l’avenir des relations publiques.
vendredi 17 décembre 2010
Grands projets: la démocratie ne peut faire l'économie de la discussion
Le texte suivant a été adopté par le conseil d'administration de la SQPRP en 2006. À ma connaissance, il représente encore la position officielle de notre société professionnelle sur la question des relations publiques en relation avec les grands projets.
Au cours des derniers mois, plusieurs projets hautement médiatisés ont dû être abandonnés ou encore, être réalisés dans la controverse, à la suite de débats publics houleux. Aujourd’hui, plusieurs se demandent si le Québec est affligé d’immobilisme et s’il est encore possible de mettre de l’avant de grands projets structurants. D’autres dénoncent l’influence des groupes de pression, qu’ils perçoivent comme exerçant une influence disproportionnée à leur véritable représentativité. Certains suggèrent même de limiter le débat, par exemple en ne considérant que les aspects économiques d’un dossier ou en excluant des individus ou des groupes perçus comme n’étant pas suffisamment représentatifs.
POSITION DE LA SQPRP
Les grands projets structurants comportent toujours des impacts non seulement économiques mais aussi sociaux et environnementaux. Ces impacts peuvent être localisés et toucher peu de personnes ou, au contraire, être ressentis sur un grand territoire par une population nombreuse. Il est non seulement légitime mais socialement nécessaire de les évaluer à la lumière des intérêts de l’ensemble de la société.
Les grands projets structurants touchent toujours des publics nombreux et variés. Ils intéressent aussi des groupes qui, bien qu’ils ne soient nullement affectés par le projet, s’investissent d’une mission et décident de faire valoir leur opinion, dans le cadre de la libre circulation des idées et des opinions caractéristique d’une démocratie comme la nôtre. Dans la mesure où elles sont exprimées avec sincérité, toutes les opinions doivent être reçues et considérées. Il revient aux intervenants et aux médias d’en évaluer la valeur, selon la solidité et la profondeur des faits et de la réflexion qui les sous-tendent. Cette appréciation peut varier selon le point de vue et les valeurs de chacun.
Il est illusoire et contreproductif de penser restreindre ou court-circuiter pareil débat. La communication véritable est essentielle à toute société démocratique. Les médias d’information y jouent un rôle fondamental. Les organismes constituant la société civile, par leur engagement, contribuent à l’édification d’une société vigoureuse. L’examen de l’ensemble des idées et un débat ouvert permettent d’identifier l’ensemble des solutions possibles et d’en soupeser les avantages et les inconvénients.
Dans cette perspective, les professionnels en relations publiques affirment que :
Au cours des derniers mois, plusieurs projets hautement médiatisés ont dû être abandonnés ou encore, être réalisés dans la controverse, à la suite de débats publics houleux. Aujourd’hui, plusieurs se demandent si le Québec est affligé d’immobilisme et s’il est encore possible de mettre de l’avant de grands projets structurants. D’autres dénoncent l’influence des groupes de pression, qu’ils perçoivent comme exerçant une influence disproportionnée à leur véritable représentativité. Certains suggèrent même de limiter le débat, par exemple en ne considérant que les aspects économiques d’un dossier ou en excluant des individus ou des groupes perçus comme n’étant pas suffisamment représentatifs.
- Les promoteurs de tout projet majeur doivent se donner les moyens de respecter les exigences d'une communication efficace. Ils doivent notamment, en collaboration avec les professionnels en relations publiques, incorporer les préoccupations suivantes dès la phase de conception des projets et tout au long de leur implantation :
- identification de tous les groupes susceptibles d’être touchés par le projet, ainsi que des groupes susceptibles de vouloir l’influencer;
- identification claire non seulement des avantages et des inconvénients directs du projet, mais aussi de l’ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux;
- Les professionnels en relations publiques doivent de plus mettre en place des stratégies et des moyens de communication poursuivant les objectifs généraux suivants :
- comprendre les intérêts, les opinions, les valeurs de toutes les parties prenantes susceptibles d’être touchés ou intéressés par le projet et en informer le promoteur
- renseigner adéquatement l’ensemble des parties prenantes, c’est-à-dire leur procurer en temps utile une information complète et exacte, présentée et/ou rédigée d’une manière adaptée à chaque public afin d’en faciliter la compréhension
- entreprendre un dialogue entre le promoteur et les parties prenantes afin d’assurer une communication la plus efficace possible;
- Le débat public autour d’un projet majeur doit poursuivre les objectifs suivants :
- identifier clairement les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux de court et de long terme escomptés de la réalisation du projet
- identifier clairement les difficultés posées par le projet et ce, sur les plans économique, social et environnemental
- déterminer les conditions minimales qui permettront la création d’un consensus raisonnable à partir duquel l’autorité dûment constituée décidera de procéder ou non.
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